AMÉRIQUE LATINE
Les évêques catholiques des pays du Mercosur (Argentine, Brésil,
Paraguay et Uruguay), de Bolivie et du Chili se sont réunis du 2 au 4
septembre à Montevideo, pour réfléchir aux défis
que représente l’intégration de l’Amérique
latine et pour analyser le projet de création de la ZLÉA (Zone
de libre-échange des Amériques) d’un point de vue « éthique
et moral ». Leurs principales objections à la ZLÉA
sont qu’elle bénéficiera surtout aux pays les plus riches,
comme le Canada et les États-Unis, au détriment des pays moins
compétitifs, et qu’elle consolidera à l’échelle
continentale un libéralisme « sauvage ».
La cinquième conférence ministérielle de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), qui s’est tenue du 10 au 14 septembre à Cancún au Mexique et s’est soldée par un échec, semble marquer l’émergence d’un nouvel équilibre des forces entre les 146 pays membres. Quelques semaines avant la conférence a été créé le Groupe des 22 pays en voie de développement (G-22 – Argentine, Brésil, Bolivie, Chili, Chine, Colombie, Costa Rica, Cuba, Équateur, Égypte, El Salvador, Philippines, Guatemala, Inde, Mexique, Pakistan, Paraguay, Pérou, Afrique du Sud, Thaïlande, Turquie et Venezuela). L’initiative cherchait à constituer un contrepoids réel lors des négociations avec les États-Unis, l’Union européenne et le Japon. Le G-22 a exigé des pays du Nord qu’ils honorent leur engagement concernant la suppression des subventions agricoles avant d’aborder les autres points prévus en 2001 à Doha, ce qui a provoqué l’échec de la conférence.
Selon un
rapport publié lundi 22 septembre par le Fonds d’éducation
du Groupe de travail sur l’Amérique latine (LAWGEF), le Centre
pour la politique internationale (CIP) et le Bureau de Washington pour l’Amérique
latine (WOLA), l’aide militaire attribuée par les États-Unis
à l’Amérique latine a été plus que multipliée
par 3 durant les 5 dernières années. Les militaires colombiens
constituaient en 2002 la moitié des latino-américains participants
aux programmes états-uniens d’entraînement militaire.
MERCOSUR
Les maires et chefs de gouvernements locaux de 50 villes du Mercosur (Argentine,
Brésil, Paraguay et Uruguay) et des pays associés (Bolivie, Chili)
se sont réunis du 17 au 19 septembre lors du Sommet des Mercovilles,
intitulé « Villes pour l’insertion sociale et l’intégration
régionale : instruments pour la création de travail et d’emploi ».
Ils ont souligné que le Mercosur vit un moment privilégié
depuis sa création en 1991, les présidents des deux pays principaux,
Néstor Kirchner et Luiz Inácio Lula da Silva, ayant fait de son
approfondissement une priorité de leur politique extérieure. Leur
déclaration finale insiste sur leur volonté de « construire
un espace d’intégration plus réel et tangible, radicalement
distinct à celui qu’on a traité d’imposer à
partir de la vision de l’orthodoxie libérale, fondée sur
la seule ouverture commerciale ».
ARGENTINE
Le Procureur fédéral d’Argentine a ordonné, jeudi
4 septembre, la détention de 38 militaires et 3 civils accusés
de graves violations des droits humains durant la dictature (1976-1983), quelques
jours après l’annulation des lois du « Point final »
(1986) et de l’« Obéissance due » (1987),
qui avaient interrompu les procès. L’ancien capitaine Alfredo Astiz,
symbole de la répression durant la dictature a été arrêté,
mardi 16 septembre, tout comme 12 autres militaires impliqués dans l’instruction
en cours concernant l’École de mécanique de la Marine (ESMA),
centre clandestin de détention, de torture et de disparition forcée,
par lequel passèrent quelque 5 000 prisonniers.
