AMÉRIQUE LATINE
La visite à Brasilia du délégué au commerce
états-unien, Robert Zoellick, le 27 et 28 mai, dans le cadre des négociations
de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) a mis
en évidence les différences de conception de l’accord :
le Brésil demande des réductions aux subventions agricoles états-uniennes,
les États-Unis accepteraient de discuter cette réduction dans
le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à condition
que l’Union européenne et le Japon s’engagent à faire
de même. Le Brésil a proposé un accord 4 + 1 entre
les quatre pays du Mercosur et les États-Unis, les États-Unis
ont rejeté l’idée. Le Brésil se refuse à ouvrir
à la concurrence quelques-uns de ses services, les États-Unis
veulent accélérer l’ouverture de ce secteur.
Au sommet du G-8,
organisé début juin, à Évian, ont été
invités les présidents de 12 pays en voie de développement,
dont le Mexique et le Brésil, chargés de représenter les
pays d’Amérique latine. Selon l’accord conclu le 24 mai au
Pérou, durant la réunion du Groupe de Rio – intégré
par 19 pays latino- américains –, Lula et Fox ont réclamé
la suppression des subventions et du protectionnisme sur les produits agricoles,
et un soutien international pour renforcer la justice et la démocratie
dans le sous-continent. Les deux pays se disputent le leadership politique et
diplomatique de la région.
La 33ème assemblée
de l’Organisation des États américains, qui s’est
tenue début juin à Santiago du Chili, a adopté la «
Déclaration de Santiago sur la démocratie et la confiance citoyenne
», proposée par le Chili et qui appelle à « fomenter
la crédibilité et la confiance citoyenne dans les institutions
démocratiques » menacées par la corruption et l’impunité
qui recouvre certains actions gouvernementales illicites. Les représentants
des 34 pays semblent avoir choisi d’ignorer les priorités déclarés
par le secrétaire d’État états-unien, Colin Powell
: lutte contre le terrorisme et le trafic de drogue et condamnation du régime
cubain, exclu de l’OEA depuis 1962.
Le groupe de Rio,
durant sa réunion du 24 mai à Cusco, a accepté la proposition
du président équatorien Lucio Gutiérrez, de demander au
secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, d’exhorter
les guérillas colombiennes à cesser les hostilités et à
négocier une solution pacifique et définitive au conflit. L’initiative,
nommée Consensus de Cusco, a été soutenue, le 10 juin,
par l’Assemblée générale de l’OEA. Le groupe
de Rio a déclaré que si l’effort de Kofi Annan échoue,
il « cherchera, avec l’aide du secrétaire général
de la ONU et en coordination avec le gouvernement de Colombie, d’autres
alternatives de solution ».
Une entreprise états-unienne,
ChoicePoint, collecte des informations sur les citoyens et les entreprises de
pays d’Amérique latine et les vend à différents Bureaux
du gouvernement, notamment aux Départements de Justice, de Transport
et de Sécurité intérieure, ainsi qu’aux Bureaux des
Alcools et du Tabac, des Armes à feu et des Explosifs. La firme a dû
effacer de ses archives des données extraites des registres électoraux
et concernant 75 millions de mexicains, après les plaintes du gouvernement
de Vicente Fox. Sept pays latino-américains réalisent actuellement
des enquêtes pour savoir qui fournit l’information et si ces opérations
sont légales.
MERCOSUR
Le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, a annoncé
dimanche 1er juin, lors de la réunion du G-8, son projet d’unir
et de fortifier les pays en voie de développement dans les négociations
multilatérales. Vendredi 6 juin, le ministre des affaires étrangères,
Celso Amorim recevait à Brasilia ses homologues indiens et sud-africains,
Yashwant Sinha et Nkosazana Dlamini-Zuma, pour un dialogue trilatéral
de concertation et de renforcement de la coopération. Le 18 juin, lors
du XXIVème sommet semestriel du Mercosur à Asunción, l’Inde
a signé un accord prévoyant l’extension des échanges
commerciaux. La fin des négociations concernant des préférences
tarifaires sur un nombre limité de produits est prévue pour août
et devrait constituer la première étape d’un futur accord
de libre commerce. Un accord existe déjà avec l’Afrique
du Sud depuis décembre 2000, mais les avancées en termes de libéralisation
commerciale ont été réduites.
Mercredi 11 juin,
Néstor Kirchner, le nouveau président argentin, était en
visite au Brésil. Les deux présidents sont tous les deux favorables
au renforcement de l’intégration au sein du Mercosur.
