Au cours d'un débat dans une université des Etats-Unis,
lex-ministre brésilien de l'éducation, Cristovam
Buarque (il vient dêtre remplacé à ce poste
par Tarso Genro, ancien maire de Porto Alegre) fut interrogé
sur ce quil pensait au sujet de linternationalisation de
lAmazonie. Un jeune américain lança le débat
en disant quil attendait la réponse d'un humaniste et non
pas celle d'un Brésilien. Voici ce que lui dit Cristovam Buarque.
On ne manquera pas de voir en sa réponse lutilité
de lhumour en politique... Ce texte a été repris
par de nombreux journaux brésiliens et étrangers, après
avoir été publié par le New York Times du
2 novembre 2003.
« En tant que Brésilien,
je me prononcerai tout simplement contre linternationalisation
de lAma-zonie. Même si nos gouvernants n'ont pas un réel
souci de ce patrimoine, celui-ci nous appartient. En tant qu'humaniste,
sachant le risque de dégradation de lenvironnement dont
souffre lAmazonie, je peux imaginer son internationalisation ainsi
que linternationalisation de tout ce qui à de limportance
pour lhumanité.
Si lAmazonie, du point de vue d'une éthique humaniste,
doit être internationalisée, internationalisons aussi les
réserves de pétrole du monde entier. Le pétrole
est aussi important pour le bien-être de lhumanité
que lAmazonie pour notre futur. Malgré cela, les propriétaires
des réserves se sentent le droit d'augmenter ou de diminuer l'extraction
du pétrole et de faire monter ou non son prix.
De la même manière, le capital financier des pays riches
devrait être internationalisé.
Si lAmazonie est une réserve pour tous les êtres
humains, elle ne peut être brûlée par la volonté
d'un propriétaire ou d'un pays. Brûler lAmazonie
est aussi grave que le chômage provoqué par les décisions
arbitraires des spéculateurs « mondialisés ».
Nous ne pouvons tolérer que les réserves financières
servent à brûler des pays entiers, au moyen de la spéculation.
Plutôt que lAmazonie, il me plairait de voir 1internationalisation
de tous les grands musées du monde. Le Louvre ne doit pas appartenir
seulement à la France. Chaque musée du monde est le gardien
des plus belles pièces produites par le génie humain.
On ne peut permettre que ce patrimoine culturel, comme le patrimoine
naturel amazonien, soit manipulé et détruit par le bon
plaisir dun propriétaire ou d'un pays. Il y a peu de temps,
un millionnaire japonais, décida de se faire enterrer avec le
tableau d'un grand maître. Auparavant, ce tableau aurait du être
internationalisé.
Durant cette rencontre, les Nations unies sont en train de réaliser
le Forum du millénaire, mais des présidents de différents
pays ont eu des difficultés à venir à cause des
restrictions imposées aux frontières des Etats-Unis. Je
pense donc que New-York, en tant que siège des Nations unies
doit être internationalisé. Manhattan, au moins, devrait
appartenir à toute lhumanité, de même que
Paris, Venise, Rome, Londres, Rio de Janeiro, Brasilia, Recife...
Chaque ville du monde, avec sa beauté spécifique, son
histoire, devrait appartenir au monde entier.
Si les Etats-Unis veulent internationaliser lAmazonie, à
cause du risque de la laisser aux mains des Brésiliens, que l'on
internationalise tous les arsenaux nucléaires des Etats-Unis
! De plus, ils ont déjà démontré qu'ils
sont capables d'utiliser ces armes provoquant une destruction des milliers
de fois plus importante que les regrettables écobuages réalisés
dans les bosquets du Brésil.
Dans les débats, les actuels candidats à la présidence
des Etats-Unis ont défendu lidée d'internationaliser
les réserves forestières du monde en échange de
la dette. Commençons par utiliser cette dette en garantissant
à chaque enfant du monde la possibilité de manger et d'aller
à l'école. Internationalisons les enfants, en les traitant
tous- peu importe leur pays de naissance- comme un patrimoine qui mérite
d'être pris en compte dans le monde entier, bien plus encore que
ce que mérite l'Amazonie. Le jour où les dirigeants traiteront
les enfants pauvres du monde comme un patrimoine de l'Humanité,
ils ne les laisseront pas travailler alors qu'ils devraient étudier,
ni mourir alors qu'ils devraient vivre.
Comme humaniste, jaccepte de défendre linternationalisation
du monde. Mais tant que le monde me traitera comme Brésilien,
je lutterai pour que lAmazonie soit à nous... Seulement
à nous ! "
Traduction DIAL.
En cas de reproduction,
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