DIAL D 2102 du 1-15 octobre 1996
Mots-clés : Théologie de la libération, pauvreté, marginalisation, néolibéralisme, culture autochtone, femmes, famille, écologie.
LES MUTATIONS EN COURS DANS LA THÉOLOGIE DE LA LIBÉRATION

“Y a-t-il une crise au sein de la théologie de la libération ?” “La théologie de la libération ne serait-elle pas morte ?” L’honnêteté oblige de dire que la réponse faite à ces questions dépend très largement de la position que l’on a à l’égard de cette théologie et de ses enjeux : “non, elle n’est pas morte” affirment ses défenseurs ; “elle a heureusement été emportée avec la chute du marxisme”, affirment ses détracteurs. Ces deux réponses opposées, liées à des intérêts qui ne le sont pas moins, montrent bien, en tout cas, que cette théologie reste un enjeu très conflictuel.
On pourra lire ci-dessous le point de vue de personnes qui partagent la conviction qu’il ne faut pas confondre changements en cours et disparition pure et simple. Toutes soulignent les déplacements qui se sont opérés depuis l’apparition de cette théologie dont la date “officielle” de naissance peut être fixée en 1968 à Medellín (Colombie) avec la IIème Conférence générale de l’épiscopat latino-américain. Ci-dessous, chacun des auteurs s’efforce d’enraciner la vision qu’il a de cette théologie dans le paysage socio-économique et ecclésial actuel de l’Amérique latine. En plus de la place centrale faite à “l’option pour les pauvres”, ils soulignent la prise en compte nouvelle d’autres réalités : les indigènes, les femmes, les exclus, la société civile et même la famille. La tâche de la théologie de la libération est d’autant plus d’actualité que le néolibéralisme est plus envahissant que jamais : il impose une révision des analyses autant qu’une résistance spirituelle.
Successivement, on pourra lire l’interview de Pablo Richard, théologien et bibliste chilien (publiée dans Sentir con la Iglesia, 15 avril 1996, San Salvador, El Salvador), celle de Frei Betto, dominicain brésilien (publiée dans
Noticias Aliadas, 30 mai 1996, Quito, Pérou), un bref texte de Fernando Bermúdez et une interview de Leonardo Boff, professeur d’éthique à l’Université d’État de Río de Janeiro (ces deux derniers textes étant parus dans Cencos Iglesias, avril 1996, Mexico).

Pablo Richard : La place de la résistance spirituelle dans le combat actuel

Récemment, divers commentateurs ont déclaré que “la théologie de la libération était désormais morte”. êtes-vous d’accord ?
Pablo Richard : C’est un thme qui revient trs fréquemment dans la presse de toute l’Amérique latine. Je l’ai lu au Chili, au Brésil, partout. On fait une caricature : la théologie de la libération est marxiste, elle est violente, elle est donc morte. Je dirais que cette théologie est non seulement morte mais qu’elle n’a jamais existé.
Je pense que tout ceci est fort symptomatique : c’est le signe de la peur qu’a toujours le systme à l’égard d’une théologie critique qui parle de Dieu à partir des pauvres. Pour cela, on veut l’enterrer, la détruire, la faire disparatre. Pour moi, cela est positif ; je veux dire que cette théologie anime toujours quantité de gens et que, pour cette raison, elle fait peur. C’est cette peur qui provoque cette déclaration prématurée de mort.

La théologie de la libération a-t-elle changé ?
Pablo Richard : Oui. Une nouvelle théologie de la libération est en train de voir le jour. C’est qu’il ne nous est pas possible, dans la situation actuelle, de faire la mme théologie de la libération que nous faisions dans les années 80, parce que le contexte économique, politique, social, ecclésial est trs différent. Je pense que l’espérance ne passe plus par le pouvoir politique mais bien par la société civile. Il y a un déplacement considérable de la société politique vers la société civile. C’est le monde des nouveaux mouvements sociaux. Il y a une résurgence de la société civile et, en elle, il ne s’agit pas de prendre le pouvoir mais de construire un nouveau pouvoir à partir d’en-bas, à la base.
Dans un tel contexte, la théologie de la libération est plus nécessaire que jamais. La force spirituelle est aujourd’hui trs importante pour une raison très simple : nous sommes dans une économie de libre marché - ou, comme le dit Pedro Casaldáliga, une dictature macro-économique internationale - et nous ne pouvons pas en sortir, mais nous ne participons pas à son esprit ; ou, comme le dit Jésus-Christ, nous sommes dans le monde mais nous ne sommes pas de ce monde. Nous sommes dans une économie de libre marché, mais nous ne sommes pas de cette économie. Notre esprit nous oriente vers une direction opposée et différente. En conséquence, la résistance culturelle, la résistance spirituelle deviennent plus nécessaires que jamais parce que là se trouve le principal champ de bataille.