ARGENTINE
Le nouveau gouvernement argentin a fait part de sa volonté de réviser
les contrats des entreprises et services privatisés dans les années
1990, la majorité entre 1990 et 1994, dans un contexte de crise économique
marquée par l’hyper-inflation. Le nouveau président a ratifié
le 26 mai, le lendemain de son entrée en fonction, le Programme national
de santé sexuelle et de procréation responsable, élaboré
à partir de la Loi de Santé sexuelle et de procréation
responsable, votée en octobre 2002. Des groupes religieux ultra-conservateurs
s’y opposent farouchement. Le programme, qui bénéficiera
avant tout aux femmes ayant de faibles revenus, cherche à diminuer les
taux de mortalité des mères et des enfants, à prévenir
les grossesses non désirées, à promouvoir la santé
sexuelle des adolescentes et à contribuer à la prévention
et à la détection précoce des maladies sexuellement transmissibles
ainsi que des pathologies génitales et mammaires.
L’enquête
judiciaire concernant l’attentat contre l’Ambassade israélienne
en 1992 et contre l’Association des mutuelles israélites d’Argentine
en 1994 – qui avait provoqué la mort de 85 personnes –, jusque
là sans résultats déterminants pourrait prendre un nouveau
cours. Jeudi 5 juin, le président a signé un décret ordonnant
au Secrétariat d’intelligence d’État (SIDE) d’ouvrir
ses archives et de relever du « secret d’État » 14
de ses anciens agents, ce qui oblige les anciens fonctionnaires de l’intelligence
à déclarer devant la justice.
Le président
Kirchner a créé un « cabinet de sécurité »
pour coordonner « l’effort national de sécurité dans
la province de Buenos Aires ». Cette décision fait suite à
la mise à la retraite de 10 chefs (sur 11) de la police fédérale.
Il a aussi mis à la retraite les troisquarts des commandants en chef
de l’armée. Enfin, il a demandé au parlement de réactiver
la procédure de jugement politique contre des membres de la Cour suprême
de justice, notamment le président de la Cour, Julio Nazareno. Alors
que le parlement avançait dans la procédure, ce dernier a présenté
sa démission, vendredi 27 juin.
La justice argentine
a ordonné la détention de 10 militaires à la retraite,
accusés d’avoir torturé et assassiné en 1976 22 prisonniers
politiques à Margarita Belén (province du Chaco). Les enquêtes
judiciaires ont reprises en plus grand nombre depuis que l’État
a admis, en 1999, que le droit à la vérité n’est
pas prescriptible.
L’Argentine
commencera à négocier avec le FMI dans les semaines qui viennent
un accord de moyen terme qui doit lui permettre de financer son importante dette
externe. La décision a été communiquée lors de la
conférence de presse qui a marqué la fin de la visite du directeur
exécutif du FMI, Horst Koehler, mardi 24 juin.
BRÉSIL
Pour rompre sa dépendance technologique, le gouvernement brésilien
cherche à intensifier la coopération avec des pays au développement
similaire au brésilien, comme la Chine, l’Inde, la Russie, l’Afrique
du Sud ou l’Ukraine, mais plus avancés dans un secteur ou un autre,
et plus disposés à des transferts de technologie que les pays
du « premier monde ». La coopération spatiale, initiée
avec l’Ukraine en janvier 2002, est une des raisons du voyage en Ukraine
du ministre des Sciences et technologies, Roberto Amaral. L’accord devrait
permettre au Brésil de devenir concurrentiel sur le marché international
du lancement de satellites, à partir de sa base d’Alcántara.
Lula fête ses
6 mois à la présidence dans un climat d’agitation sociale
autour du vote parlementaire d’un projet de réforme du système
des retraites. Ce projet, qui exige de modifier la Constitution, divise le Parti
des travailleurs (PT) et la Centrale unique des travailleurs (CUT). Les manifestations
de rejet se sont succédées dans tout le pays et le 8 juillet commencera,
pour une durée indéterminée, une grève des fonctionnaires
dont le projet modifie le statut. Le projet supprime, pour les futurs fonctionnaires,
le système qui permet d’obtenir une retraite équivalente
au salaire du dernier mois d’activité. Il prévoit aussi
de mettre en place pour les retraites du secteur public le plafond déjà
en vigueur dans le secteur privé (2 400 reales, soit 830 dollars). Les
fonctionnaires désirant recevoir plus devront épargner dans un
système de fonds de pension, dont la création sera facilité
par le gouvernement. L’âge minimum de la retraite serait relevé
de 7 ans, passant à 55 ans pour les femmes, et 60 pour les hommes.
