MERCOSUR
Début mars, des représentants de 12 des 34 pays futurs membres
potentiels de l’ALCA (ou ZLÉA en français, Zone de libre-échange
des Amériques) étaient réunis à Buenos Aires pour
commencer à évoquer les thèmes qu’abordera la réunion
de ministres prévue alors pour la mi-mars à Puebla (Mexique) mais
qui aura finalement lieu en avril. La réunion s’est terminée
sans grandes avancées. Les États-Unis refusent d’éliminer
leurs subventions agricoles ou d’envisager un mécanisme de compensation
et les pays latino-américains refusent de supprimer les discriminations
qui existent sur le marché des offres de licitation ou de privatisations
contre les entreprises étrangères, notamment états-uniennes.
Dans le même temps, une réunion entre délégués
du Mercosur (composé de l’Argentine, du Brésil, de l’Uruguay
et du Paraguay) et de l’Union européenne a mis en place une série
de mécanismes destinés à améliorer l’accès
aux marchés des deux blocs dans le mois qui vient, avec l’objectif
d’arriver à un accord en mai, lors du Sommet de l’Union européenne
et de l’Amérique latine qui se tiendra à Guadalajara, au
Mexique.
ARGENTINE
Le gouvernement argentin a conclu, mardi 9 mars, un nouvel accord avec le FMI
(Fonds monétaire international) concernant les modalités de négociation
de la dette du pays auprès de bailleurs de fonds privés, et payé
les 3 milliards de dollars dont le paiement était attendu au plus tard
ce même jour. Refusant les nouvelles conditions imposées par le
FMI, que ne mentionnait pas l’accord précédent (septembre
2003), et qui octroyaient de clairs avantages aux créanciers privés
pour les négociations à venir, le gouvernement a retardé
jusqu’au dernier moment le paiement de sa dette et fait pression avec
succès sur l’organisme financier international.
La « Déclaration sur la coopération pour la croissance économique équitable », signée par les présidents argentin et brésilien lors d’une réunion de travail mardi 16 mars à Rio de Janeiro, affirme la position commune des deux pays face aux exigences des organismes multilatéraux de crédit – ils acceptent par exemple le principe de l’équilibre budgétaire à condition que cela n’entrave pas la croissance économique. La déclaration n’est cependant pas allée aussi loin que l’aurait souhaité le président argentin.
Vendredi 19 mars, le juge fédéral Rodolfo Canicoba Corral a déclaré anticonstitutionnels deux des 10 décrets de grâce présidentielle signés en 1989 et 1990 par le président d’alors, Carlos Menem (1989-1999) au bénéfice de centaines de militaires. Les décrets annulés concernent 6 militaires dont 3 sont déjà morts et 2 autres déjà détenus dans le cadre du procès sur la disparition d’enfants nés en captivité. Le sixième a fait l’objet d’un ordre d’arrestation.
Le 28ème
anniversaire du coup d’État de 1976 a été l’occasion
pour le président Néstor Kirchner de réaliser quelques
gestes forts. Mercredi 24 mars, lors d’une cérémonie au
sein du Collège militaire, le président ordonnait au chef d’état-major,
le général Roberto Bendini, de retirer les portraits des anciens
dictateurs Jorge Rafael Videla et Reynaldo Bignone de la galerie de portraits
des anciens directeurs du Collège. Il se dirigea alors vers l’École
de mécanique de la marine (ESMA), qui fut le plus grand centre clandestin
de détention durant la dictature, et remit le terrain de 19 hectares,
situé dans Buenos Aires, aux organisations de droits humains qui y installeront
un Espace pour la mémoire et la promotion des droits humains. À
cette occasion, il demanda « pardon au nom de l’État
national argentin pour avoir gardé le silence durant 20 ans de démocratie
devant de telles atrocités ».
BOLIVIE
Le projet de Loi des hydrocarbures, préparé début mars
par le gouvernement du président Carlos Mesa, prévoit la création
d’un impôt complémentaire sur les hydrocarbures (ICH) de
32%. Joint aux 18% d’impôts déjà existants, le nouvel
impôt permettrait à l’État de percevoir 50% des bénéfices
de l’exploitation du pétrole et du gaz naturel. La mesure vise
à atténuer les revendications exigeant la nationalisation des
gisements actuellement exploités par des multinationales. Ces dernières
ont menacé de quitter le pays si la mesure était adoptée
et, dans l’expectative, ont réduit drastiquement leurs investissements.
Face aux
difficultés multiples auxquelles il est confronté, le gouvernement
de Carlos Mesa a appelé de ses vœux la formation d’un pacte
social. Mais il n’a obtenu le soutien que du Mouvement nationaliste révolutionnaire
(MNR) et du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR) – partis
au pouvoir durant les dernières décennies. La Nouvelle force républicaine
et le Mouvement vers le socialisme (MAS), qui avait appuyé le gouvernement
durant les 4 premiers mois, sont désormais dans l’opposition. Le
gouvernement doit notamment prendre des mesures pour diminuer le déficit
fiscal, qui a atteint 8,9% du Produit intérieur brut (PIB) en 2003.
