AMÉRIQUE LATINE
Une réunion de l’Organisation des États américains
(OEA) sur le thème « Pauvreté, équité
et inclusion sociale » s’est tenue début octobre sur
l’île de Margarita, au Venezuela. La déclaration finale,
nommée « Déclaration de Margarita », a été
adoptée par les 34 gouvernements du continent (à l’exception
de Cuba qui ne fait pas partie de l’OEA) vendredi 10 octobre. Les signataires
s’engagent à combattre de forme urgente la pauvreté, l’exclusion
sociale et les inégalités, priorité étant accordée
aux groupes les plus vulnérables, les indigènes, les femmes et
les enfants.
Lundi 27
et mardi 28 octobre étaient réunis à Mexico les chanceliers,
ministres de la défense et autres représentants des 34 pays membres
de l’OEA pour discuter des questions de sécurité et de défense
à l’échelle continentale. Le document final, intitulé
« Déclaration sur la sécurité des Amériques
», et souscrit par les 34 pays, élargit considérablement
la définition des menaces à la sécurité –
incluant le terrorisme tout comme l’extrême pauvreté, les
catastrophes naturelles comme les violations des droits humains. Chaque pays
jugera quelles sont les plus importantes et agira en conséquence.
AMÉRIQUE CENTRALE
La huitième ronde de négociations d’un possible traité
de libre échange entre les cinq gouvernements d’Amérique
centrale (Costa Rica, El Salvador, Honduras et Nicaragua), et le gouvernement
états-unien s’est tenue, durant la 4ème semaine d’octobre
à Houston. Les discussions ont abouti sur quelques accords concernant
les investissements mais les résolutions sur les secteurs sensibles comme
l’agriculture et les textiles ont été reportées à
décembre.
ARGENTINE
Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva était
en visite officielle à Buenos Aires à la mi-octobre. Dans un document
opposé au « Consensus de Washington », qui avait
défini la stratégie économique appliquée dans les
années 90 en Amérique latine – intitulé « Consensus
de Buenos Aires » –, Lula et Néstor Kirchner ont réaffirmé
leur volonté de privilégier une croissance économique associée
à l’égalité sociale et de défendre les intérêts
du sud américain (16 octobre). C’est la sixième fois que
les présidents se rencontrent – forums internationaux inclus –
depuis l’arrivée au pouvoir de Néstor Kirchner le 25 mai
2003.
Jeudi 23
octobre, le juge Guillermo López, un des neufs membres de la Cour suprême
de justice, a présenté sa démission, quelques heures avant
que ne débute la commission de Jugement politique de la Chambre des députés,
chargée d’examiner les accusations qui pesaient contre lui et de
demander ensuite au Sénat de le destituer. Lors de ces derniers mois,
il y a déjà eu deux autres démissions et une suspension
au sein des membres de la Cour suprême, accusée de collusion durant
le gouvernement de Carlos Menem (1989-1999).
BOLIVIE
Les mobilisations ont commencé en septembre pour protester contre le
projet de vente de gaz naturel aux États-Unis et au Mexique. Syndicats,
organisations de paysans, et partis de gauche considèrent que les conditions
contractuelles des entreprises chargées de l’exportation sont dommageables
au pays. Ils rejetaient aussi la possibilité que le gouvernement choisisse
un port chilien pour embarquer le combustible, la Bolivie n’ayant plus
d’accès direct à l’océan depuis la Guerre du
Pacifique de 1879 – le littoral bolivien était alors passé
aux mains des Chiliens. Durant les deux premières semaines, le conflit
a pris la forme de blocages de route, et de violents affrontements se produisirent
dans la région occidentale de l’altiplano. La troisième
semaine, le conflit se transféra aux principales villes du pays, les
manifestations dégénérant souvent en affrontements avec
les forces de police. À partir du samedi 11 octobre, les affrontements
paralysent La Paz, la capitale, et la ville voisine, El Alto, provoquant au
moins 70 morts. Vendredi 17, le président Gonzalo Sánchez de Lozada,
politiquement isolé depuis le lundi 13, présente sa démission
dans une lettre envoyée au Congrès national et quitte le pays.