CHILI
L’augmentation de l’impôt sur la valeur ajouté (IVA)
de 18 à 19 %, qui devrait rentrer en vigueur en octobre, si le Sénat
approuve la mesure, a été votée le 16 juin par la Chambre
des députés. Cette hausse d’impôts doit permettre
de financer les projets sociaux du gouvernement, mais aussi de combler le manque
à gagner que représente la baisse des droits de douane consécutive
à l’entrée en vigueur du traité de libre commerce
avec l’Union européenne, et bientôt avec la Corée
du nord et les États-Unis, avec qui l’accord a finalement été
signé le 6 juin, à Miami.
Ce dernier mois, divers
projets de solutions judiciaires aux cas des disparus, prévoyant des
indemnisations pour les familles, ont été présentés
par les différents partis de la coalition au pouvoir, la « Concertation
», et de l’opposition, ainsi que par l’Association des familles
de détenus-disparus (AFDD). Le gouvernement devrait remettre début
juillet son projet de loi au Congrès, dont il espère que l’approbation
interviendra avant le 11 septembre, jour anniversaire du coup d’État
de 1973.
COLOMBIE
Le gouvernement cherche à avancer vers un processus de paix avec les
paramilitaires des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), qui, le 1er
décembre 2002, avaient annoncé une trêve, plus ou moins
respectée depuis. Le 12 juin, les AUC ont remis à l’Institut
de bien-être familial 40 combattants de moins de 18 ans. Sachant que l’une
des conditions que le gouvernement a posée à la discussion est
la fin de la participation au conflit de combattants mineurs, ce geste peut
être interprété comme la marque d’une volonté
de négociation.
CUBA
L’Union européenne a décidé d’appliquer
à partir du 5 juin des mesures pour protester contre l’exécution
des trois personnes qui avaient essayé de détourner un bateau
et l’emprisonnement de 75 opposants – réduction des visites
gouvernementales bilatérales de haut niveau et de la participation des
pays membres à des événements culturels en relation avec
Cuba, réexamen de la position commune européenne sur l’île.
Mercredi 11 juin, Fidel Castro exprimait son irritation dans un long discours
à la télévision, et le lendemain, deux grandes manifestations,
menées l’une par le chef d’état, l’autre par
son frère, Raúl Castro, se dirigeaient dans la Havane vers les
ambassades d’Espagne et d’Italie, pays considérés
responsables des sanctions européennes.
GUATEMALA
La Loi des langues nationales, approuvée par le Congrès le 7 mai,
et entrée en vigueur le 26, maintient l’espagnol comme langue officielle
du pays mais reconnaît 23 langues autochtones, dont la majorité
est née il y a plus de 4 000 ans. Les 12 millions de guatémaltèques,
dont 65 % sont descendants des mayas, pourront avoir accès à
l’éducation, la justice, à l’attention sanitaire et
autres services dans leurs propres langues.
L’ancien dictateur
Efraín Ríos Montt, a été élu fin mai candidat
présidentiel du Front républicain guatémaltèque
(FRG), parti actuellement au pouvoir. Le Département d’État
états-unien (ministère des affaires étrangères)
a fait savoir, dans une déclaration inusuelle, qu’il lui serait
difficile de maintenir de bonnes relations avec le Guatemala si ce candidat
était élu. C’est la première fois depuis longtemps
que Washington rejette explicitement la candidature d’un membre d’un
parti de droite. Le 6 juin, le Registre des citoyens a refusé l’inscription
de Ríos Montt comme candidat présidentiel, ce dernier étant
arrivé au pouvoir en 1982 par un coup d’État, cas de figure
interdit par la Constitution en vigueur. Les dirigeants de son parti ont indiqué
qu’ils feraient appel.
MEXIQUE
Mardi 10 juin, la Cour suprême de justice a autorisé l’extradition
vers l’Espagne de l’ancien capitaine de la marine argentine, Miguel
Cavallo, alias Sérpico, accusé d’avoir fait disparaître,
d’avoir assassiné, séquestré et torturé des
dizaines de personnes durant la dictature argentine (1976-1983) et poursuivi
pour crimes contre l’humanité. C’est le premier militaire
latino-américain, poursuivi par un juge d’un pays tiers et extradé
après avoir été détenu dans un pays où ne
pesaient pas de charges contre lui.
Jeudi 12 juin est
entrée en vigueur la nouvelle Loi de transparence et d’accès
à l’information publique – approuvée il y a un an
–, avec le début de fonctionnement de son règlement et de
l’organisme associé. Quiconque pourra désormais demander
aux pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif de divulguer quelles
furent les conditions de licitation d’un projet, quel est le salaire d’un
fonctionnaire, ou l’usage qui a été fait du budget, par
exemple. On espère que cette transparence potentielle fera diminuer les
niveaux de corruption.