Jeudi 11 septembre, le président Kirchner annonçait qu’il avait trouvé un accord avec le FMI (Fonds monétaire international) pour rééchelonner une partie de sa dette externe. La nouvelle a été accueillie favorablement par l’ensemble du spectre politique. Le président a souligné l’importance du soutien des États-Unis, dont le secrétaire au Trésor était intervenu deux jours plus tôt pour réclamer une solution rapide. Il a aussi déclaré que, sans être « la panacée loin s’en faut », l’accord constituait « un pont d’or pour reconstruire progressivement » le pays. Le total de la dette représente 150 % du produit intérieur brut (145 000 millions de dollars). Lundi 22, le gouvernement a proposé un plan complexe de réaménagement de sa dette privée (95 000 millions de dollars), pour mettre fin à la cessation de paiements déclarée en décembre 2001. La proposition, qui ne prend pas en compte les intérêts accumulés depuis la cessation, prévoit de rembourser seulement 25 % du total actuel. Pour le chef de cabinet du ministère de l’économie, Alberto Fernández, il s’agit de « trouver un équilibre réaliste entre ce que le pays produit, ce qu’il doit et ce qu’il peut payer ».
Néstor
Kirchner a présenté au Congrès, mercredi 17 septembre,
son projet de budget pour l’année 2004. Tout en prévoyant
un excédent nécessaire au paiement de la dette, le budget prévoit
d’augmenter les dépenses de 8 % par rapport au budget précédent,
l’augmentation étant de 35 % pour la sécurité
sociale, 21 % pour l’infrastructure, 19 % pour l’éducation
et 50 % pour les sciences et technologies.
BOLIVIE
Dans la seconde moitié de septembre, les mobilisations contre le gouvernement
ont repris avec force, avec blocages de route, grèves, et même
quelques affrontements armés. Le projet de cession de l’exploitation
du gaz naturel à une entreprise chargée de l’exporter vers
l’Amérique du nord via un port chilien, ou péruvien, est
une des causes du mécontentement. Evo Morales, leader du MAS (Mouvement
vers le socialisme), critique notamment le fait que la législation actuelle
ne laisserait à l’État qu’une maigre part des bénéfices.
BRÉSIL
Malgré la récession et le maintien d’un taux important de
chômeurs (12,8 %), malgré les critiques adressées au
gouvernement, accusé de prendre des mesures que le PT (Parti des travailleurs)
avait critiqué dans le passé – comme par exemple la réforme
des retraites –, l’image de Lula reste « bonne ou excellente »
pour 45 % des personnes consultées lors du dernier sondage publié
dans le journal Folha de Sao Paulo et réalisé fin août –
soit 3 % de plus que lors du dernier sondage, en juin. 10 % considèrent
sa politique « mauvaise ou désastreuse », et 42
% comme « acceptable ».
Le programme « Brésil alphabétisé », annoncé par le président Lula le 8 septembre prévoit d’atteindre 20 millions de personnes de plus de 15 ans dans les 4 ans à venir, en s’appuyant sur les expériences passées en la matière et les projets déjà en place. En 2001, le pays comptait 12,4 % d’illettrés, soit plus que la Colombie ou l’Équateur (8,4 %) ou que le Pérou (10,1 %), selon les chiffres de l’UNESCO.
Le président
brésilien est arrivé vendredi 26 septembre à La Havane,
pour une visite officielle de 4 jours. L’accent devrait surtout porter
sur des questions de coopération et de commerce. Sont notamment prévues
la signature de divers accords visant à renforcer les relations bilatérales
et la négociation d’un crédit de la banque nationale brésilienne
destiné à l’achat de produits brésiliens.
CHILI
Le trentième anniversaire du coup d’État du 11 septembre
1973 a marqué une évolution importante du rapport au passé
récent. Les chaînes de télévision, et dans une moindre
mesure, la presse et la radio, ont consacré de nombreux reportages en
profondeur – une trentaine – sur les événements d’avant
et d’après 1973, produisant une sorte de surexposition médiatique
– inédite. Dans le même temps, et aussi bien au Chili que
dans d’autres pays du monde, étaient organisés colloques,
commémorations et concerts. Le 10 septembre, une cérémonie
d’hommage au président défunt était organisée
par le ministre de l’intérieur, José Miguel Insulza, à
La Moneda, le palais présidentiel, bombardé trente ans plus tôt.
En présence d’Hortensia Bussi, la veuve d’Allende, de sa
fille, Isabel Allende, l’actuelle présidente de la Chambre des
députés, et de nombreux invités, fut inaugurée une
plaque commémorative à l’endroit où le président
se suicida, ainsi qu’un tableau représentant Allende au balcon
de La Moneda, après son élection le 4 septembre 1973, et une photo
montrant ce même balcon après le bombardement du 11 septembre.
