Les discours gouvernementaux et les lois garantissent
lexistence des peuples autochtones isolés survivants dans
les forêts amazoniennes du Brésil, de lÉquateur
et du Pérou, de même dans le Chaco paraguayen, mais la
voie menant à leur extinction semble déjà tracée.
Il sagit de peuples totalisant peu dindividus dans leur
ensemble. Ils nen ont pas moins le droit inaliénable dexister
comme peuples, avec leurs traditions propres et leurs cultures. Article
de Diego Cevallos, Tierramérica, 28 juillet 2003.
Les Indiens korubos du Brésil, tagaeris
dÉquateur, ayoreos du Paraguay et mascho-piros, ashaninkas
et yaminahuas du Pérou, qui ensemble ne totalisent pas plus de
5 000 individus, subissent la pression croissante dune «
civilisation » avançant sur leurs territoires.
Ce que doivent affronter ces indigènes isolés est un « véritable génocide
culturel », dira à Tierramérica Roberto
Stavenhagen, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits
humains et les libertés fondamentales des indigènes.
« Je crains que dans les circonstances actuelles il soit
très difficile quils survivent beaucoup plus longtemps,
en effet le fameux développement nie le droit de ces peuples
de continuer à être peuple », a-t-il signalé.
Les peuples originels sont décidés à continuer
à vivre isolés et à ne pas suivre le chemin de
lextinction physique et culturelle des autres peuples autochtones,
ce qui les a poussé à se tuer face à la menace
des exploitants de caoutchouc, bois, pétrole, or et ressources
génétiques.
Ils sont aussi confrontés aux religieux, anthropologues, et agents
de tourisme ; ils ont été victimes dassassinats,
comme cela sest produit en mai dans lAmazonie équatorienne,
quand une dizaine de Tagaeri, ethnie composée de moins de 300
personnes survivantes aujourdhui, furent massacrées par
des Indiens huaoranis intégrés à lOccident.
Ce massacre est à mettre en relation avec les intérêts
des entreprises forestières à exploiter des territoires
vierges.
Beaucoup de ces groupes ont surgi dans lhistoire occidentale il
y a moins de 60 ans, confrontés à des situations violentes
sur leurs territoires, dues aux tentatives mercantiles dexploitation
de leurs richesses.
Au début ils furent qualifiés de sauvages, violents et
cannibales par certains religieux, entrepreneurs et même par des
membres dautres ethnies indigènes.
Les histoires, pétries de violence, sont le dénominateur
commun de ces peuples originels isolés, qui furent chassés
comme des animaux pour être finalement exhibés devant la
« civilisation ».
Cest ce qui sest passé en 1956, quand un groupe de
Ayoreo du Paraguay fut poursuivi à cheval par des employés
dune entreprise qui réussit à attraper un enfant
autochtone de moins de 12 ans sappelant Iquebi, le premier de
son ethnie à être montré en parade dans son pays.
« Le système économique actuel ne respecte
pas la diversité culturelle, et les indigènes qui sisolent
volontairement sont considérés comme un obstacle »
a déclaré à Tierramérica lIndien brésilien
Sebastiao Manchineri, porte-parole de la Coordination des organisations
indigènes de la vallée amazonienne.
« Le futur de ces peuples frères nest pas
garanti », aussi sacheminent-ils vers leur disparition,
déplore-t-il.
Selon létude Amazonie sans mythes, financée par
les Nations unies, quand les Européens sont arrivés en
Amérique, cette zone forestière était occupée
par près de 2 000 peuples indigènes totalisant quelque
7 millions de personnes.
Plus de cinq siècles après, à cause de lexploitation
par le travail, de la persécution et des multiples maladies que
les peuples natifs ne connaissaient pas, survécurent moins de
400 peuples et 2 millions dindividus, parmi lesquels moins de
5 000 se refusent encore à avoir des contacts avec la « civilisation ».