Le rapporteur spécial
de l’ONU pour les droits humains et les libertés fondamentales
des indigènes, Rodolfo Stavenhagen, a demandé à l’État
de définir vis-à-vis des indigènes une politique intégrale
qui aille au delà du simple discours, après une visite officielle
de 17 jours. Selon lui, les politiques sociales en place sont purement assistencialistes.
PARAGUAY
Le Code pénal en vigueur depuis juillet 1999 stipule que tout procès
qui ne parvient pas à une condamnation dans les trois ans doit être
déclaré terminé, et les accusés, libérés
de toute charge. Fin mai, les officiers qui avaient tenté de renverser
le gouvernement de Luis González Macchi en mai 2000 ont été
libérés des charges qui pesaient contre eux, malgré les
critiques et les recours judiciaires. La situation pourrait se reproduire pour
la crise institutionnelle qui éclata en 1999 avec l’assassinat
du vice-président d’alors Luis María Argaña, provoquant
4 morts et une centaine de blessés.
PÉROU
Le 12 mai, le personnel éducatif du pays s’est mis en grève
réclamant une hausse de salaires. L’offre gouvernementale n’étant
pas selon eux satisfaisante, la grève a continué. Le 27 mai, le
président Alejandro Toledo, en poste depuis juillet 2001, déclarait
l’état d’urgence dans 12 départements dont le contrôle
interne était remis à l’armée. Le lendemain, au cours
de manifestations de protestation, mourait au moins un étudiant, et 49
personnes étaient blessées. Les jours suivants, les manifestations
continuent, minant l’autorité gouvernementale. Mardi 3 juin, une
semaine après, quelque 30 000 personnes sortaient dans la rue à
Lima pour manifester contre les mesures d’exception, demander la démission
du ministère, la satisfaction de la revendication des enseignants et
un changement de politique économique. Mercredi 5 juin, les autorités
ont finalement trouvé un accord préliminaire avec les représentants
du syndicat des enseignants. Quelques jours plus tard, des hommes fortement
armés prenaient en otage les travailleurs d’une entreprise argentine
de gaz naturel. L’annonce de leur libération, mardi 10 juin, est
apparue comme une heureuse diversion pour le gouvernement.
EL SALVADOR
Les médecins et fonctionnaires de la santé publique ont signé,
vendredi 13 juin, un accord avec le gouvernement de Francisco Flores, mettant
fin à une grève de presque 9 mois – depuis le 18 septembre
2002 – pour protester contre les projets de privatisation du gouvernement.
Grève et manifestations ont obligé le gouvernement à retirer
3 projets de loi de privatisation déposés au Congrès.
Le Front Farabundo
Martí pour la libération nationale (FMLN), ancienne guérilla
gauchiste de la guerre civile de 1980-1992, est le parti favori pour les élections
présidentielles de mars 2004. La campagne politique commencera officiellement
le 21 novembre.
URUGUAY
L’Uruguay commémorait, vendredi 27 juin, les 30 ans du coup d’État
de 1973, qui avait conduit à la dissolution du parlement par ordre de
l’armée, mais en connivence avec le président Juan María
Bordaberry, élu démocratiquement en 1971. La loi de 1987 de Caducité
de la prétention punitive de l’État, confirmé par
le plébiscite de 1989 a laissé sans condamnation les militaires
accusés de violations des droits humains. Le peu de présence de
l’histoire uruguayenne d’après 1957 dans les programmes scolaires
primaires et secondaires explique aussi que, dans une enquête réalisée
par l’Université catholique, 70 % des enquêtés ayant
entre 18 et 29 ans ne surent nommer aucun dictateur de la période.
VENEZUELA
Le gouvernement et l’opposition ont signé, jeudi 29 mai, un pacte
en 19 points pour résoudre la crise politique par le biais de référendums
sur le mandat présidentiel et d’autres autorités. L’accord
a mis fin à la Table de négociation dirigée, depuis novembre
2002, par le secrétaire général de l’OEA, César
Gaviria, avec le soutien du Centre Carter, du Programme des Nations unies pour
le développement (PNUD), et du Groupe des pays amis. Le contrôle
des changes, instauré il y a 5 mois pour renflouer les réserves
de l’État, a pour effet de réduire substantiellement l’offre
légale de devises, ce qui a contribué au développement
d’un marché noir important.
Le contrôle des changes, instauré il y a 5 mois pour renflouer
les réserves de l’État, a pour effet de réduire substantiellement
l’offre légale de devises, ce qui a contribué au développement
d’un marché noir important.
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