Amérique latine

Février 2004

La réunion de négociation de l’ALCA (Aire de libre commerce des Amériques), en français ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques) qui a eu lieu début février à Puebla, une ville du sud du Mexique, s’est achevée sans résultats. Les discussions ont vu apparaître deux groupes opposés. D’un côté, le groupe des 14 (G-14), mené par les Etats-Unis et composé des pays d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale, du Chili, de la Colombie, de l’Equateur et du Pérou, et de l’autre, les pays du Mercosur, l’Argentine, le Brésil le Paraguay et l’Uruguay. Les négociateurs états-uniens conditionnent l’ouverture de leur marché aux produits du Mercosur à l’acceptation par ce groupe de pays d’une certaine ouverture en ce qui concerne les services, les achats gouvernementaux, les investissements et la propriété intellectuelle. Mais ils refusent d’inclure les subventions agricoles et les règles antidumping (concurrence déloyale) dans les négociations régionales, acceptant seulement de les négocier dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette restriction est dénoncée par les pays du Mercosur.

Le douzième sommet du Groupe des 15, créé en 1989 pour favoriser la coopération horizontale Sud-Sud, et composé désormais de 19 pays en voie de développement (Algérie, Argentine, Brésil, Colombie, Chili, Égypte, Inde, Indonésie, Iran, Jamaïque, Kenya, Malaisie, Mexique, Nigeria, Pérou, Sri Lanka, Sénégal, Venezuela et Zimbabwe) s’est tenu fin février à Caracas, la capitale du Venezuela. Une manifestation des forces de l’opposition, qui réclament la révocation du président Chávez, chercha à atteindre le lieu de réunion et se heurta à la Garde nationale, donnant lieu à de violents affrontements vendredi 27 février. Les discussions ont porté en priorité sur des projets de coopération énergétique, le Sud détenant une grande partie des ressources dans ce domaine, ce qui peut constituer un argument de poids dans les négociations avec les pays du Nord.

Avril 2004

Une étude d’un journaliste uruguayen, Julio Scavino, consultant de l’Observatoire des ressources humaines de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) fait apparaître que médecins et fonctionnaires du système de santé public de la Bolivie, du Chili, de l’Equateur, d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua, du Panama, du Pérou, de la République dominicaine et de l’Uruguay ont organisé quelque 37 grèves nationales d’une durée comprise entre 24 heures et 9 mois. Les grèves furent entreprises pour protester contre les réductions budgétaires et les réformes du secteur impulsées par les gouvernements, ainsi que pour demander le maintien des effectifs de fonctionnaires et la reconnaissance des centrales syndicales.

Une réunion informelle de négociation de l’ALCA (Accord de libre-échange des Amériques, ZLEA pour son sigle en Français) qui s’est tenue début avril à Buenos Aires s’est terminée une nouvelle fois sur un échec. Le blocage est dû, comme dans les réunions précédentes, au refus des Etats-Unis de supprimer définitivement les subventions à ses producteurs agricoles, comme l’exige le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay). La réunion de Puebla, déjà ajournée une fois, a été cette fois reportée sine die.

Mai 2004

Le rapport annuel de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPAL) sur l’insertion internationale de la région fait apparaître une très forte croissance du commerce avec la Chine durant l’année 2003. L’importance demande des Etats-Unis, de l’Union européenne et des pays asiatiques en voie de développement (dont la Chine) a permis une hausse des exportations de 8,3% pour l’ensemble de la région. Le bloc de pays fait montre d’un excédent de sa balance commerciale et de sa balance des paiements sans précédent au cours des 50 dernières années. A plus long terme, l’effort de diversification productive et commerciale de la Chine risque cependant de constituer une menace pour les exportations latino-américaines.

Ce même rapport signale une diminution, pour la quatrième année consécutive, des investissements étrangers dans la région. L’Amérique latine et les Caraïbes sont la seule région au monde à voir les investissements étrangers diminuer en 2003. Le boom de la seconde moitié des années 90 (1995-1999) – qui explique la diminution actuelle – était essentiellement dû aux privatisations qui attirèrent de grandes multinationales, principalement dans le secteur des services et, dans une moindre mesure, dans les secteurs des ressources naturelles et de l’industrie manufacturière.

Le samedi 29 et dimanche 30 mai se réunissaient à Guadalajara (Mexique) les représentants de 33 pays latino-américains et des Caraïbes, et de 25 pays de l’Union européenne. C’est la troisième réunion de ce type organisée depuis 1999. Les négociations ont pour but de renforcer l’intégration commerciale des deux régions, qui, à elles deux, représentent 15% de la population mondiale. De nombreuses organisations altermondialistes se sont réunies en parallèle pour discuter d’alternatives possibles au modèle actuel de mondialisation et exprimer leur rejet – de forme et de fond – des négociations menées par leurs gouvernements.

Juin 2004

Une réunion ministérielle du Groupe des 20 pays en voie de développement (G-20) qui s’oppose à la pratique des subventions agricoles des Etats-Unis, de l’Union européenne et du Japon, était organisée à São Paulo le 12 juin. Elle a été l’occasion d’un renforcement de l’unité du groupe et d’un début de rapprochement avec le Groupe des pays des 90 (G-90), formé lui aussi à Cancún lors de la dernière conférence ministérielle de l’OMC et qui réunit les pays qui s’opposent aux tentatives des Etats-Unis et de l’Union européenne d’inclure dans les négociations commerciales les « thèmes de Singapour », c’est-à-dire les services, les investissements, les achats gouvernementaux et la propriété intellectuelle. Un représentant du G-90, Clément Rohee, ministre de la coopération et du commerce de Guyana, était présent lors de la réunion. De même, le ministre des affaires étrangères brésilien, Celso Amorim représentait le G-20 lors de la réunion ministérielle du G-90, le 3 juin en Guyana.

