AMÉRIQUE
LATINE
Une étude d’un
journaliste uruguayen, Julio Scavino, consultant de l’Observatoire des
ressources humaines de l’Organisation panaméricaine de la santé
(OPS) fait apparaître que médecins et fonctionnaires du système
de santé public de la Bolivie, du Chili, de l’Équateur,
d’El Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua, du Panama, du
Pérou, de la République dominicaine et de l’Uruguay ont
organisé quelque 37 grèves nationales d’une durée
comprise entre 24 heures et 9 mois. Les grèves furent entreprises pour
protester contre les réductions budgétaires et les réformes
du secteur impulsées par les gouvernements, ainsi que pour demander le
maintien des effectifs de fonctionnaires et la reconnaissance des centrales
syndicales.
Une réunion
informelle de négociation de l’ALCA (Accord de libre-échange
des Amériques, ZLEA pour son sigle en Français) qui s’est
tenue début avril à Buenos Aires s’est terminée une
nouvelle fois sur un échec. Le blocage est dû, comme dans les réunions
précédentes, au refus des Etats-Unis de supprimer définitivement
les subventions à ses producteurs agricoles, comme l’exige le Mercosur
(Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay). La réunion de Puebla,
déjà ajournée une fois, a été cette fois
reportée sine die.
MERCOSUR
La réduction des exportations de gaz argentin vers le Chili et l’Uruguay
est source de tensions entre les pays. L’Uruguay a réagi en décidant
d’acheter de l’électricité à son voisin brésilien,
mais le gouvernement chilien ne dispose pas de solutions évidentes. L’importation
du gaz argentin constituait plus du quart de la génération d’électricité
au Chili et sa réduction soudaine pose un grave problème au gouvernement,
qui a protesté en demandant, sans succès, à son homologue
argentin de respecter l’accord bilatéral d’intégration
énergétique signé en 1995 qui prévoit l’approvisionnement
du pays voisin à priorité égale avec celui du marché
argentin. La Bolivie, autre grand exportateur de gaz naturel ne peut constituer
une option pour le Chili, du fait des tensions actuelles autour de la revendication
bolivienne de la restitution d’un accès à la mer, perdu
il y a 120 ans, lors de la Guerre du Pacifique.
L’accord préliminaire de libre-échange conclu samedi 3 avril à Buenos Aires, entre les pays du Mercosur et trois pays de la Communauté andine des nations (CAN) – la Colombie, l’Equateur et le Venezuela – devrait être adopté sous sa forme définitive en juillet. Il complètera l'intégration commerciale de la majeure partie des pays d'Amérique du Sud, formant un bloc de 350 millions d’habitants. Les deux autres membres de la CAN, la Bolivie et le Pérou, s'étaient déjà associés au Mercosur, tout comme le Chili.
L’Union
européenne a proposé au Mercosur, vendredi 16 avril, l’octroi
de dégrèvements douaniers sur la viande bovine, le sucre et les
céréales du bloc, en échange d’une absence de remise
en question de sa politique de protection agricole (subventions et barrières
douanières). Si le Mercosur acceptait la proposition, cela affaiblirait
durablement le front des 20 pays qui s'étaient opposés à
la politique de subventions agricoles des pays du Nord durant le sommet de l’OMC
à Cancún.
ARGENTINE
Le juge fédéral Jorge Urso, chargé de l’instruction
de l’affaire Carlos Menem, l’ancien président (1989-1999)
accusé d’appropriation indue de fonds de l’État, a
émis, lundi 21 avril, un ordre international d’arrêt contre
ce dernier, qui réside actuellement au Chili en compagnie de sa femme,
chilienne, Cecilia Bolocco, et a refusé de répondre à plusieurs
convocations. Le gouvernement argentin a remis fin avril une demande d’extradition
au ministère des relations extérieures chilien qui la transmettra
début mai à la Cour suprême, dont la décision devrait
intervenir d’ici à 6 mois. L’ancien président a déclaré
qu’il était victime d’une « persécution politique
».
BOLIVIE
Le président bolivien Carlos Mesa s’est rendu, mercredi 21 avril,
à Buenos Aires, pour signer avec son homologue argentin, Nestor Kirchner,
un contrat de vente de gaz pour 6 mois. Le président argentin s’est
engagé à ne pas fournir de gaz bolivien au Chili, avec lequel
la Bolivie est en conflit au sujet de sa revendication d’un accès
à la mer.
Fin avril, la capitale La Paz et les deux villes de Cochabamba et Santa Cruz de la Sierra ont été le théâtre de nombreuses manifestations de protestations organisées notamment par les petits commerçants, les employés du transport urbain et les étudiants. Elles ont donné lieu à plusieurs affrontements avec les forces de police, alors que circulaient des rumeurs d’un possible coup d’Etat. Pendant ce temps, une commission de médiation cherchait à arbitrer le conflit entre le gouvernement et les organisations sociales et politiques manifestantes pour apaiser la confrontation et préserver une démocratie très fragilisée.