En fin de soirée, le vice-président, Carlos Mesa, qui s’était
désolidarisé le lundi de la politique menée par le président,
prêtait serment devant le Congrès. Le nouveau président,
dans son premier discours devant la chambre, a appelé de ses vœux
une alliance nationale pour restaurer la confiance dans le pouvoir exécutif,
et s’est engagé à convoquer un référendum
pour décider de la question de l’exploitation des ressources naturelles,
comme le réclamaient les manifestants. Depuis lors, le calme semble revenu,
les organisations sociales ayant signé une trêve de 90 jours avec
le gouvernement.
BRÉSIL
L’économie brésilienne montre quelques signes de récupération
: la production industrielle a repris sa croissance, après plusieurs
mois de récession, et l’entrée de capitaux étrangers
a multiplié par 2 l’indice de la Bourse de Sao Paolo durant les
12 derniers mois. Le Risque pays, qui mesure la perception des investisseurs
concernant la capacité d’un État à payer ses dettes
en plaçant des bons sur le marché boursier et se calcule par comparaison
avec les bons à long terme du trésor états-unien dont l’achat
est associé à un « risque zéro »,
a chuté à 600 points, contre plus de 2400 en septembre 2002. La
balance des paiements (qui mesure l’échange de biens et services
et les flux d’investissements) devrait cette année être bénéficiaire,
fait inaccoutumé durant les dernières décennies.
CHILI
La construction de la centrale hydro-électrique de Ralco, sur le fleuve
Bío-Bío, au sud du Chili, aura été semée
d’embûches. Le barrage doit inonder des terrains pehuenches –
un des peuples mapuches – détruisant un écosystème
fluvial unique au monde. Le projet a rencontré l’opposition de
groupes écologistes, dénonçant les irrégularités
de la procédure d’autorisation et de quelques-unes des familles
pehuenches résidentes qui avaient refusé de vendre leurs terres.
Un accord a finalement été passé entre les 4 dernières
femmes qui refusaient de quitter leurs terres, le gouvernement chilien et la
multinationale électrique Endesa-España, lundi 16 septembre. Les
4 femmes recevront en compensation plus d’un million de dollars US. La
centrale, dont le projet a été initié en 1992, devrait
commencer à fonctionner en 2004.
Un autre
scandale, de pédophilie cette fois, est venu secouer une nouvelle fois
la classe politique chilienne. Claudio Spiniak, riche chef d’entreprise,
avait été arrêté en décembre 2002 après
que la police découvre de la drogue chez lui. Mais la police décida
de ne pas le poursuivre, et il fut remis en liberté. Fin septembre, Spiniak
fut de nouveau détenu, après qu’un enfant a informé
la police de recrutements d’enfants destinés à des fêtes
organisées par le chef d’entreprise, commençant ainsi à
mettre à jour un puissant réseau de pédophilie. Ont été
récemment compromis dans l’affaire deux sénateurs de la
UDI (Union démocrate indépendante), parti créé par
Jaime Guzmán, et ancien soutien politique du général Pinochet,
ce qui a provoqué une forte réaction, le président du parti
dénonçant un complot visant à discréditer la force
politique et son candidat présidentiel aux élections de décembre
2005, Joaquín Lavín.
COLOMBIE
En juillet, le gouvernement du président Alvaro Uribe est arrivé
à un accord avec les paramilitaires, prévoyant la démobilisation,
d’ici au 31 décembre 2005, de 9 blocs des Autodéfenses unies
de Colombie (AUC), soit environ 90 % du total. Mais le chef du bloc Metro,
dans une lettre envoyée à Alvaro Uribe et datée du 19 septembre,
a fait part de sa volonté de participer à une table de dialogue
« différente de celle du narcotrafic ». Ce bloc
a pris l’an dernier ses distances vis-à-vis du reste des AUC, reprochant
aux autres groupes leurs liens avec le trafic de drogue. Alors que quelque 800
paramilitaires préparent leur démobilisation, des membres des
blocs Central Bolivar et Cacique Nutivara, qui participent au processus de démobilisation,
ont initié à la mi-septembre des affrontements avec des membres
du bloc Metro, la force publique n’étant intervenu qu’après
10 jours de combats, causant de nouveaux déplacements de population.