Le lendemain, au cours d’une seconde cérémonie, le président
Ricardo Lagos inaugurait la nouvelle porte de Morandé 80, située
sur la façade est de La Moneda : entrée traditionnelle des présidents
avant 1973, et porte d’évacuation du corps d’Allende le 11
septembre, elle avait été supprimée lors de la reconstruction
du palais en 1980. La traditionnelle marche en direction du mémorial
des détenus-disparus, situé à l’intérieur
du Cimetière général, eut lieu le dimanche 14. Le 23 septembre
se célébrait aussi le trentième anniversaire de la mort
de Pablo Neruda.
COLOMBIE
Des organisations non gouvernementales colombiennes ont demandé aux États-Unis
de suspendre l’assistance militaire octroyée à la Colombie,
considérant que les conditions requises en matière de respect
des droits humains ne sont pas respectées. Au-delà de la suspension
de l’aide, l’objectif de la demande est d’inciter le Congrès
états-unien à s’assurer que les engagements en la matière
soient effectivement tenus.
Fin septembre,
un groupe de sénateurs colombiens a demandé au gouvernement de
retirer le projet de loi, présenté fin août, prévoyant
la liberté conditionnelle pour les membres des groupes armés accusés
de crimes contre l’humanité qui accepteraient de se joindre à
la démobilisation – il suggère d’attendre au moins
que le dialogue de paix avec les AUC (Autodéfenses unies de Colombie,
groupes paramilitaires) débute formellement.
COSTA RICA
Le 6 juin 2002, le ministre de la sécurité publique, Rogelio
Ramos, et l’ambassadeur états-unien, John Danilovich, avaient signé
un accord prévoyant la création d’une Académie internationale
pour le respect de la loi (ILEA), dirigée par les États-Unis –
il en existe déjà une à Bangkok, à Budapest, à
Gaborone et à Roswell, au sud des États-Unis. Le projet de loi,
qui est actuellement à l’étude au Congrès législatif,
a déclenché une forte polémique, les critiques portant
notamment sur l’atteinte que cela représenterait à la souveraineté
et à la politique de neutralité du pays.
CUBA
Les évêques catholiques cubains publiaient lundi 8 septembre
une déclaration intitulée L’amour espère tout
dans laquelle ils déplorent le retour au langage et aux méthodes
des premiers temps de la révolution cubaine et demandent plus de liberté
publique pour l’Église.
Le 4 novembre, l’Assemblée générale de l’ONU analysera comme chaque année depuis 1992, la question du blocus états-unien. Dans une conférence de presse donnée mardi 16 septembre, le chancelier cubain Felipe Pérez Roque a rappelé que les 15 pays de l’Union européenne ont, ces dernières années, voté en faveur de résolutions demandant la levée des sanctions économiques et commerciales imposées par les États-Unis. Il a déclaré qu’il espérait qu’il en serait de même cette année, malgré les tensions diplomatiques qu’a provoqué l’exécution des 3 personnes qui avaient tenté de détourner une embarcation.
L’opposition
modérée a présenté, mardi 16 septembre, une Lettre
des droits et des devoirs fondamentaux des Cubains, autour de laquelle
elle voudrait promouvoir un dialogue par le biais de « maisons de promotion
des droits ». Le document a été présenté avant
sa diffusion à plus de 35 000 Cubains vivant à l’intérieur
et à l’extérieur du pays, et environ 31 000 ont accepté
la proposition sans modifications.
HAÏTI
Une manifestation, organisée par les partis de l’opposition
et des groupes de la société civile, était prévue
pour le 14 septembre dans la ville septentrionale de Cap-Haïtien pour demander
la démission du président Aristide. Quelques jours avant, le parti
Familia Lavalas annonça une contre-manifestation le même jour et
au même endroit, déclarant que si l’opposition manifestait
elle aussi, un bain de sang se produirait, rendant caduques les efforts de l’opposition.
Le 22 septembre,
la découverte dans la ville de Gonaïves du corps d’Amiot Métayer,
le leader de l’« Armée cannibale » a déclenché
de violents affrontements entre le groupe et la police. Métayer, ancien
allié du gouvernement, avait été emprisonné en 2002
pour des délits mineurs. Il s’était évadé
de manière spectaculaire de la prison grâce à l’intervention
de sa bande. Depuis lors, l’Organisation des États américains
(OEA), des organisations de droits humains ainsi que divers gouvernements étrangers
réclamaient sa capture, l’accusant d’être responsable
de la violence politique et notamment de la pendaison d’un membre de l’opposition
en décembre 2001. Son arrestation était considérée
comme une étape nécessaire pour mettre fin au blocage politique.
