DIAL D 2867 - Avril2006


AMERIQUE LATINE

 

 

Situations d'enfants


Ces enfants qu'on ne voit pas

Enfants des rues en Haïti

Travail des enfants : Chili : 200 000 enfants au travail
Enfants indigènes de l'école au travail
Bolivie : Enfants dans les mines
(article en ligne)


Tourisme sexuel : Cartographie de l'exploitationsexuelle des enfants
Brésil : Une campagne d'information en direction des étrangers



 

Dial a déjà publié plusieurs fois des dossiers sur les enfants d’Amérique latine (voir la liste en fin de dossier). Il convient d’y revenir car on ne peut se permettre d’oublier le sort de ces humains fragiles et porteurs de l’avenir. Bien sûr, tous les enfants d’Amérique latine ne sont pas dans les situations difficiles rappelées ci-dessous. Mais nous avons un devoir de vigilance particulière à l’égard de ceux qui sont victimes de la dureté des adultes et de conditions globalement inhumaines. Plusieurs situations sont évoquées ci-dessous, affectant divers pays : disparitions et enlèvements, travail précoce, vie dans la rue, exploitation sexuelle. Des mesures positives sont heureusement signalées.


Bolivie : Enfants dans les mines

Plus de 13 500 enfants et adolescents travaillent dans l’exploitation minière artisanale en Bolivie, exposés à des accidents dus au gaz et aux explosions. Leur espérance de vie est de 45 ans.

Tarija - Il paraît 60 ans mais il vient à peine d’en avoir 35. Valentin Condori n’avait que 15 ans lorsque le gouvernement bolivien ferma les mines d’étain d’Etat, en 1985, et le licencia en même temps que 30 000 autres mineurs.
Condori assuma à 10 ans la responsabilité du foyer familial, du fait de la mort prématurée de son père, également mineur. Il est maintenant maçon, dans la ville de Tarija, au sud du pays. Sa santé est ruinée par la silicose (maladie due à la poussière de silice) et « il porte sur ses épaules les vieux souvenirs ». « J’avais huit ans quand j’ai commencé à aider mon père, malade, en travaillant en surface, à la mine de Chorolque. Quand il est mort, ses collègues ont accepté que je rentre dans les galeries en tant qu’assistant pour charger le minerai ; puis j’ai creusé le rocher, j’ai préparé la dynamite et je l’ai aussi faite exploser. Grâce à Dieu, il ne m’est jamais arrivé d’accident », a-t-il raconté à Tierramérica. « Nous commencions au petit matin, nous mâchions de la coca, nous grillions quelques cigarettes et buvions un peu d’alcool, comme ça on se donnait du courage pour entrer dans la mine », se souvenait-il. Si on le compare avec les enfants qui travaillent actuellement dans les mines, Condori a été un petit mineur privilégié. Aujourd’hui il n’existe plus d’horaire journalier fixe ni de sécurité sociale, et l’Etat n’est plus patron. « J’ai même pris la retraite à 15 ans » expliqua-t-il, faisant référence aux licenciements massifs de 1985.
Selon le Centre de production minière, équivalent bolivien de l’organisation non gouvernementale nord-américaine Care, plus de 13 500 enfants et adolescents travaillent dans l’exploitation minière traditionnelle (extraction de l’étain, argent et zinc), principalement dans les départements du sud-ouest du pays d’Oruro et Potosi, et dans l’exploitation aurifère de la zone subtropicale de La Paz.
Selon un rapport de 2004 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), c’est la santé des enfants qui travaillent dans l’exploitation minière traditionnelle qui est la plus vulnérable. Ils sont exposés à des accidents car ils manipulent de la dynamite et inhalent des gaz toxiques et des particules de minerai. Leur audition diminue à cause du bruit des explosions, des marteaux piqueurs et autres machines, et ils doivent rester de longues heures dans des positions pénibles. En outre ils courent le risque d’avoir les pieds ou les mains écrasés, et des lésions musculaires des tendons et des articulations. Le contact avec des substances toxiques ou leur absorption provoquent des affections organiques aiguës et chroniques. La tuberculose et la silicose sont les maladies les plus fréquentes chez les mineurs.
Dans l’exploitation minière aurifère le baranquilleo (lavage du sable pour trouver l’or), se fait dans l’atmosphère insalubre de rivières polluées au mercure, aux sulfures, aux résidus minéraux, dans des eaux salées et dans l’ordure. Les enfants, garçons et filles, sont exposés à des maladies de peau ou respiratoires, à la fièvre jaune et aux rhumatismes, à des intoxications chroniques et à des diarrhées.
L’espérance de vie d’un mineur est d’environ 45 ans.
La Bolivie possède des outils juridiques tels que le Code du travail et le Code de l’enfance et de l’adolescence, qui établissent l’âge minimum pour travailler à 14 ans et interdisent l’embauche d’enfants dans des travaux dangereux et insalubres comme l’industrie minière. Le pays a également signé les conventions internationales relatives à la prévention et l’éradication du travail des enfants.
Des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux essayent de lutter contre le drame que représentent les enfants dans la mine.
Le Projet d’élimination progressive et de prévention du travail infantile dans la mine (PETIM) propose des alternatives en développant la formation technique à travers des ateliers de charpente, soudure, couture, et mécanique, installés dans les écoles fréquentées par des enfants travailleurs de la mine. A Potosi, berceau du légendaire Cerro Rico dont les gisements ont été exploités depuis la colonisation espagnole, environ un millier d’enfants vivent grâce aux diverses activités minières. L’organisation allemande non gouvernementale Kindernothilfe (KNH) développe un programme qui incite les enfants à étudier et dont le but est d’améliorer les conditions de travail. Environ 300 enfants profitent du programme sans abandonner le travail car, a expliqué à Tierramérica Alberto Masquera, directeur de KNH pour la Bolivie, « nous ne croyons pas que l’on puisse éradiquer le travail des enfants dans la mine, c’est une nécessité pour les enfants et pour les familles, afin d’améliorer leurs conditions de vie dans la mesure où il n’y a pas d’alternative professionnelle ».
La majorité des enfants incorporés à l’exploitation minière artisanale travaillent avec des outils primitifs dans des sites exploités par leurs familles ou par des coopératives.
La participation des enfants au travail se fait soit au niveau familial soit dans le cadre d’un travail rémunéré en argent ou en espèces par l’employeur. Dans le premier cas, ce sont des bras qui viennent s’ajouter pour une famille qui n’a pas les moyens d’engager des travailleurs. Dans le cas des coopératives, constituées par des ex-travailleurs des mines d’Etat, le paiement en argent ou en espèces est de 40 pesos (cinq dollars) par jour de travail au fond de la mine et de 10 pesos (1,3 dollar) en surface.
En outre, les enfants sont utilisés pour le juqueo (vol de minerai), qui a lieu de nuit dans les mines.


Article de José Luis Alcázar
El Universal, 1er octobre 2005

 

Traduction Dial.
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