Samedi 25
octobre, les Colombiens devaient s’exprimer par référendum
sur une série de réformes fiscales et politiques proposées
par le président Uribe. L’opposition politique et sociale avait
appelé à s’abstenir, les forces gouvernementales présentant
elles le référendum comme un plébiscite autour de la figure
du président et de son programme de gouvernement. De quasi 25 millions
de colombiens habilités à voter, seuls 6 millions le firent, et
des 15 questions soumises à référendum, aucune n’atteint
les 25 % de l’électorat nécessaires à sa validité.
Aux élections locales du dimanche 26, destinées à élire
gouverneurs, maires, conseillers municipaux et députés, des candidats
de gauche ont été élus aux postes de maires des quatre
principales villes du pays (Bogotá, avec l’élection de Lucho
Garzón, Medellín, Cali et Barranquilla). L’opposition espère
que ces revers politiques inciteront le président à adoucir sa
politique.
CUBA
Dans un communiqué diffusé jeudi 2 octobre, le Ministère
des relations extérieures a fait savoir que, à partir du 1er semestre
2004, les cubains résidant à l’extérieur et disposant
d’un passeport cubain valide pourront désormais entrer à
Cuba sans avoir besoin de demander un visa, simplifiant ainsi les procédures
jusqu’ici nécessaires. La mesure ne s’appliquera pas à
la liste noire de personnes dont les activités sont considérées
contraires aux intérêts du pays.
Samedi 27 septembre, durant la visite du président brésilien Lula dans l’île fut organisé un forum d’entreprises Brésil-Cuba. Les responsables d’entreprises cubains et brésiliens signèrent en cette occasion 6 accords concernant notamment la biotechnologie, le tourisme, la production d’alcool combustible, les finances et le transport, et représentant un volume potentiel d’échanges de 200 millions de dollars.
Jeudi 23
octobre, le sénat états-unien a voté, par 59 voix contre
36, en faveur de la levée de l’interdiction de voyage à
Cuba. La résolution, qui va contre les intentions déclarées
du président Bush, a été votée par 19 sénateurs
républicains, le parti du président, et fait suite à une
résolution similaire, votée par la Chambre des représentants
le 9 septembre. Reste à savoir si l’exécutif fera usage
de son pouvoir de veto, comme il a menacé de le faire une fois connu
le résultat de la votation.
ÉQUATEUR
Après neuf ans de conflit judiciaire dans les tribunaux états-uniens,
le litige présenté par des communautés indigènes
équatoriennes accusant l’entreprise pétrolière ChevronTexaco
de graves dégâts environnementaux lors de son exploitation (1967-1990)
des gisements situés dans les provinces de Sucumbíos et Orellana,
au nord-est du pays, a été transféré à la
Cour supérieure de justice de la ville de Nueva Loja, au nord du pays.
Le 7 mai, le président du tribunal a accepté la plainte et devant
l’échec d’une tentative de conciliation, le tribunal a commencé
à entendre les deux partis depuis le 21 octobre. L’accusation,
chargé de représenter 30 000 paysans et indigènes, réclame
une compensation d'un milliard de dollars et l’élimination de 600
décharges de déchets pétroliers.
