AMÉRIQUE
LATINE
Le nouveau secrétaire général de la Organisation des
Etats américains (OEA) et ancien président costaricain (1998-2002),
Miguel Angel Rodríguez, a présenté sa démission
vendredi 8 octobre, 23 jours après sa prise de fonctions, du fait des
accusations de corruption et d’enrichissement illicite pesant contre lui
dans son pays. Premier costaricain à être élu secrétaire
général depuis plus de 50 ans, il est aussi le premier secrétaire
général de l’organisme à démissionner pour
corruption. José Antonio Lobo, ancien ministre et conseiller de Rodríguez
l’a accusé le 30 septembre d’avoir reçu de substantielles
commissions lors de la négociation de contrats avec l’entreprise
française de télécommunications, Alcatel. Le président
costaricain actuel, Abel Pacheco, avait alors exigé sa démission.
Un rapport publié
par le Bureau de Washington sur l’Amérique latine (WOLA), le Groupe
de travail sur l’Amérique latine (LAWG) et le Centre pour la politique
internationale (CIP) fait apparaître que l’aide militaire états-unienne
destinée à l’Amérique latine a augmenté significativement
depuis 2000. L’assistance militaire de 2003 a atteint la somme de 860
millions de dollars, et l’assistance économique et humanitaire,
921 millions de dollars. Si la tendance se maintient, note le rapport, l’aide
militaire risque de dépasser l’aide économique et humanitaire,
alors que, même au plus chaud de la guerre froide, l’assistance
militaire n’avait jamais constitué plus du tiers de l’aide
économique.
AMÉRIQUE DU SUD
Les ministres des pays du Mercosur (Marché commun du sud,
constitué de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay, de l’Uruguay
et du Chili comme membre associé) et de la CAN (Communauté andine
de nations, comprenant la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le
Pérou et le Venezuela), réunis à Montevideo dans le cadre
de la XIIIème Réunion du conseil des ministres des affaires étrangères
de l’Association latino-américaine d’intégration (ALADI),
ont finalement signé, lundi 18 octobre, un accord de partenariat économique.
L’accord, qui entrera en vigueur le 18 novembre, marque le début
d’un processus de suppression des barrières douanières qui
devrait s’achever, dans 15 ans, par la constitution d’une zone de
libre-échange. L’accord devrait faire des 10 pays d’Amérique
latine le 5ème bloc commercial du monde.
ARGENTINE
La Cour suprême de justice a confirmé, jeudi 14 octobre, le principe
d’une indemnisation pour les exilés de la dictature (1976-1983).
Susana Yofre et les membres de sa famille, qui avaient reçu l’asile
politique au Mexique durant 7 ans, recevront une indemnité de 74 pesos
(soit environ 25 dollars) par jour d’exil. Après la loi d’indemnisation
aux familles des détenus-disparus, puis aux prisonniers de la dictature
et aux enfants des disparus, s’amorce un processus de dédommagement
pour les exilés.
Après 5 mois de débat, le Congrès législatif a approuvé, mercredi 20 octobre, le projet du gouvernement de Néstor Kirchner disposant la création de l’entreprise nationale Energie argentine société anonyme (ENARSA), où l’Etat national détient 53% du capital, les provinces 12% et des investisseurs privés, 35%. La création de l’entreprise fut annoncée en mai dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre la crise énergétique. Dans les années 1990, le gouvernement de Carlos Menem (1989-1999) a procédé à la privatisation de la plus grande partie des entreprises publiques, avec parmi elles, les compagnies nationales de l’eau, de l’électricité, du gaz, des télécommunications et du pétrole. Le président Kirchner a accusé les entreprises chargées de la distribution du gaz d’avoir investi seulement dans le secteur le plus lucratif de l’exportation alors que la Loi nationale d’hydrocarbures les oblige à donner priorité au marché local.
Une étude
publiée fin octobre par le Comité gouvernemental contre la torture,
qui fait partie de la Commission provinciale pour la mémoire, fait état
de violations répétées des droits humains dans les prisons
et les commissariats de la province de Buenos Aires. Le nombre de détenus
dans le district est passé de 15 000 à presque 25 000 durant les
4 dernières années, marquées par la crise économique,
le chômage de masse, la pauvreté et l’exclusion – chiffre
bien supérieur à la capacité d’accueil des prisons.
On compte aussi 5 800 détenus dans les commissariats. L’étude
dénonce de nombreux cas de tortures et de mauvais traitements.