BRÉSIL
Après le départ du président haïtien Jean-Bertrand
Aristide, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé
d’envoyer sur place une force multinationale pour maintenir l’ordre
et assurer la transition pendant 3 mois. Le Brésil a décidé
d’envoyer des troupes pour participer à la « force de
stabilisation » de l’ONU, la revendication brésilienne d’un
siège permanent au Conseil de sécurité n’allant pas
sans une participation accrue aux affaires internationales.
Un Plan d’action pour la prévention et le contrôle de la déforestation en Amazonie a été annoncé par le gouvernement, lundi 15 mars, et publié mardi 16. Ce Plan, de 156 pages, cherche à lutter contre les principaux facteurs de la déforestation accélérée de l’Amazonie – en août 2002, 15,7% de la superficie forestière initiale avait déjà été privée de sa végétation. Des groupes de défense de l’environnement coïncident avec le diagnostic proposé par le Plan, tout en déplorant un manque d’efficacité des solutions envisagées.
Joenia Batista
de Carvalho, première avocate indigène brésilienne et représentante
du Conseil indigène de Roraima (CIR) a déposé, lundi 29
mars, une plainte contre le gouvernement brésilien devant la Commission
des droits humains de l’Organisation des États américains
(OEA). La porte-parole des communautés indigènes de la réserve
Raposa Sierra do Sol, située dans l’État septentrional de
Roraima, à la frontière du Venezuela et de la Guyane, reproche
au gouvernement brésilien de n’avoir toujours pas homologué
la réserve malgré ses promesses répétées
de le faire.
CHILI
La décision du président, Ricardo Lagos, d’envoyer des troupes
pour participer à la force multinationale de paix en Haïti a finalement
été ratifiée par le Sénat, par 34 voix contre 11,
après 4 heures de débat. La décision a été
fortement critiquée des deux côtés de l’échiquier
politique pour des raisons à la fois politiques – volonté
de distanciation vis-à-vis d’une « démission
» peu claire – et constitutionnelles – divers sénateurs
ont déploré la façon dont le président a imposé
une décision prise de manière unilatérale et rappelé
que le chef d’État ne peut envoyer de troupes à l’extérieur
sans autorisation législative.
COLOMBIE
Fin mars, la reprise de violents combats entre guérilleros des FARC (Forces
armées révolutionnaires de Colombie) et paramilitaires dans le
département du Chocó, à la frontière avec le Panama
a contraint plus de 1200 indigènes emberá à quitter leur
lieu de vie.
CUBA
Le gouvernement de George W. Bush semble avoir opté, à quelques
mois des élections présidentielles (novembre 2004), pour une opposition
ouverte et sur tous les fronts avec le pays voisin, cherchant ainsi à
obtenir le soutien électoral de la communauté cubaine anticastriste
exilée à Miami. Le chanteur cubain Carlos Varela a dû annuler
sa seconde tournée de concerts aux États-Unis, prévue ce
mois-ci, après s’être vu refusé le visa d’entrée.
La communauté cubaine de Miami lui reproche d’être allé
chanter au « Venezuela d’Hugo Chávez ».
Un groupe
de dissidents modérés a commencé début mars à
recueillir des signatures pour une pétition réclamant un moratoire
dans les exécutions des condamnations à mort. Les opposants considèrent
la pétition comme une première étape vers l’abolition
de la peine de mort.
HAÏTI
Le 29 février, le président haïtien Jean-Bertrand Aristide
quittait son pays vers Bangui, capitale du Centrafrique dans des circonstances
peu claires. Avant de quitter Bangui pour Kingston, la capitale de la Jamaïque,
l’ancien président a fait déposer une plainte devant un
tribunal français, accusant les gouvernements états-uniens et
français de l’avoir forcé à l’exil dans une
sorte de coup d’État feutré. Le premier ministre jamaïquain,
Percival Patterson a justifié sa décision d’accueil par
des raisons humanitaires : l’ancien président haïtien pourra
se réunir avec sa famille et décider avec elle de leur futur lieu
de séjour. Le premier ministre intérimaire haïtien, Gérard
Latortue, a rappelé son ambassadeur à Kingston et annoncé
qu’il allait reconsidérer sa relation avec la Communauté
des Caraïbes (Caricom) dont son pays est l’un des 15 membres.
Le nouveau premier ministre haïtien bénéficie du soutien des États-Unis, mais sa décision de n’inclure dans le gouvernement aucun membre du parti Lavalas, considéré comme le principal parti politique du pays – c’était aussi le parti de l’ancien président –, restreint considérablement sa base de soutien dans le pays.