GUATEMALA
Le 9 novembre auront lieu de manière concomitante le premier tour de
l’élection présidentielle, les élections parlementaires
et municipales. La campagne, dominée par les partis de droite, se déroule
dans des conditions de violence et d’incertitude. Un des facteurs d’agitation
est la candidature du général Efraín Ríos Montt,
ancien dictateur (1982-1983) accusé de violations des droits humains,
et appuyé par le parti conservateur actuellement au pouvoir, le Front
Republicain guatémaltèque (FRG). La Grande alliance nationale
(GANA), intégrée par le Parti patriotique, le Mouvement révolutionnaire
et le Parti de solidarité nationale, trois partis de droite, et son candidat,
Oscar Berger, avocat et chef d’entreprise de 56 ans, sont donnés
favoris. Dans la dernière enquête de l’institut de sondages
Vox Latina, Berger terminait premier, avec 38 % des consultés, suivi
de Alvaro Colom, candidat de l’Union nationale de l’espoir, de centre
droit, avec 18 %, et de Ríos Montt, avec 11,4 %. Le deuxième
tour, qui doit se réaliser le 28 décembre, devrait donc opposer
Berger et Colom. Le vainqueur prendra ses fonctions le 14 janvier 2004, pour
4 ans, succédant à Alfonso Portillo, le président actuel.
PARAGUAY
Le scandale déclenché autour d’une contrebande de disques
et du blocage de l’enquête par de hauts fonctionnaires a motivé
la destitution par le président Nicanor Duarte Frutos, en poste depuis
deux mois, du ministre de l’intérieur, de l’Administrateur
national des douanes et du chef de la Police nationale. C’est la première
crise qu’affronte le nouveau gouvernement, qui a déclaré
vouloir faire de la lutte contre la corruption une de ses priorités.
Selon un classement réalisé par l’organisme Transparence
internationale, le Paraguay est le 4ème pays le plus corrompu du monde,
après le Bangladesh, le Nigeria et Haïti. Lundi 27 octobre, deux
juges de la Cour suprême de justice ont présenté leur démission,
pour éviter d’être soumis à la procédure de
jugement politique qui se prépare contre 6 des 9 juges de la Cour, après
avoir été approuvée vendredi 24 par le parlement.
La justice
paraguayenne a délivré, jeudi 16 octobre, un ordre de capture
internationale à l’encontre de l’ancien dictateur Alfredo
Stroessner (1954-1989), âgé de 90 ans et réfugié
au Brésil, et de son ancien ministre de l’intérieur, Sabino
Montanaro, réfugié au Honduras.
VENEZUELA
Les medias communautaires recevront en 2004 3,1 millions de dollars du gouvernement
d’Hugo Chávez, qui cherche à en faire une alternative à
la presse, la radio et la télévision commerciales. Les fonds seront
notamment affectés à la création d’une agence d’information
destinée exclusivement au secteur, et à l’installation d’une
plateforme technologique de transmission par satellite à disposition
des médias communautaires. L’opposition considère les médias
communautaires comme un bastion chaviste.
Après le programme Mercal, qui prévoyaient l’ouverture de plus de 100 centres de distribution d’aliments à prix réduits, le programme Barrio Adentro, qui a recruté des centaines de médecins cubains pour travailler dans les communautés pauvres de Caracas, et Robinson, un programme d’alphabétisation massive, a été lancé en octobre la Mission Sucre, plan d’accès massif à l’université. Le plan prévoit l’accès à l’université dans les 15 mois à venir de quelque 500 000 diplômés du secondaire qui n’ont pu accéder à l’éducation supérieure par faute de places. Le problème évoqué dans les milieux universitaires est de savoir si la qualité pourra aller de pair avec l’augmentation des effectifs.
Le Conseil
national électoral a fixé, mercredi 15 octobre, le délai
de recollection des 2,4 millions de signatures nécessaires à la
convocation d’un référendum révocatoire du mandat
présidentiel. Les signatures seront donc collectées du 28 novembre
au 1er décembre, le Conseil national disposant alors de 30 à 60
jours pour valider les signatures et de 60 jours de plus pour organiser le scrutin,
qui aurait lieu, si un nombre suffisant de signatures est collecté, à
la fin mars ou en avril 2004. Une procédure similaire sera aussi organisée,
comme le permet la Constitution, pour la révocation éventuelle
d’une petite moitié des parlementaires.
Rédaction : Nicolas Pinet.
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