Dial
a déjà publié plusieurs fois des dossiers sur
les enfants dAmérique latine (voir la liste en fin de
dossier). Il convient dy revenir car on ne peut se permettre
doublier le sort de ces humains fragiles et porteurs de lavenir.
Bien sûr, tous les enfants dAmérique latine ne
sont pas dans les situations difficiles rappelées ci-dessous.
Mais nous avons un devoir de vigilance particulière à
légard de ceux qui sont victimes de la dureté
des adultes et de conditions globalement inhumaines. Plusieurs situations
sont évoquées ci-dessous, affectant divers pays : disparitions
et enlèvements, travail précoce, vie dans la rue, exploitation
sexuelle. Des mesures positives sont heureusement signalées.
Bolivie
: Enfants dans les mines
Plus de 13 500 enfants et adolescents travaillent dans lexploitation
minière artisanale en Bolivie, exposés à des accidents
dus au gaz et aux explosions. Leur espérance de vie est de 45
ans.
Tarija - Il paraît 60 ans mais il vient à peine
den avoir 35. Valentin Condori navait que 15 ans lorsque
le gouvernement bolivien ferma les mines détain dEtat,
en 1985, et le licencia en même temps que 30 000 autres mineurs.
Condori assuma à 10 ans la responsabilité du foyer familial,
du fait de la mort prématurée de son père, également
mineur. Il est maintenant maçon, dans la ville de Tarija, au
sud du pays. Sa santé est ruinée par la silicose (maladie
due à la poussière de silice) et « il porte sur
ses épaules les vieux souvenirs ». « Javais
huit ans quand jai commencé à aider mon père,
malade, en travaillant en surface, à la mine de Chorolque. Quand
il est mort, ses collègues ont accepté que je rentre dans
les galeries en tant quassistant pour charger le minerai ; puis
jai creusé le rocher, jai préparé la
dynamite et je lai aussi faite exploser. Grâce à
Dieu, il ne mest jamais arrivé daccident »,
a-t-il raconté à Tierramérica. « Nous
commencions au petit matin, nous mâchions de la coca, nous grillions
quelques cigarettes et buvions un peu dalcool, comme ça
on se donnait du courage pour entrer dans la mine », se souvenait-il.
Si on le compare avec les enfants qui travaillent actuellement dans
les mines, Condori a été un petit mineur privilégié.
Aujourdhui il nexiste plus dhoraire journalier fixe
ni de sécurité sociale, et lEtat nest plus
patron. « Jai même pris la retraite à 15
ans » expliqua-t-il, faisant référence aux licenciements
massifs de 1985.
Selon le Centre de production minière, équivalent bolivien
de lorganisation non gouvernementale nord-américaine Care,
plus de 13 500 enfants et adolescents travaillent dans lexploitation
minière traditionnelle (extraction de létain, argent
et zinc), principalement dans les départements du sud-ouest du
pays dOruro et Potosi, et dans lexploitation aurifère
de la zone subtropicale de La Paz.
Selon un rapport de 2004 de lOrganisation internationale du travail
(OIT) et le Fonds des Nations unies pour lenfance (UNICEF), cest
la santé des enfants qui travaillent dans lexploitation
minière traditionnelle qui est la plus vulnérable. Ils
sont exposés à des accidents car ils manipulent de la
dynamite et inhalent des gaz toxiques et des particules de minerai.
Leur audition diminue à cause du bruit des explosions, des marteaux
piqueurs et autres machines, et ils doivent rester de longues heures
dans des positions pénibles. En outre ils courent le risque davoir
les pieds ou les mains écrasés, et des lésions
musculaires des tendons et des articulations. Le contact avec des substances
toxiques ou leur absorption provoquent des affections organiques aiguës
et chroniques. La tuberculose et la silicose sont les maladies les plus
fréquentes chez les mineurs.
Dans lexploitation minière aurifère le baranquilleo
(lavage du sable pour trouver lor), se fait dans latmosphère
insalubre de rivières polluées au mercure, aux sulfures,
aux résidus minéraux, dans des eaux salées et dans
lordure. Les enfants, garçons et filles, sont exposés
à des maladies de peau ou respiratoires, à la fièvre
jaune et aux rhumatismes, à des intoxications chroniques et à
des diarrhées.
Lespérance de vie dun mineur est denviron 45
ans.
La Bolivie possède des outils juridiques tels que le Code du
travail et le Code de lenfance et de ladolescence, qui établissent
lâge minimum pour travailler à 14 ans et interdisent
lembauche denfants dans des travaux dangereux et insalubres
comme lindustrie minière. Le pays a également signé
les conventions internationales relatives à la prévention
et léradication du travail des enfants.
Des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux essayent de lutter
contre le drame que représentent les enfants dans la mine.
Le Projet délimination progressive et de prévention
du travail infantile dans la mine (PETIM) propose des alternatives en
développant la formation technique à travers des ateliers
de charpente, soudure, couture, et mécanique, installés
dans les écoles fréquentées par des enfants travailleurs
de la mine. A Potosi, berceau du légendaire Cerro Rico dont les
gisements ont été exploités depuis la colonisation
espagnole, environ un millier denfants vivent grâce aux
diverses activités minières. Lorganisation allemande
non gouvernementale Kindernothilfe (KNH) développe un programme
qui incite les enfants à étudier et dont le but est daméliorer
les conditions de travail. Environ 300 enfants profitent du programme
sans abandonner le travail car, a expliqué à Tierramérica
Alberto Masquera, directeur de KNH pour la Bolivie, « nous
ne croyons pas que lon puisse éradiquer le travail des
enfants dans la mine, cest une nécessité pour les
enfants et pour les familles, afin daméliorer leurs conditions
de vie dans la mesure où il ny a pas dalternative
professionnelle ».
La majorité des enfants incorporés à lexploitation
minière artisanale travaillent avec des outils primitifs dans
des sites exploités par leurs familles ou par des coopératives.
La participation des enfants au travail se fait soit au niveau familial
soit dans le cadre dun travail rémunéré en
argent ou en espèces par lemployeur. Dans le premier cas,
ce sont des bras qui viennent sajouter pour une famille qui na
pas les moyens dengager des travailleurs. Dans le cas des coopératives,
constituées par des ex-travailleurs des mines dEtat, le
paiement en argent ou en espèces est de 40 pesos (cinq dollars)
par jour de travail au fond de la mine et de 10 pesos (1,3 dollar) en
surface.
En outre, les enfants sont utilisés pour le juqueo (vol de minerai),
qui a lieu de nuit dans les mines.
Article de José Luis Alcázar
El Universal, 1er octobre 2005
Traduction
Dial.
En cas de reproduction,
mentionner la source Dial
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