Mais les charges qui pesaient contre lui furent retirées. Les résidents
de Raboteau, son quartier, et l’Armée cannibale se sont soulevés,
accusant le président Jean-Bertrand Aristide de la mort de leur leader
– le jour précédant sa mort Métayer était
sorti de chez lui accompagné d’un ancien employé du Palais
national.
MEXIQUE
Le président Vicente Fox, présentant au Congrès législatif,
le 1er septembre, son troisième rapport annuel, a mis de côté
son triomphalisme des années précédentes et reconnu que
le pays doit résoudre de graves problèmes sociaux et que son gouvernement
peut mieux faire. Le Parti action nationale (PAN) a perdu 55 sièges (sur
les 206 qu’il détenait) aux élections des députés
du 6 juillet, ce qui a été considéré comme l’expression
d’un mécontentement vis-à-vis de la gestion gouvernementale.
Fin septembre,
le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, a rendu
une courte visite à son homologue mexicain, avant de se rendre à
Cuba. Lors de leur troisième rencontre de l’année, les deux
présidents ont mis au point quelques mesures de coopération. Les
deux pays, qui représentent à eux seuls 61 % du PIB (Produit
intérieur brut) d’Amérique latine défendent des politiques
différentes – le Brésil se montre par exemple prudent vis-à-vis
de la ZLÉA, alors que le Mexique s’en est fait l’un des promoteurs
–, et aspirent tous deux à devenir le porte-parole du sous-continent.
PARAGUAY
Le nouveau président Nicanor Duarte Frutos, au pouvoir depuis le 15 août,
a pris diverses mesures pour tenter de freiner la corruption en matière
de douanes et d’impôts. Mais la nomination à des postes de
responsabilité de quelques personnalités à la réputation
entachée par des affaires de corruption jette le doute sur la crédibilité
de sa politique.
PÉROU
La Banque interaméricaine de développement (BID) a donné
son accord, mercredi 10 septembre, à l’octroi d’un crédit
de 135 millions de dollars destinés à la construction du gazoduc
de Camisea, dont 60 % a déjà été réalisé,
malgré les problèmes que le projet soulève en matière
de respect de l’environnement et qui avaient motivé le refus de
la Banque du commerce extérieur des États-Unis (Eximbank), une
semaine plus tôt. Les organisations de la société civile
impliquées dans la lutte contre le projet reprochent aux États-Unis
d’avoir choisi de s’abstenir au lieu de voter contre, ce qui a pu
inciter certains pays à voter en faveur du projet.
VENEZUELA
L’économie vénézuélienne devrait commencer
à sortir de la récession à la fin de l’année,
pour retrouver la croissance en 2004. Le PIB national, d’environ 100 000
millions de dollars, dont le quart est assuré par la production de pétrole,
diminuera de 10 à 11 % cette année, pour augmenter en 2004
de 5 %, selon les prévisions actuelles. Domingo Maza, directeur
de la Banque centrale a cependant mis en garde contre les obstacles que représentent
pour la récupération économique le contrôle des changes
et les faiblesses que montre encore l’industrie pétrolière.
Mercredi 17 septembre, le tribunal chargé du procès des 4 partisans du président Chávez accusés d’avoir ouvert le feu contre une manifestation de l’opposition le 11 avril 2002 les a relevés des accusations qui pesaient contre eux, par manque de preuves.
Le nouveau
Conseil national électoral a refusé, vendredi 12 septembre, la
demande de l’opposition concernant la convocation d’un référendum
révocatoire du mandat présidentiel d’Hugo Chávez
– présentée le 20 août –, considérant
que les 3,2 millions de signatures collectées ne remplissent pas certaines
conditions indispensables : l’en-tête des pétitions ne demandait
pas au Conseil de convoquer un référendum, comme l’exige
la loi, mais déclarait simplement : « Nous, qui signons ci-dessous,
avons décidé de convoquer un référendum… »,
ce qui a été considéré comme une usurpation. La
décision a été prise à 3 voix contre 2. Vendredi
26, le Conseil donnait à connaître le règlement élaboré
pour les demandes de référendum révocatoire, ainsi que
le calendrier à respecter. Le règlement, constitué de 65
articles, a été adopté à l’unanimité
des 5 membres. Les leaders de l’opposition ont annoncé qu’ils
formuleraient leur demande de référendum au plus tard le 29 février
2004, date à laquelle se terminent les 155 jours de démarches
administratives prévues par le Conseil.
Rédaction : Nicolas Pinet.
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