Y a-t-il d’autres nouveautés ?
Pablo Richard : Oui, dans les années 80, la théologie de la libération était représentée, disons-le ainsi, par les “grands théologiens”. Aujourd’hui nous sommes passés à des milliers de “petits théologiens” de la libération. Pour chaque grand théologien de la libération, nous avons 2 000 à 3 000 nouveaux théologiens, une grande quantité de lacs, surtout une grande quantité de femmes, d’indignes, de paysans qui créent la théologie de la libération. Ils n’écrivent pas de livres, ne sont pas célbres, mais il y a un bouillonnement, disons-le ainsi, de nouveaux théologiens de la libération qui surgissent à la base.
De plus, y compris au niveau public, de nouveaux acteurs apparaissent, comme des femmes par exemple. Que de théologiennes, que de doctoresses en théologie avons-nous aujourd’hui en Amérique latine ! Nous en avons beaucoup plus que nous n’en avions dans les années 80. Nous avons aussi des indignes qui obtiennent des matrises, des doctorats et qui écrivent des livres. C’est dire qu’il y a désormais de nouveaux acteurs. Il ne s’agit plus du type habituel de théologiens de la libération, blancs et prêtres.
Je voudrais souligner un autre foyer de la croissance accélérée et profonde de la théologie de la libération. Ce lieu, nous l’appelons la lecture communautaire de la Bible - lecture faite à partir du peuple, à partir des pauvres, à partir des marginaux, à partir des femmes. Les pauvres relisent les textes bibliques avec une créativité extraordinaire. Ces relectures sont fidles à l’esprit avec lequel la Bible fut écrite. Il ne s’agit pas de manipulation. C’est tout le contraire. Il s’agit de nous regarder dans le miroir de la Bible, de nous reconnatre dans cette tradition et de découvrir cette révélation de Dieu, à la lumire de la Bible, dans la situation actuelle. C’est la théologie de la libération. Elle n’est certainement pas la mme que dans les années 80, mais elle s’élabore aussi en fidélité à une tradition ecclésiale qui remonte évidemment à Vatican II et à Medellín.

Frei Betto : “L’Église changera si nous changeons la société”

Quelle est la situation de la théologie de la libération ?
Frei Betto : Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, la théologie de la libération a traversé une crise. Non pas parce qu’elle se serait fondée principalement sur le marxisme. Ceci n’est pas vrai, et je ne le dis pas parce que je serais antimarxiste, mais parce que les vraies racines de la théologie de la libération se trouvent dans l’existence massive des pauvres.
Au coeur de notre préoccupation pour les pauvres, nous théologiens de la libération, nous avons rencontré le marxisme et les marxistes qui nous aident à mieux comprendre pourquoi il y a tant de pauvres.
Alors, ces quelques militants de gauche qui avaient en 1989 des contacts avec les secteurs populaires, souffrirent trs peu de la chute (du régime communiste). Mais ceux qui n’avaient pas de contacts avec les pauvres, qui considéraient le marxisme comme une sorte d’idéologie dogmatique, comme une référence théorique, ont effectivement vécu une crise trs forte et beaucoup d’entre eux ont changé de cap en se précipitant vers le néolibéralisme avec pour excuse qu’ils sont désormais sociaux-démocrates.
Au Brésil, c’est évident. Le président Fernando Henrique Cardoso est le grand parapluie sous lequel vient s’abriter une gauche académique, théorique, qui déclare à présent qu’il n’y a pas de place pour le socialisme dans l’avenir, et qu’il n’y a mme pas lieu d’avoir une prise de position éthique pour combattre la croissance explosive de la misère dans le pays. Un autre facteur qui touche la théologie de la libération, ce sont les pressions du Vatican. Il ne s’agit pas d’une théologie en marge de l’Église catholique, mais bien à l’intérieur d’elle, et nous nous efforçons sans cesse de continuer sur cette voie.
Il y a des différends entre la théologie de la libération d’une part, le pape Jean-Paul II et Rome d’autre part, mais nous n’avons jamais été intéressés par la rupture avec l’Église catholique. Curieusement, au cours de ce sicle, 90 % des ruptures qui se sont produites l’ont été en raison du chemin suivi par des secteurs de droite et jamais par la gauche. Une telle rupture ne nous a jamais intéressés car notre objectif fondamental n’est pas de changer l’Église mais de changer la société. Nous croyons que l’Église changera dans la mesure o nous changerons la société.
Nos différends à l’intérieur de l’Église sont secondaires. Nous sommes fondamentalement préoccupés de réunir ceux qui cherchent à transformer une société injuste, la pauvreté, la misre, les structures d’oppression.
D’un autre cté, la théologie de la libération est en train de revoir ses paradigmes, non pour les abandonner mais pour leur donner une nouvelle ampleur.
Le féminisme en est un exemple. Il y a tout un courant féministe dans la théologie de la libération, une lecture de la Bible du point de vue des femmes. Un second thme est celui de l’écologie. Nous pensons qu’il ne suffit pas de parler des droits de la personne, des droits sociaux, des droits culturels, il faut aussi parler des droits cosmiques. L’écologie est un point qu’il est important de mettre en avant dans notre lutte.