Un rapport publié à la mi-juin par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), basée à Genève, fait apparaître une augmentation spectaculaire de l’immigration en provenance de l’Amérique latine et des Caraïbes et à destination de l’Europe, en particulier de l’Espagne, de l’Italie, du Portugal et de la Grande-Bretagne. La majorité des immigrants est arrivée durant ces 3 dernières années, du fait notamment de la crise économique en Amérique latine, et du renforcement des contrôles migratoires et du durcissement du régime des visas vers les Etats-Unis, après les attentats du 11 septembre 2001.

Lors de la IXème Conférence régionale sur la femme en Amérique latine et aux Caraïbes, qui s’est tenu à la mi-juin à Mexico, les Etats-Unis et des groupes conservateurs ont fait pression sans succès sur diverses délégations pour que ne soit pas inclus dans la déclaration finale les termes « droits sexuels et reproductifs » qu’ils considèrent incitatifs à l’avortement. Dans la déclaration nommée « Consensus de Mexico », la région s’est engagée à « réviser et mettre en place des lois garantissant l’exercice responsable des droits sexuels et reproductifs et l’accès sans discrimination aux services de santé, y compris de santé sexuelle et reproductive ».

Septembre 2004

La diminution rapide du nombre de catholiques de la région, où vivent un peu moins de la moitié des 1 milliard 71 millions de catholiques du monde est un sujet de préoccupation pour le Vatican. Au Brésil, pays du monde où vivent le plus grand nombre de catholiques – 100 millions parmi ses 182 millions d’habitants –, environ 500 000 personnes abandonnent chaque année cette religion. Au Mexique, second pays au monde pour ce qui est du nombre de catholiques, un phénomène similaire est en cours : les croyants qui professent cette religion ne sont plus que 88% des 102 millions d’habitants, soit 10% de moins qu’il y a 50 ans.

Octobre 2004

Le nouveau secrétaire général de la Organisation des Etats américains (OEA) et ancien président costaricain (1998-2002), Miguel Angel Rodríguez, a présenté sa démission vendredi 8 octobre, 23 jours après sa prise de fonctions, du fait des accusations de corruption et d’enrichissement illicite pesant contre lui dans son pays. Premier costaricain à être élu secrétaire général depuis plus de 50 ans, il est aussi le premier secrétaire général de l’organisme à démissionner pour corruption. José Antonio Lobo, ancien ministre et conseiller de Rodríguez l’a accusé le 30 septembre d’avoir reçu de substantielles commissions lors de la négociation de contrats avec l’entreprise française de télécommunications, Alcatel. Le président costaricain actuel, Abel Pacheco, avait alors exigé sa démission.

Un rapport publié par le Bureau de Washington sur l’Amérique latine (WOLA), le Groupe de travail sur l’Amérique latine (LAWG) et le Centre pour la politique internationale (CIP) fait apparaître que l’aide militaire états-unienne destinée à l’Amérique latine a augmenté significativement depuis 2000. L’assistance militaire de 2003 a atteint la somme de 860 millions de dollars, et l’assistance économique et humanitaire, 921 millions de dollars. Si la tendance se maintient, note le rapport, l’aide militaire risque de dépasser l’aide économique et humanitaire, alors que, même au plus chaud de la guerre froide, l’assistance militaire n’avait jamais constitué plus du tiers de l’aide économique.

Novembre 2004

Le XIVème sommet ibéro-américain, qui s’est conclu samedi 20 novembre à San José, la capitale du Costa Rica, a ratifié la création d’un Secrétariat général ibéro-américain (SGI). Le secrétariat entrera en fonction en mars ou avril 2005 si le projet est ratifié par les parlements des 7 pays pour lesquels les statuts des réunions au sommet exigent une ratification postérieure. Il s’agit de créer une continuité institutionnelle entre les réunions qui ont lieu chaque mois de novembre et de fournir un support exécutif et administratif aux déclarations annuelles du sommet. Le projet date du XIIIème sommet, réalisé en 2003 en Bolivie.

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a autorisé, fin novembre, l’application de sanctions commerciales d’une valeur de 150 millions de dollars par an contre les Etats-Unis. La décision, qui bénéficiera notamment au Brésil, au Mexique et aux pays de l’Union européenne, applique la sanction la plus dure prévue si aucun accord n’est trouvé entre les parties. Le refus de la part des Etats-Unis de déroger l’amendement Byrd, voté en 2000 et qui prévoit la redistribution des ressources obtenues grâce aux sanctions antidumping sous forme de subventions aux entreprises exportatrices, a motivé l’adoption de la sanction maximale, qui n’a été appliquée que 8 fois depuis la création du tribunal de l’OMC en 1995.

Décembre 2004

Le rapport annuel de la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes), basée à Santiago, fait apparaître une croissance économique du sous-continent de l’ordre de 5,5% en 2004, soit nettement plus qu’en 2003 (1,9%) et 2002 (-0,5%). C’est la plus forte croissance de la décennie, dépassant les 5,2% de l’année 1997, avant que les effets de la « crise asiatique » et du ralentissement de l’économie états-unienne ne se fassent sentir. La reprise de l’économie états-unienne, et l’expansion soutenue de l’économie chinoise ont servi de moteurs aux économies latino-américaines qui ont pu augmenter leurs exportations. Le Venezuela a vu son PIB (Produit intérieur brut) croître de 18%, l’Uruguay, de 12 % et l’Argentine, de 8,2% – ce sont les 3 taux de croissance nationaux les plus élevés. Mais les économies latino-américaines restent fragiles, et le taux de croissance diminuera sans doute en 2005.


Rédaction : Nicolas Pinet.
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