AMÉRIQUE LATINE
La réunion de négociation de l’ALCA (Aire de libre commerce
des Amériques), en français ZLEA (Zone de libre-échange
des Amériques) qui a eu lieu début février à Puebla,
une ville du sud du Mexique, s’est achevée sans résultats.
Les discussions ont vu apparaître deux groupes opposés. D’un
côté, le groupe des 14 (G-14), mené par les États-Unis
et composé des pays d’Amérique du Nord et d’Amérique
centrale, du Chili, de la Colombie, de l’Équateur et du Pérou,
et de l’autre, les pays du Mercosur, l’Argentine, le Brésil
le Paraguay et l’Uruguay. Les négociateurs états-uniens
conditionnent l’ouverture de leur marché aux produits du Mercosur
à l’acceptation par ce groupe de pays d’une certaine ouverture
en ce qui concerne les services, les achats gouvernementaux, les investissements
et la propriété intellectuelle. Mais ils refusent d’inclure
les subventions agricoles et les règles antidumping (concurrence déloyale)
dans les négociations régionales, acceptant seulement de les négocier
dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette restriction
est dénoncée par les pays du Mercosur.
Le douzième
sommet du Groupe des 15, créé en 1989 pour favoriser la coopération
horizontale Sud-Sud, et composé désormais de 19 pays en voie de
développement (Algérie, Argentine, Brésil, Colombie, Chili,
Égypte, Inde, Indonésie, Iran, Jamaïque, Kenya, Malaisie,
Mexique, Nigeria, Pérou, Sri Lanka, Sénégal, Venezuela
et Zimbabwe) s’est tenu fin février à Caracas, la capitale
du Venezuela. Une manifestation des forces de l’opposition, qui réclament
la révocation du président Chávez, chercha à atteindre
le lieu de réunion et se heurta à la Garde nationale, donnant
lieu à de violents affrontements vendredi 27 février. Les discussions
ont porté en priorité sur des projets de coopération énergétique,
le Sud détenant une grande partie des ressources dans ce domaine, ce
qui peut constituer un argument de poids dans les négociations avec les
pays du Nord.
ARGENTINE
Le chancelier (ministre des affaires étrangères) cubain Felipe
Pérez Roque était en visite officielle en Argentine, fin février.
Le chancelier fut reçu jeudi 26 par le président Néstor
Kirchner et son chancelier Rafael Bielsa, qu’il avait déjà
rencontré la veille. Ces réunions ont surtout porté sur
l’amélioration des échanges commerciaux entre les deux pays.
La dette de Cuba avec l’Argentine, l’intégration de l’Amérique
latine et les problèmes de droits humains sont d’autres questions
qui ont été évoquées. Après une période
de tension dans les années 90, les deux pays ont désormais retrouvé
de bonnes relations. À la différence du gouvernement uruguayen
de Jorge Battle, qui a précisé qu’il condamnerait Cuba lors
du vote de la Commission des droits humains de l’ONU, qui commencera sa
session annuelle mi-avril à Genève, le gouvernement argentin a
fait savoir qu’il ne voterait pas la condamnation. Au-delà des
questions de droits humains, le vote au sein de la Commission de l’ONU
demeure un indicateur clair des relations entre les pays d’Amérique
latine et Cuba d’une part, et avec les États-unis, d’autre
part.
BOLIVIE
Vendredi 20 février, le président Carlos Mesa annonçait
la promulgation d’une nouvelle Constitution. Celle-ci met fin au monopole
des partis, seuls autorisés jusqu’à présent à
présenter des candidats et permettra aux groupes de la société
civile et aux peuples originaires de présenter eux aussi des candidats.
En décembre auront lieu les élections municipales.
BRÉSIL
Le gouvernement du président Luiz Inácio Lula da Silva est confronté
à une grave crise après la publication d’un reportage révélant
l’obtention illégale de financements durant les campagnes électorales
de 2002. Waldomiro Diniz, sous-secrétaire aux affaires parlementaires
du ministère de Coordination politique, impliqué dans le scandale,
a dû remettre sa démission, vendredi 13 février. Ce dernier
avait été, lors des négociations avec des parlementaires
durant l’année 2002, le conseiller de confiance de José
Dirceu, ministre chef de la Maison civile de la Présidence (l’équivalent
brésilien du premier ministre), et bras droit de Lula. Le ministre chef
de la Maison civile subit lui aussi de fortes pressions, mais le président
a décidé de le maintenir à son poste. Le scandale vient
entacher la réputation du Parti des travailleurs (PT), qui a toujours
revendiqué son intégrité. Il risque aussi d’accentuer
la perte de cohésion du parti, les divisions de la majorité, et
de renforcer l’opposition croissante à la gestion économique
du gouvernement. Le Sénat s’apprête à créer,
contre la volonté du PT, une Commission parlementaire d’investigations
(CPI) sur les bingos (« casinos » consacrés à un type
de loterie), ce qui pourrait contribuer à amplifier le scandale : l’affaire
impliquant Waldomiro Diniz serait en effet le premier cas analysé.
CHILI
Le parlement sud-coréen a ratifié, lundi 16 février, le
traité de commerce avec le Chili, souscrit par les deux gouvernements
le 15 février 2003. Le parlement chilien avait fait de même en
janvier. Le traité entrera en vigueur le premier avril, et prévoit
une ouverture progressive des marchés d’ici à 5 ans. C’est
le premier accord entre un pays latino-américain et un pays asiatique.
Le gouvernement chilien projette d’étendre cette ouverture vers
l’Asie en négociant avec d’autres pays d’Extrême
Orient.