Qu’impliquent pour l’Église la théologie noire et la théologie indigne ?
Frei Betto : Les théologies afro-brésiliennes et indignes acquirent chaque jour plus de force. Le syncrétisme a une force considérable pour les Noirs et a en quelque sorte une influence sur toute la population. Beaucoup de gens ne le croient pas, mais le Brésil est le second pays pour la population noire de la plante après le Nigeria ; il y a plus de Noirs au Brésil qu’aux États-Unis d’Amérique.
Il y a 50 millions d’Afro-brésiliens qui ont eu une influence importante sur la culture et la religion. Le syncrétisme dans l’Église n’a pas au Brésil une signification péjorative pour deux raisons : parce que c’est un élément de la réalité et parce que personne ne connat de croyant qui n’ait pas une foi syncrétiste. Il n’est pas jusqu’au pape Jean-Paul II qui ne soit syncrétiste dans sa foi en adhérant à la propriété privée et à l’idée que le capitalisme est meilleur que le socialisme. Il mle donc son idéologie à sa foi en Jésus-Christ.
Il n’y a pas de foi chimiquement pure ; toute foi a une composante syncrétiste. On peut parler de l’influence juive dans le christianisme des premiers sicles, ensuite de l’influence de Rome, qui continue toujours, et certains parlent aujourd’hui d’un christianisme influencé par l’Amérique latine, qui est un christianisme noir, indigne, populaire. Le phénomne de l’incarnation du christianisme est trs fort au Brésil (...)

Leonardo Boff : DÉFIS ACTUELS, NOUVEAUX CHANTIERS


Quels sont, à ton avis, les défis actuels pour la théologie de la libération ?
Leonardo Boff : La théologie de la libération continue d’tre une théologie prophétique qui dénonce les injustices et la misre ; elle continue d’tre une théologie pastorale qui chemine comme un pasteur en union avec les pauvres. Elle entend tre une théologie engagée à partir des pauvres opprimés et aider aux changements nécessaires de la société ainsi que des Églises. Telle est sa réalité fondamentale.

L’exclusion
Dans les années 90 sont apparues trois grandes questions qui provoquent la théologie de la libération : la premire est celle de l’exclusion. L’exclusion a toujours existé sur le continent : indignes, Noirs, pauvres, mais ce n’était pas un phénomène aussi massif. La marginalisation était là avec les exploités, les marginaux. De façon systématique, la nouvelle forme d’accumulation du capital et l’existence d’un marché globalisé ne marginalisent pas seulement mais excluent. Cela signifie que les États ne font plus d’investissements sociaux, ne prennent plus en compte des millions de personnes à l’intérieur de la société, à l’intérieur de ce processus... La théologie de la libération doit penser la gravité de la pauvreté, radicaliser son option pour ceux qui sont en marge mais qui ont le désir et l’espérance de se développer, de ceux qui, étant exclus, sont confrontés à la mort, à la faim. Il y a toute une réflexion de la théologie de la libération : on y traite du thme de la vie, du droit de vivre et non pas seulement de recevoir; on réfléchit pour voir comment s’organiser au minimum pour avoir la nourriture, la santé, la terre. Il s’agit également de voir comment ces exclus peuvent devenir citoyens et participer, et ainsi intégrer la société non à la marge mais comme citoyens actifs.