Un ancien
mineur s’est donné la mort le 30 mars dans le hall d'entrée
du Congrès national en faisant exploser le bâton de dynamite qu’il
s'était attaché au corps. Au chômage depuis la fermeture
de l’industrie minière nationale, il réclamait la restitution
de ses 15 années de cotisations à l’ancien système
de pension. C’est une des 8 700 personnes, dont 3 500 anciens mineurs,
qui ont perdu leurs années de cotisations et leur droit à la retraite
depuis la réforme de 1997. La réforme, mise en place durant le
premier gouvernement de Gonzalo Sánchez de Lozada (1993-1997) a remplacé
un système fondé sur la solidarité des cotisants par un
système de capitalisation individuelle géré par des fonds
privés de pensions. Samedi 24, trois autres personnes, portant chacune
des charges de dynamites et installées dans les bâtiments de la
Fédération syndicale des travailleurs miniers de Bolivie (FSTMB),
menacèrent de faire de même si aucune solution n'était trouvée.
La menace pris fin après 20 heures de négociation entre les syndicats
et le gouvernement qui s’est engagé à verser une pension
de 60 dollars à toutes les personnes qui n’ont pu recevoir de retraite
après avoir cotisé dans l’ancien système.
BRÉSIL
Conformément à ses déclarations, le MST (Mouvement des
sans-terre) a multiplié les occupations de terres improductives depuis
la fin mars, le mouvement de mobilisation culminant le samedi 17 avril, journée
internationale de la lutte paysanne, avec l’organisation de grandes manifestations
dans les capitales des Etats brésiliens.
La popularité de Luiz Inácio Lula da Silva est en forte baisse, principalement du fait du mécontentement croissant au sujet de la politique économique du gouvernement. Le président a finalement décidé de fixer le nouveau salaire minimal à 260 reales (88 dollars), soit seulement 8,3% de hausse – 3,4% en valeur réelle –, en dépit des promesses de doubler sa valeur d’ici à 2006. La décision a été fortement critiquée par les principales centrales syndicales. Le salaire minimum constitue la rémunération des 2/3 des plus de 20 millions de retraités. Chaque hausse fait donc peser un poids important sur le budget de l’Etat.
Lundi 26
avril, l’OMC (Organisation mondiale du commerce) a condamné les
subventions états-uniennes sur le coton, validant ainsi le recours présenté
par le Brésil. La décision devra être confirmée le
16 juin, et les Etats-Unis pourront faire appel. C’est cependant un premier
pas important dans le cadre de la lutte des pays en développement (G-20)
contre les subventions agricoles des pays du Nord (Etats-Unis, Union européenne,
Japon).
COLOMBIE
Le texte adopté fin avril par la Commission des Nations unies pour les
droits humains au sujet de la Colombie est exceptionnellement sévère
à l’égard du gouvernement colombien, auquel il reproche
notamment la concession des facultés de police judiciaire aux forces
armées, et l’élaboration d’un projet de loi octroyant
l’immunité aux groupes paramilitaires qui accepteraient de se reconvertir.
La politique suivie va à l’encontre des recommandations émises
par la Commission en 2003.
La disparition
du chef paramilitaire colombien, Carlos Castaño, 6 jours avant que la
Cour suprême de justice n’initie l'étude de sa possible extradition
vers les Etats-Unis, où il est poursuivi pour trafic de drogue, pose
une série de questions. Il a disparu le 16 avril dans une zone contrôlée
par les militaires et les paramilitaires de droite des Autodéfenses unies
de Colombie (AUC), après une fusillade nourrie. Fin avril, l’hypothèse
d’un assassinat semblait progressivement s’imposer : son arrestation
aurait pu donner lieu à des déclarations très embarrassantes
sur la collaboration entre l'armée et les paramilitaires de droite.
CUBA
Jeudi 15 avril, la Commission des droits de l’homme de l’ONU
approuvait par 22 votes en faveur (Etats-Unis, Mexique, Chili, Pérou,
pays européens…), contre 21 refus et 10 abstentions (dont l’Argentine,
le Brésil et le Paraguay), une résolution sur la situation des
droits humains à Cuba. Le texte, présenté cette année
par l’Honduras est plus modéré que celui des années
précédentes : il ne contient pas de condamnation explicite du
gouvernement de Fidel Castro et appelle de ses vœux le respect des droits
fondamentaux et l’ouverture d’un dialogue avec les courants de l’opposition.
Il déplore les détentions et condamnations d’un groupe de
75 dissidents en 2003 et demande au gouvernement de coopérer avec Christine
Chanet, représentante du Haut-commissariat des Nations unies pour les
droits humains qui s’est vu plusieurs fois refuser l'entrée dans
l’île.