Les lois nationales et internationales ainsi que le discours officiel
promettent de défendre lexistence de ces derniers groupes
indigènes isolés, mais le gouvernement reconnaît
aussi que ce sera difficile daccomplir cet objectif.
Pour le chef du département concernant les indigènes isolés
de la Fondation nationale indigène du Brésil, Sydney Possuelo,
le futur de ces peuples nest en rien encourageant.
La survie des indigènes dépend « dun changement
des modèles pré-établis, de la réduction
des excès de consommation. Sans ce changement (
) ils continueront
à disparaître au nom du progrès »
a expliqué le fonctionnaire à Tierramérica.
« Avec chaque ethnie éteinte disparaît aussi
un peuple, ce qui est regrettable », a-t-il signalé.
Le peuple korubo du Brésil, dont on dit quil est composé
de 300 membres, est peut-être un des plus grands en nombre parmi
ceux qui survivent isolés dans ce pays ; aussi il existe
dautres groupes ethniques qui ne comptent que 4 personnes.
Il y a aussi une ethnie où il ne reste quune seule personne,
« qui ne veut aucun contact, vivant seule dans une cabane
délabrée et attaquant avec des flèches celui qui
sapproche », a expliqué Possuelo.
Au Brésil, en Équateur et au Paraguay, les constitutions
reconnaissent le droit à la terre pour les groupes autochtones,
ce que ne fait pas le Pérou, et ces 4 pays admettent la validité
de lAccord 169 de lOrganisation internationale du travail,
qui garantit les droits des peuples natifs sur leur environnement physique
et culturel.
Mais les faits prouvent le contraire. Les inspections réalisées
dans la forêt péruvienne démontrent que les entreprises
ne respectent pas les droits reconnus aux peuples isolés, indique
à Tierramérica Cristina Valdivia, fonctionnaire
du programme publique de Défense des communautés natives
du Pérou.
La population mashco-piro du Pérou, forte de quelques 1 100 membres,
est traquée par diverses entreprises, et aujourdhui elle
est contrainte à se déplacer entre les ouvrages de forage
pour lexploitation des gisements de gaz.
Selon les experts, les Mashco-Piro en sont au même stade critique
que les Ashaninka et Yaminahua, estimés à 2 200 individus.
Repoussés de part et dautres les groupes péruviens
se sont vus mêlés à des attaques sanglantes, comme
en Équateur, au Paraguay et au Brésil.
Au Paraguay, un fait similaire sest produit à la fin des
années 90, quand ceux que lon appelle Ayoreo Totobiegosode
sen sont pris avec des lances à des travailleurs dune
entreprise qui ouvrait des chemins dans la forêt du Chaco.
Les Ayoreo se déplacent à la frontière avec la
Bolivie sur une superficie de presque 3 millions dhectares, de
plus en plus repoussés par lavancée de la frontière
agricole.
Les natifs paraguayens, comme ceux des autres pays des zones forestières,
affrontent aussi le harcèlement de groupes religieux, telle la
« Mission évangéliste des nouvelles tribus des États-Unis
».
La responsabilité du gouvernement par rapport aux Ayoreo Totobiegosode
est « de les protéger de toutes perturbations extérieures,
lesquelles sont multiples parce il faut lutter contre beaucoup de personnes
intéressées par leur territoire » a expliqué
Oscar Centurión, président de lInstitut national
paraguayen de lindigène.
La sociologue Tarcila Rivera, du Centre non gouvernemental des cultures
indigènes du Pérou, a soutenu quil ne devrait pas
avoir de lois spéciales pour protéger les droits de ces
peuples natifs, parce quils en bénéficient naturellement,
comme le reste de la population.
Le problème avec le cas des autochtones est que « lon
tend à les considérer comme des peuples sauvages, hors
de la protection érigée pour les autres, les citadins »,
a-t-elle signalé.
« Si les gouvernements ne prennent pas des mesures, les peuples
autochtones qui sisolent volontairement seront décimés
sans que lon ne puisse rien y faire », a affirmé
Manchineri.
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