L’expérience du sacré
Le second thme, qui est trs important, je dirais que c’est celui du mysticisme, du retour de l’expérience du sacré de la religion dans l’ensemble des cultures du monde, et cela pose une grande question. D’un cté, c’est une bonne chose que ce retour car il révle la dimension profonde de l’être humain qui n’a pas seulement faim de pain mais faim de transcendance et de communication, faim de Dieu. Cette faim signifie que l’tre humain est fatigué de la culture matérialiste de la seule production. Il veut la gratuité, la célébration, la grâce, une voie spirituelle qui soit un don de Dieu dans sa meilleure signification. Ici, on trouve deux points qui aident la théologie de la libération à réfléchir : l’un, le retour du religieux, qui ne se produit pas habituellement à travers les grandes institutions religieuses et ce retour appelle un autre discours, un autre point de vue, une autre pratique, une autre façon de célébrer, une autre subjectivité qui adresse aux églises historiques une demande historique pour qu’elles soient plus ouvertes, moins fossilisées dans leur vision du monde, leur langage moins éthéré, pour que leur rites soient plus complets au sens o ils incluraient le corps humain ainsi que ces religions et ce sens du sacré qui est récupéré par les sectes, ce qui explique qu’un grand nombre de gens s’en vont. D’un autre cté, il y a aussi une manipulation de ce sacré dans le cadre du marché pour faire de l’argent, y compris pour manipuler les personnes, pour les empcher de prendre conscience de la condition défavorisée dans laquelle elles vivent et s’adonner à une pastorale du miracle, moyennant un arbre qui guérit, moyennant des signes et des promesses de trouver un emploi. Ainsi, à un problme qui est social et politique - la faim, le chômage - on donne une solution mystique qui est une mystification. Le défi est de savoir comment, à partir de cette expérience, on peut accumuler force et énergie, sans prophétismes divers et avec organisation, pour aider à mobiliser les personnes afin qu’elles puissent dépasser les situations de misre et d’oppression.

L’écologie
Le troisime grand défi des années 90 est la question de l’écologie. Les pauvres demandent à la théologie de la libération de les aider à organiser leur vie grâce à la pastorale et à la réflexion, mais la terre crie qu’elle est épuisée, agressée systématiquement de façon dangereuse. A partir de ce moment, elle est un grand pauvre ; la théologie de la libération doit inclure dans son option contre la pauvreté et pour la vie, la terre comme le grand pauvre qui, uni aux pauvres, est avec eux dominée et systématiquement exploitée. Et la terre est fondamentale parce que sans elle, sans la biosphère, aucun autre projet ne peut tre assuré. L’écologie centre les questions différemment. La grande question n’est pas de savoir quel sera l’avenir de l’Église, mais quel sera celui de l’humanité et dans quelle mesure l’Église peut aider et garantir cet avenir. A l’intérieur de l’option pour les pauvres, il faut penser la terre comme un grand pauvre ; il faut le penser à l’intérieur de la libération : libérer la terre pour qu’elle ne souffre pas, pour qu’elle soit la grande Pachamama ou la grande Mre qui nous nourrit tous. Elle est notre corps élargi. Il faut aussi, théoriquement, faire à partir de la terre une expérience plus complte de Dieu, une expérience plus cosmique du Christ qui est dans la matire, de l’esprit qui conduit l’univers. De la façon dont nous saisissons la terre, nous saisissons Dieu, et il s’agit d’avoir à partir de là une théologie de la libération et une spiritualité. Et je pense que nous pouvons avoir une théologie de la libération plus intégrale si nous incluons toutes ces dimensions, le pauvre, tous les hommes car tous sont menacés comme la terre et avec elle. Et ceci permet que la théologie de la libération soutienne une spiritualité qui inclut aussi les personnes dans cette dimension de sauvegarde de la nature, de la terre, de l’avenir, afin que nous puissions tous vivre ensemble avec la terre en la considérant comme notre mère.

Dans ces défis, qui sont autant de tâches pour la théologie de la libération, quel serait le rle des nouveaux sujets sociaux, pensons en premier lieu aux indignes, avec un de leurs grands apports qui est l’amour de la terre mre, pensons à ce sujet social en train d’émerger, à savoir la femme, et à ce nouveau sujet que nous appelons la société civile, et peut-tre à d’autres ? Quel serait le rle de ces sujets sociaux dans les tâches actuelles et les défis qui se présentent à la théologie de la libération ?
Leonardo Boff : Je crois que la théologie de la libération dans les années 70 s’est beaucoup préoccupée du pauvre comme tre politique, mais elle a découvert que la pauvreté a d’autres visages, un visage indigne qui est culturel, non occidental, avec une religion d’un autre genre, une autre façon de s’organiser socialement. Un autre type de pauvre, c’est aussi la femme, avec la suppression du patriarcat, la nécessité de voir le monde, la société, l’Église et Dieu mme à partir de la perspective de la femme.
Et, d’un autre cté, vis-à-vis de l’exclusion, il faut renforcer la société civile pour qu’elle se défende, pour qu’elle soit plus “incluante”, pour qu’elle ait conscience de sa révolte. Je crois effectivement que ces trois sujets ont aidé la théologie de la libration à mieux discerner dans le dtail les oppressions, et en consquence à mieux concrtiser la libration.

