La lutte contre lanalphabétisme fait partie des objectifs
du gouvernement Lula. Le Brésil est en effet lun des pays
dAmérique latine où le taux danalphabétisme
est le plus élevé. Ce programme ne sera pas exécuté
directement par le gouvernement mais par diverses institutions auxquelles
le ministère de léducation apportera différentes
ressources. Un secrétariat extraordinaire pour léradication
de lanalphabétisme a été créé.
Texte de Mario Osava, IPS, septembre 2003.
Le Brésil essaye de nouveau déradiquer
lanalphabétisme, avec lambitieux objectif de toucher
20 millions de personnes de plus de 15 ans durant les 4 ans du gouvernement
de Luis Inácio Lula da Silva, cest-à-dire jusquen
2006.
« Si un tel but est aujourdhui réalisable, cest
parce que sont réunies diverses conditions pour sa réussite
», a dit à IPS la pédagogue María de Jesús
dos Santos, formée dans la lutte pour la réforme agraire
et une des coordinatrices des projets éducatifs du Mouvement
des sans-terre (MST). « Outre la décision gouvernementale
den faire une politique publique, le programme « Brésil
alphabétisé », annoncé par Lula le 8 septembre,
profitera des connaissances accumulées par les nombreuses expériences
antérieures ou déjà en marche », argumente
t-elle. « Mais il ne suffit pas de lire et décrire,
il est nécessaire de continuer les études, offrir aux
nouveaux alphabétisés une scolarisation postérieure,
comme cela existe déjà dans les lieux occupés par
les paysans fédérés par le MST », a averti
Dos Santos, vouée depuis 9 ans à lenseignement des
jeunes et des adultes.
« Brésil alphabétisé » succède
à diverses campagnes qui se sont répétées
au Brésil depuis 6 décennies, poursuivant le rêve
de généraliser la lecture et lécriture. Toutes
ont présenté de grandes insuffisances, mais elles ont
en même temps constitué des avancées.
Lindice danalphabétisation, qui était de 50,6%
en 1950, a baissé progressivement jusquà 13,6% en
2000, selon les sondages réalisés tous les 10 ans par
lInstitut brésilien de géographie et de statistiques.
Durant ces dernières années on a réussi à
améliorer un peu la situation. En 2001 il y avait 12,4% dillettrés.
Le Brésil présente un niveau déducation très
inférieur même par rapport à celui de ses pays voisins
de développement moindre. La Colombie et lÉquateur,
par exemple, enregistraient un taux danalphabétisme de
8,4% en 2000 et le Pérou de 10,1%, selon lOrganisation
des Nations unies pour léducation, la science et la culture
(UNESCO). De plus, le fait que chez les adolescents de 15 à 19
ans il y ait 3% danalphabètes préoccupe les autorités.
Ceci montre la nécessité de généraliser
lenseignement primaire à 8 ans, dans le but déliminer
le problème pour la future génération dadultes.
Selon les chiffres officiels, quelques 16 millions de Brésiliens
de plus de 15 ans ne savent pas lire, sur une population totale de plus
de 174 millions dhabitants. Mais le programme annoncé par
Lula se propose datteindre 20 millions de personnes, considérant
que beaucoup qui se déclarent alphabétisés ne savent
quécrire leur nom.
Selon Lula, le défi réussira avec la mobilisation de toute
la société, des écoles, des entreprises, des organisations
non gouvernementales (ONG), des syndicats et autres mouvements sociaux.
« Cest une campagne de vaccination pour éliminer
le virus de lanalphabétisme », a-t-il déclaré.
« Il est inacceptable quune famille composée de
membres ayant une formation universitaire ait une employée domestique
illettrée, sans lalphabétiser », dénonce
le ministre de léducation, Cristovam Buarque.Le programme
ne sera pas exécuté directement par le gouvernement, mais
par diverses institutions comme des ONG, des syndicats et des associations
dentreprises ou professionnelles, en plus des mairies, et ce par
le biais de conventions avec le ministère de léducation,
qui apportera les ressources pour ces initiatives.
Pour coordonner ce mouvement, le ministère a créé
un Secrétariat extraordinaire pour léradication
de lanalphabétisme. La campagne fait appel aussi à
des professeurs dalphabétisation volontaires, auxquels
on offre une petite rémunération de 15 réals (5
dollars) mensuels pour chaque élève. Les cours, pour des
groupes de 15 et 25 personnes, dureront de 6 à 8 mois.
Le MST, qui envahit les propriétés quil considère
comme improductives et ne remplissant pas la « fonction sociale
déterminée par la Constitution », réclame
un allongement des cours à 10 mois et des programmes pour que
les personnes alphabétisées continuent détudier,
comme cela se passe au sein du plan déducation du mouvement.
« La réussite de cet effort dépendra aussi de
ladaptation de lenseignement à la réalité
rurale, spécialement en Amazonie, où laccès
à lécole pour les personnes dispersées est
plus difficile, ainsi que par dautres mesures comme fournir lélectricité
et le transport aux plus pauvres », a affirmé Dos Santos.
Arivaldo José de Souza, travailleur rural de 44 ans et père
de 4 adolescents, a confié à IPS navoir «
rien appris » durant les 3 mois de cours mis en place pour
les personnes analphabètes du principal programme social du gouvernement
nommé « Faim zéro » . Souza vit à Guaribas,
commune de lÉtat nord-oriental de Piauí, où
sest lancé en février le plan « Faim zéro
», lequel offre une aide mensuelle de 50 réals (17 dollars)
aux familles les plus pauvres. Lanalphabétisme à
Guaribas est de 58,2% pour la population de plus de 10 ans. «
Jaurais aimé apprendre à signer, mais je nai
pas pu », a déploré le paysan, signalant que
la durée des cours, de « seulement 90 jours »,
est insuffisant, mais aussi parce quil y a eu cours «
des semaines oui, dautres non, et seulement 2 jours par semaine
». « Que peut-on apprendre ainsi, une fois quon
est vieux ?», demanda-t-il sur un ton critique. Mais ces cours
liés au plan « Faim zéro » ne font pas partie
du programme « Brésil alphabétisé »,
a expliqué à IPS Vera Mazagao, coordinatrice des programmes
de lONG Action éducative, de la ville méridionale
de São Paulo. La nouvelle campagne ne pourra progresser que si
elle a une continuité, en faisant partie dune politique
« délévation de la scolarisation à
long terme », et si elle est intégrée à
dautres politiques sociales qui améliorent de fait la situation
des populations les « plus exclues », a évalué
lexperte. Elle a estimé : « Trois mois denseignement
pour apprendre à dessiner des lettres ne changeront rien, spécialement
si la faim continue de sabattre sur la communauté locale.
»
Les expériences antérieures ont présenté
des insuffisances et des erreurs, mais chaque campagne est importante
par « la mobilisation, la sensibilisation et laugmentation
des demandes », a commenté Mazagao. Lalphabétisation
des adultes, spécialement des jeunes, est essentielle parce que,
a-t-il conclu : « on néduque pas une génération
en abandonnant une autre et parce que cest un droit pour tous,
pour ne pas aggraver les inégalités et garantir des chances.
»
Traduction DIAL
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