La Caricom
a réclamé de manière réitérée que
l’ONU réalise une enquête indépendante sur les conditions
du départ de l’ancien président Aristide. L’ONU a
fait savoir qu’elle était disposée à le faire si
elle recevait une demande formelle allant en ce sens. Les États-Unis
et la France font de leur côté pression sur la Caricom pour éviter
que celle-ci ne présente la demande.
MEXIQUE
Le Parti de la révolution démocratique (PRD), situé à
gauche de l’échiquier politique mexicain, est confronté
à une grave crise interne après la diffusion de cassettes vidéo
montrant des dirigeants et des fonctionnaires du PRD dans des situations compromettantes.
Accusés de corruption par les autres membres du parti, Rosario Robles,
ancienne présidente du PRD (2001-2003) et Raúl Sosamontes, ancien
membre de son comité exécutif national, ont présenté,
mercredi 10 mars, leur démission au parti. L’actuel maire de la
capitale, Andrés López Obrador, membre très populaire du
PRD qui revendique depuis toujours une honnêteté exemplaire, a
vu son image ternie par des accusations de corruption touchant quelques-uns
de ses proches collaborateurs. Le maire a dénoncé une conspiration
du gouvernement destinée à mettre fin à ses aspirations
à la candidature présidentielle et déclaré qu’il
ferait tout pour démontrer qu’il n’a commis aucune irrégularité.
EL SALVADOR
Les élections présidentielles du dimanche 21 mars ont vu la victoire
de Elías Antonio Saca, candidat de l’Alliance républicaine
nationale (Arena), parti actuellement au pouvoir par 57% des voix contre 35%
pour Schafik Handal, du Front Farabundo Marti pour la libération nationale
(FMLN). L’alliance du Centre démocratique uni et du Parti démocrate
chrétien a réuni 3,6% des voix autour de son candidat, Hector
Silva, et le Parti de conciliation nationale (PCN) a obtenu 3,5% des voix. La
réactivation de l’économie sera un des premiers problèmes
du gouvernement, qui prendra ses fonctions le 1er juin. L’approbation
du Traité de libre-échange entre 5 pays d’Amérique
centrale et les États-Unis, qui devrait être débattue à
partir d’avril au sein du Congrès législatif devrait donner
lieu à une intense bataille politique : le FMLN, qui dispose de 31 des
84 sièges, menace de bloquer la ratification de l’accord. L’Arena
dispose de 27 sièges et le Parti de conciliation nationale de 15.
VENEZUELA
Mardi 2 mars, le Conseil national électoral (CNE) a annoncé dans
un rapport préliminaire, que des 3 086 013 signatures présentées
par l’opposition, 1 832 493 ont été considérées
comme valides et 1 109 590 ont été mises en observation et devront
être soumises à un processus de ratification. L’opposition
devra donc ratifier 603 590 signatures pour obtenir les 20% des inscrits nécessaires
à la convocation d’un référendum révocatoire.
Le processus de réparation devait être organisé, fin mars,
dans plus de 2000 centres répartis dans tout le pays, sous contrôle
d’observateurs envoyés par l’Organisation des États
américains (OEA) et le Centre Carter pour la paix.
Mercredi 3 mars, après plusieurs jours de manifestations, de blocages de rues et d’affrontements entre la Garde nationale et les opposants au président Chávez, qui manifestèrent d’abord pour faire pression sur le Conseil national électoral puis pour protester contre sa décision d’invalider une partie des signatures, les troubles ont progressivement cessé. Les affrontements ont provoqué au moins 7 morts, des dizaines de blessés et des centaines de détenus.
La Salle électorale du Tribunal suprême de justice a accepté, lundi 15 mars, un recours de protection présenté par la coalition de l’opposition, et annulé la décision du CNE concernant les signatures. Mais les partisans d’Hugo Chávez firent immédiatement appel de la décision devant la Salle constitutionnelle du même tribunal. Cette dernière, par 3 votes sur 5, ordonna alors de suspendre la décision de la Salle électorale, réclamant la remise immédiate du dossier d’instruction.
La préparation
des élections régionales et municipales prévues pour le
1er août semble constituer un intermède dans les revendications
de l’opposition en faveur du référendum. Mardi 23 mars,
les candidats de l’opposition pour les 23 gouvernements des États
et les 335 mairies du pays ont concouru aux bureaux du CNE pour s’y inscrire,
après que les candidats de la majorité actuelle ont fait de même
les jours précédents. L’opposition est divisée quant
à l’attitude à tenir vis-à-vis de ces échéances,
et considère que sa participation fait le jeu de la majorité en
donnant l’apparence d’une démocratie qui fonctionne.
Rédaction : Nicolas Pinet.
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