Les indigènes
Je crois que devant les indignes, il faut avoir une position de disciples, couter la voix des indignes qui n’ont jamais ét couts, qui ont t rduits au silence. Comme le dit un texte maya : “Les colonisateurs sont venus pour brler et dtruire notre fleur, pour planter leur fleur, celle des envahisseurs”. Aujourd’hui il faut dire que nous voulons la biodiversité, que nous aimons toutes leurs fleurs, et nous devons couter, voir et apprendre de leur grande sagesse ancestrale, de leur exprience de Dieu, de leur manire de travailler. La grande leçon que les indignes nous donnent est, je crois, la perspective de la sauvegarde de la terre, elle est de comprendre que la terre est un super organisme vivant, qu’elle n’est pas un dpt de ressources naturelles dont nous pouvons tirer et retirer des tas de choses, mais qu’elle est la Grande Mre, la Grande Pachamama, qu’elle prolonge notre corps, et que travailler c’est aider la Pachamama à produire ce dont nous avons besoin. Il faut couter, il faut reconnatre la dignit et la grandeur de leur religion, qui les a aids à maintenir leur identit et à rencontrer le mystre de Dieu. Nous devons même nous laisser évangliser par eux, parce qu’ils ont t plus communautaires, plus collectifs, plus spirituels que nous dans notre propre monde.

Les femmes
En ce qui concerne les femmes, j’aurais beaucoup à dire. Je considre qu’il faut que les femmes occupent leur place, qu’elles n’attendent pas que l’Église, les vques ou nous-mmes les hommes leur donnions l’autorisation de la prendre. Une telle relation ne serait pas la bonne. Les femmes doivent crer leur propre espace, l’occuper, assumer leur rle et retrouver la parole, s’en servir et nous enrichir de leur vision du monde et du corps, de Dieu, du Christ. Il est ncessaire de voir la ralité à partir du fminin, mais aussi à partir du lieu mme de la femme. Ce n’est que de cette façon que l’exprience de Dieu sera complète parce que elles-mmes, comme images de Dieu, elles nous indiqueront les traits maternels de Dieu, que nous ne connatrions pas autrement.
Il me paraît trs important de dvelopper l’pistmologie fminine, c’est-à-dire la manire qu’ont les femmes de voir le monde, la logique du fminin qui est la logique du soin que l’on donne, de la tendresse, de la défense de la vie, qui est d’tre davantage li au mystre des choses, à la sacralit. Les femmes sont porteuses du grand mystre. Cette logique compose avec l’autre logique, celle qui est dans l’homme, qui est la plus rationnelle, la plus ample du monde. Les femmes sont les grands tmoins porteurs de cette logique de la vie ; nous, nous sommes davantage dans une logique de pouvoir. Il s’agit de combiner les deux afin que l’tre humain puisse être plus complet, plus rciproque, plus simple. Nous esprons que les femmes nous donneront ces leçons, que nous les recevrons, et je veux les aider afin que nous soyons ensemble en possession d’un savoir plus articulé.

La société civile et la citoyenneté
La socit civile est fondamentale. Ce n’est pas l’inclusion qui s’oppose à l’exclusion, parce qu’on peut tre inclus et rester à la marge avec le marginal ; l’oppos de l’exclusion est la citoyennet, et citoyennet signifie participation. Dans la mesure o les gens de la socité civile s’organisent en groupes pour la terre, le travail, l’habitat, les femmes, les indignes, les Noirs, les enfants, ou tout autre chose, ils participent, ils prennent conscience qu’il ne sont pas des masses anonymes ou des paroissiens des Églises, mais qu’ils sont des citoyens dont la conscience revendique, demande à l’État de s’acquitter de ce qu’il doit, car à l’État, on n’a pas à lui demander mais à exiger de lui qu’il accomplisse son devoir. Son rle est de faire des politiques publiques, de grer le bien commun. La socit civile fait pression sur l’État, s’organise et cre un phnomne nouveau qui n’existait pas, à savoir la concitoyennet.
Le concept de citoyennet est classique, il vient de la Révolution française et il dfinit plutôt la relation personne-individu-État, ce que sont les citoyens. Il faut ajouter une autre dimension : celle d’un citoyen vis-à-vis d’un autre citoyen, du citoyen qui s’organise avec un autre citoyen pour construire une maison, pour assurer la sant. Il va donc jusqu’à inclure l’État, qui aide à l’autonomie des groupes de la socit civile pour garantir et raliser les droits ainsi que pour mettre des limites au nolibralisme et à l’exclusion, créer la citoyennet et renforcer la socit civile.

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