DIAL D 2268 du 1 au 15 janvier 1999
Mots-clés : Mémoire, massacre, paramilitaires, indiens, impunité, terrorisme d'État.
SE SOUVENIR D'ACTEAL

Le 22 décembre 1998 a été célébré avec une ampleur exceptionnelle le 1er anniversaire du massacre d’Acteal au cours duquel ont été exécutées 45 personnes appartenant à la “Société civile Las Abejas”. Il s’agit là d’une communauté vivant dans les montagnes du Chiapas, sur le territoire de la municipalité de Chenalhó, et regroupant des personnes qui recherchent ouvertement une voie non violente pour la solution du conflit qui oppose l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) et le gouvernement mexicain. Le choc provoqué par cette tuerie d’une rare sauvagerie a eu un retentissement considérable au Chiapas, au Mexique et dans le monde. Comme on l’entend dire souvent désormais : “La situation n’est pas meilleure après Acteal, mais elle est différente.”
Le 22 décembre 1998, une foule considérable, évaluée selon les sources entre 8 000 et 10 000 personnes, s’est retrouvée sur place lors d’une immense marche et d’une célébration présidée par les deux évêques de San Cristóbal de Las Casas. Dans la foule en prière où brillaient les vêtements colorés des femmes indiennes étaient disséminés les passe-montagnes noirs des zapatistes. L’émotion était intense face à la présence des survivants du massacre. L’armée mexicaine ne manqua pas de troubler la célébration en faisant survoler plusieurs fois un hélicoptère au-dessus de l’assemblée. Déjà, elle s’était largement manifestée, avec les forces de Sécurité publique et les agents du service d’immigration, en contrôlant les véhicules circulant sur les routes menant à Acteal, sans manquer de prendre un certain nombre de photos des passagers et de retenir parfois les papiers des étrangers venus manifester leur solidarité.
Un an après le massacre, la lumière n’est toujours pas faite officiellement sur les auteurs, notamment intellectuels, de la tuerie. Le ministre de l’intérieur vient de publier un Livre Blanc dont le contenu est si tendancieux qu’il fait l’objet de critiques jusqu’au sein même du parti officiel, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI). Les grandes organisations internationales de défense des droits de l’homme, telles que Amnesty International et Human Rights Watch, sont unanimes pour dénoncer l’attitude du pouvoir mexicain et l’impunité de fait dont bénéficient les fonctionnaires compromis dans le massacre. Le gouverneur de l’État du Chiapas, dans une réponse à la lettre pastorale des évêques de San Cristóbal de Las Casas publiée à Noël, vient une nouvelle fois de nier jusqu’à l’existence même de groupes paramilitaires. Les déclarations officielles sur Acteal ne trompent plus que ceux qui veulent bien l’être.
Récit des préparatifs et des événements survenus à Acteal le 22 décembre 1997, tel qu’il est retracé dans les premières pages du rapport Acteal : entre el Duelo y la Lucha, publié par le Centre des droits de l’homme Fray Bartolomé de Las Casas, décembre 1998.