DIAL D 2756 du 1er au 15 novembre 2004

Mots-clefs:
Economie
Relations Nord-Sud

AMERIQUE LATINE

 

L'accord entre l'Union européenne et le Mercosur

 

Du 20 au 24 septembre s’est tenue à Bruxelles une importante réunion de négociations pour un accord entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay). La réunion s’est conclue par ce qu’il faut bien appelé un échec. Via Campesina, mouvement international de coordination d’organisations de petits et moyens paysans, travailleurs ruraux et communautés indigènes, a publié un communiqué qui souligne de façon instructive les points qui ont fait difficulté, notamment en raison des propositions européennes trop restrictives. Nous publions ci-dessous le résumé du communiqué de Via Capesina, paru dans ALAI/America latina en movimiento, le 28 septembre 2004.

Un communiqué de Via Campesina cherche à attirer l’attention des Brésiliens sur les négociations de l’Accord Mercosur / Union européenne. Dans ce document, on trouve un bilan de ce qui pourrait être approuvé et de ce qui a été discuté dans la réunion de Bruxelles du 20 au 24 septembre, dont les grands médias ont peu parlé.
Via Campesina avertit que, alors que la société brésilienne concentre toute son attention sur les élections et que les mouvements sociaux se dispersent sur d’autres questions, les « représentants » gouvernementaux voient dans ce contexte le moment idéal pour accélérer les négociations entre le Mercosur et l’Union européenne sans demander l’avis d’aucun secteur de la société. Du 20 au 24 septembre, les négociateurs de ces deux régions se sont réunis à Bruxelles pour présenter les tarifs douaniers et les conditions du processus d’intégration.
Pour Via Campesina, dans les négociations avec l’ALCA (Accord de libre commerce des Amérique), les diplomates brésiliens ont été prudents et se sont comportés « comme des commerçants de seconde zone» face à l’Union européenne. Les négociations ont été tellement menées sous pression que le représentant du ministère du développement agraire s’est retiré des négociations en signe de protestation.
Le président de la Commission européenne, Romano Prodi et ses commissaires finissent leurs mandats le 31 octobre. C’est alors une nouvelle équipe représentant l’Europe des 25 qui assumera les négociations. C’est pourquoi, il y a urgence à conclure les accords avant cette date.
Mais le Mercosur, présidé par le Brésil, a demandé la suspension de la réunion en raison du repli des positions européennes spécialement dans le domaine agricole. Cependant, l’interruption n’a pas signifié une rupture des négociations. Pour quelques spécialistes, si l’accord n’est pas conclu en octobre – le changement de commissaires européens inclura les représentants des dix nouveaux membres de l’Europe de l’Est, qui sont contre cet accord – les négociations progresseront difficilement.

L’Accord
Le document de Via Campesina affirme que dans cet accord bi-régional entre le Mercosur et l’Union européenne, le Brésil a offert 90 % d’accès au marché, ce qui en pratique signifie que les produits européens entreront sans payer de droits, c’est-à-dire qu’il n’y aurait pas de taxes à l’importation au Brésil pendant dix ans. Un des cas les plus préoccupants est celui du lait, considéré comme un produit sensible pour le Mercosur. Aujourd’hui l’entrée du lait européen au Brésil et dans le Mercosur est taxée de 27 %. En revanche, la liste d’exception des produits du Mercosur déjà reconnus sensibles n'a pas été intégrée dans l’accord bi-régional.
L’agriculture familiale paysanne au Brésil est responsable pour 82 % des 1,8 million d’exploitations productrices de lait au Brésil, et au moins de 80 % de la production. Si l’accord avait été signé aujourd’hui, la taxe d’importation du lait qui est de 27 % serait passée à 0 %. L’importation, déjà élevée aujourd’hui surtout pour le lait en poudre et le sérum de lait en poudre, serait désastreuse et affecterait considérablement les prix nationaux et la vie de millions de petits agriculteurs.
Quant à la viande, les Européens nous offrent des quotas d’exportation inférieurs à ceux que nous avons aujourd’hui, c’est-à-dire 106 mille tonnes alors que nous en exportons 215 mille. (...) Qui plus est, ils proposent également un mécanisme d’augmentation des taxes lorsque les exportations augmentent. Ceci signifie que plus nous exportons, plus l’impôt sera élevé.
Dans le secteur des services, le Brésil qui est en train d’ouvrir totalement le secteur des télécommunications, des services de l’environnement, financiers, bancaires et d’assurance, peut perdre du terrain face aux entreprises multinationales qui pourront agir sans aucune restriction ou conditionnement dans toutes ces régions et contrôler ces marchés qui sont stratégiques pour l’avenir du pays. Il n’y a pas d’ouverture de la part des Européens pour l’accès de nos produits ayant une valeur ajoutée, qui sont en concurrence avec les leurs.
En plus, le communiqué de Via Campesina met en valeur le fait que l’Accord Mercosur / Union européenne serait le premier engagement international que le Brésil assumerait dans le secteur des investissements. Même si le Brésil est un pays ouvert à l’investissement étranger, un accord dans ce sens retirerait au gouvernement le pouvoir de décider, de légiférer et de contrôler pour protéger les intérêts nationaux quand ce serait nécessaire.
Dans la proposition initiale, le gouvernement brésilien a introduit des restrictions aux investissements étrangers dans l’agriculture, qui seraient susceptibles de compromettre les politiques nationales de réalisation de la réforme agraire. Le gouvernement brésilien vise avant tout à protéger le PRONAF (Programme national de renforcement de l’agriculture familiale). Il a également maintenu des mesures restrictives sur l’acquisition de terres par les étrangers.
Entre temps, l’Union européenne a remis à Itamary [allusion au palais du ministère des affaires étrangères] un document dans lequel elle demande la levée de la restriction relative à la « réforme agraire » et à l’agriculture, entre autres.
Les Européens veulent également garantir la propriété intellectuelle relative à l’Identification géographique (IG) des vins, fromages, jambons, etc. Ce qui équivaut à dire nous ne pourrions produire aucune espèce de fromage parmesan, de gorgonzola, car ces IG seraient déjà protégés par des brevets européens. Nous ne pourrons pas non plus vendre notre « mortadelle » parce que la mortadelle de Bologne est protégée par son Identification géographique.

Traduction DIAL.
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