Peu après
le vote de la résolution, Cuba demandait à la Commission d’enquêter
sur les conditions de détention des 660 personnes détenues à
Guantanamo depuis janvier 2002. Jusqu’à présent, peu de
gouvernements s'étaient montrés préoccupés par la
situation de ces prisonniers. Jeudi 22 avril, devant la menace états-unienne
de recourir à une motion de non-action pour bloquer la discussion d’une
potentielle résolution, le représentant cubain annonçait
le retrait de la requête.
HAÏTI
La Communauté des Caraïbes (Caricom), réunie samedi 27 mars,
a rejeté la demande du gouvernement états-unien de reconnaître
le nouveau gouvernement installé après la chute de Jean-Bertrand
Aristide. Elle s’est proposée de demander à l’assemblée
générale de l’ONU d’ouvrir une enquête sur les
conditions du départ du président Aristide en février 2004.
Une première demande du même type, adressée au Conseil de
sécurité – où la France et les Etats-Unis disposent
du droit de veto – avait été accueillie froidement.
MEXIQUE
La Cour internationale de justice de La Haye a statué fin mars sur le
recours présenté par le Mexique et déclaré que les
Etats-Unis ont violé les droits de 51 mexicains condamnés à
mort, en les privant de la possibilité d’une assistance consulaire
au moment de leur détention et du procès. Elle a donc ordonné
une révision des procédures. Mais les institutions judiciaires
de l’Oklahoma et du Texas ont déclaré qu’elles ne
tiendraient pas compte de la décision.
Le 30 mars,
la police cubaine arrêtait l’entrepreneur Carlos Ahumada, accusé
au Mexique de blanchiment d’argent et de fraude, et en fuite depuis lors.
Les vidéos diffusées début mars dans divers médias
le montraient en train de remettre des centaines de dollars à un homme
politique de gauche, lié à l’actuel maire de Mexico, Andrés
López Obrador, membre du Parti de la révolution démocratique
(PRD) et candidat potentiel le plus populaire pour les élections présidentielles
de 2006. Mercredi 28, le détenu était déporté vers
le Mexique et le gouvernement cubain remettait au maire de Mexico, et au PRD,
les informations que la police cubaine détenait sur l’entrepreneur.
Dans un communiqué diffusé le même jour, les autorités
cubaines mettent l’accent sur la dimension politique de l’affaire
et déclarent que l’inculpé affirme que la diffusion des
vidéos est une opération à visée politique préparée
de longue date. Andrés López Obrador a déclaré jeudi
29 que la version cubaine coïncidait avec la sienne, qui met en avant l’idée
d’un complot ourdi contre lui par le Parti d’action nationale (PAN),
de centre droit, dont fait parti l’actuel président, Vicente Fox.
PARAGUAY
Les gouvernements argentins et paraguayens ont fixé à la fin de
l'année 2007 l’achèvement du barrage binational de Yacyretá,
situé sur le fleuve Paraná, et qui fonctionne actuellement à
60% de ses capacités. Le projet naquit d’un traité signé
en 1973, qui prévoyait la mise en marche de la centrale en 1980. Le barrage
fut inauguré en 1994 seulement. Les mouvements de préservation
de l’environnement s’inquiètent des dégâts supplémentaires
que causera l’élévation du niveau des eaux.
PÉROU
Fin avril, le maire d’un village du sud du Pérou a été
lynché par une multitude d’indigènes aymaras, après
25 jours de grève pour exiger sa démission. Les Aymaras accusent
le maire et ses fonctionnaires de détournements de fonds. Vendredi 30,
une commission envoyée par le gouvernement péruvien négociait
avec les dirigeants aymaras du village. Des indigènes de la même
ethnie ont séquestré 4 conseillers municipaux d’une bourgade
voisine et menacent de les lyncher si le gouvernement n’envoie pas là
aussi une commission. Quelques routes vers la Bolivie sont bloquées.
Las de se sentir ignorés par les gouvernements successifs et abandonnés
à la seule autorité de maires corrompus, les Aymaras ont décidé
d’en venir aux actes.
VENEZUELA
Début avril, l’ambassadeur vénézuélien devant
l’Organisation des États américains (OEA) a accusé
une nouvelle fois les États-Unis d’ingérence dans les affaires
internes de son pays.
Le Conseil
national électoral a fixé aux 28, 29 et 30 mai la procédure
de ratification des signatures considérées douteuses parmi les
3,5 millions de signatures réunies par la coalition de l’opposition
pour convoquer un référendum révocatoire. Si l’opposition
valide 525 118 signatures supplémentaires, le référendum
sera organisé le 8 août. Le scrutin doit être organisé
avant le 19 août pour que, en cas de défaite du président,
il quitte son poste et que soient organisées de nouvelles élections.
Après le 19, une défaite d’Hugo Chávez entraînerait
son départ et remplacement par le vice-président désigné
par celui-là. L’opposition a fait savoir, mercredi 28 avril, qu’elle
acceptait la procédure.
Rédaction : Nicolas Pinet.
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