COLOMBIE
Le président colombien, Alvaro Uribe, était en visite officielle
dans l’Union européenne à la mi-février. Divers groupes
de la société civile, des syndicats notamment – dénonçant
le fait que durant la seule année 2003, 72 activistes syndicaux colombiens
ont été assassinés, sans que les coupables n’aient
été jugés –, ainsi que plusieurs dizaines de parlementaires
européens ont exprimé leurs critiques et leur préoccupation
concernant la situation des droits humains en Colombie. Il a cependant obtenu
le soutien des hauts fonctionnaires européens.
CUBA
Une nouvelle proposition de changements économiques et politiques
s’est ajoutée, début février, au programme pour la
transition lancé il y a deux mois par le dissident Oswaldo Payá,
du Mouvement chrétien Libération. Le document de 13 pages, intitulé
Programme pour commencer à résoudre les graves problèmes
de la société cubaine a été rendu public par l’organisation
Todos Unidos (Tous unis) et son porte-parole, Vladimiro Roca. Le programme est
issu d’un processus de consultation populaire, réalisé entre
décembre 2002 et août 2003 par les groupes de Todos Unidos. Les
propositions avancées s’appuient sur la constitution et vont de
l’augmentation progressive des salaires, des retraites et des pensions
à l’abolition de la peine de mort et à la libération
de tous les prisonniers politiques.
HAÏTI
Dimanche 29 février, le président haïtien Jean-Bertrand Aristide
démissionnait et quittait son pays vers l’Afrique, après
plusieurs semaines d’affrontements ayant provoqué plus de 80 morts
et devant l’avancée des rebelles cherchant à prendre le
pouvoir. Le Front révolutionnaire de libération nationale a continué
son avancée atteignant Puerto Principe lundi 1er mars. Les rebelles sont
d’anciens membres de l’armée qui avait réalisé
en 1991 un coup d’État sanglant contre Aristide. La Communauté
du Caraïbe (Caricom) s’est réuni mardi 2 mars lors d’un
sommet d’urgence pour analyser la situation.
MEXIQUE
Miguel Nazar, ancien directeur de la Direction fédérale de sécurité
– aujourd’hui disparue – durant les années 70 et 80,
a été arrêté mercredi 18 février et emprisonné.
C’est le premier directeur de la sécurité de l’histoire
mexicaine à être détenu pour sa responsabilité présumée
dans la répression illégale exercée contre les opposants
– la « guerre sale » des années 70 et 80 avait fait
disparaître 532 opposants.
Marta Sahagún,
la femme très populaire du président actuel Vicente Fox, déploie
une intense activité dans tout le pays, avec à long terme un projet
de candidature présidentielle en 2006. Les parlementaires s’inquiètent
du manque d’équité que représenterait une candidature
de l’actuelle femme du président : par sa situation, celle-ci dispose
d’une visibilité difficilement égalable.
NICARAGUA
Les ethnies indigènes dont les territoires sont concernés voient
avec préoccupation l’avancée des négociations entre
le gouvernement et quatre compagnies pétrolières états-uniennes
sur la concession pour 5 ans de 25 000 kilomètres carrés de terre
et de mer. Actuellement, seuls le Guatemala et Panama exploitent des gisements
de pétrole et de gaz naturel en Amérique centrale. L’ouverture
du pays à des compagnies pétrolières fut interrompue en
1979 après la révolution sandiniste. Elle a repris en juillet
2002 sous l’impulsion du président Enrique Bolaños. Les
communautés indigènes craignent de se voir restreindre l’accès
à leurs zones de pêche traditionnelles et doutent que le gouvernement
ait les moyens nécessaires pour contrôler les compagnies pétrolières
et les obliger à préserver l’environnement.
PÉROU
Le président péruvien Alejandro Toledo s’efforce de lutter
contre les menaces que représentent pour la suite de son mandat les scandales
de corruption et le mécontentement populaire croissant. À la mi-février,
après que Fernando Olivera, le leader du Front indépendant moralisateur
(FIM), qui participe de la coalition gouvernementale, a dû reconnaître
devant une commission parlementaire qu’il a été en contact
avec le réseau de corruption de Vladimiro Montesinos, l’ancien
conseiller d’Alberto Fujimori (1990-2000), le président a décidé
de former un nouveau gouvernement d’union, sans le FIM. Mais les principaux
partis d’opposition, le Parti apriste péruvien et Action populaire
ont refusé de participer au gouvernement et réclament des élections
anticipées.
VENEZUELA
Depuis le 27 février, des barricades ont été élevées
dans une douzaine de quartiers de classe moyenne de Caracas ainsi que dans certaines
villes de province, et les opposants au président Chávez s’affrontent
avec violence aux forces de l’ordre déployées par le gouvernement.
Les manifestants protestent contre la décision du Conseil national électoral
(CNE) : par trois voix contre deux, ce dernier a choisi, mercredi 25 février,
de placer en observation plusieurs centaines de milliers de signatures présentées
en décembre par l’opposition pour demander un référendum
sur le mandat présidentiel. Le CNE exprime des doutes quant à
l’authenticité de ces signatures et donnera aux électeurs
la possibilité de confirmer durant le mois de mars s’ils ont signé
ou non. Une marche « de défense des signatures » a réuni
des milliers d’opposants vendredi 27 février à Caracas,
certains d’entre eux cherchant à pénétrer le périmètre
de sécurité autour de la Conférence du Groupe des 15, s’affrontant
à la Garde nationale. Dimanche 29, le président Chávez
a réuni sur l’autoroute principale de Caracas quelque 150 000 partisans,
venus des différentes régions du pays et affirmé son intention
d’utiliser la fermeté. Le CNE cherche une issue à la crise,
sur la base des propositions présentées par l’Organisation
des États américains (OEA) et le Centre Carter.
Rédaction : Nicolas Pinet.
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