BOLIVIE
Le Congrès bolivien a autorisé, jeudi 14 octobre, la Cour suprême
à initier une procédure de jugement contre l’ancien président
Gonzalo Sánchez de Lozada (2002-2003) et 2 de ses anciens ministres pour
évaluer leurs responsabilités dans les évènements
d’octobre 2003 qui avaient abouti à la démission du président
et provoqué la mort de 67 manifestants. Le débat pour les relever
de leur impunité a duré 12 heures.
BRÉSIL
Le second tour des élections municipales s’est soldé par
une victoire du PSDB (Parti de la social-démocratie brésilienne)
de l’ancien président Fernando Henrique Cardoso dans les régions
les plus riches, notamment au sud du pays, et par la victoire du PT (Parti des
travailleurs) dans les régions les plus pauvres, comme dans le nord et
le nord-est. À São Paulo, le vote des secteurs centraux de la
ville, plus riches, a, de la même façon, favorisé la victoire
de José Serra, le candidat du PSDB et ancien candidat présidentiel
en 2002, contre Marta Suplicy, candidate du PT qui a obtenu le soutien massif
des périphéries. Si le PT a perdu la mairie de Porto Alegre, après
16 ans au pouvoir, le nombre de mairies qu’il contrôle désormais
passe de 187 à 409 (le nombre de celles contrôlées par le
PSDB passe de 996 à 871.) Un autre phénomène notable est
la croissance de petits partis de gauche. Le Parti populaire socialiste (PPS),
issu de l’ancien parti communiste, a conquis la mairie de Porto Alegre,
ainsi que diverses mairies de grandes villes. Le Parti démocrate travailliste,
qui a rompu avec Lula l’année dernière, et le Parti socialiste
brésilien, qui fait toujours partie de la coalition autour du PT, ont
chacun gagné dans 3 capitales.
CHILI
Les élections municipales du dimanche 31 octobre, qui étaient
aussi l’occasion pour la Concertation (coalition de centre-gauche) et
l’Alliance pour le Chili (coalition de droite) de mesurer leurs forces
avant les présidentielles de 2006, ont été marquées
par une nette victoire de la Concertation. La coalition au pouvoir a obtenu
205 mairies (44,79% des suffrages), contre 103 pour l’Alliance (38,65%).
La victoire de la Concertation est encore plus marquée en ce qui concerne
les conseillers municipaux (1 120 conseillers contre 877 – respectivement
47,91% et 37,66% des suffrages). Les indépendants ont obtenu 31 mairies
(9,7%) et le pacte Juntos Podemos (Ensemble, c’est possible), alliance
du Parti communiste et du Parti humaniste, 4 mairies (5,91%). L’Alliance
pour le Chili a conservé de justesse la mairie de Santiago-centre.
COLOMBIE
Une Décision signée par l’Organisation nationale indigène
de Colombie (ONIC) et l’Association des autorités indigènes
de Colombie (AICO), qui réunit les « sages anciens »,
chefs spirituels des 90 peuples originaires colombiens, a fait savoir, début
octobre, que les indigènes colombiens se refusent à recevoir des
crédits ou des prêts, du BID (Banque interaméricaine de
développement) notamment, ou tout type d’aide qui mettrait en danger
leur diversité, leurs territoires, leur patrimoine culturel, leur sagesse
ancestrale et la « cosmovision propre à chaque communauté ».
Ils refusent d’être « impliqués dans les marchés
formels, les circuits financiers ou l’économie de marché ».
Ils acceptent par contre toute donation qui favorise leurs « processus
d’organisation », l’affirmation de leur « autonomie
et de leur identité » et la préservation de leurs « territoires,
garanties et droits ». Ils acceptent aussi « la création
de fonds spéciaux qui répondent aux exigences des peuples indigènes »
en fonction de leurs « plans de vie », élaborés
par chaque communauté réunie en assemblée, et qui correspondent
à ce que la « culture occidentale » nomme « plans
de développement ».
CUBA
Un groupe de femmes dont les maris sont prisonniers pour raisons politiques
ont pris l’habitude de se réunir chaque dimanche à l’église
de Santa Rita, patronne de l’impossible. Toutes vêtues de blanc,
d’ou leur nom de « dames en blanc », elles portent sur la
poitrine une photo de leurs maris, dont elles clament l’innocence et réclament
la libération. Pour Elizardo Sánchez, président de la Commission
cubaine des droits humains et de la réconciliation nationale, non reconnue
par le gouvernement, l’action du groupe de femmes est un phénomène
inédit.
Une résolution
de la Banque centrale met fin à partir du 8 novembre aux transactions
commerciales internes en dollars. Les dollars états-uniens ne seront
plus acceptés et devront être changés préalablement
en pesos convertibles, la transaction étant soumise à une taxe
de 10%. Le dollar sera la seule monnaie affectée, l’euro et les
autres monnaies continueront à être changées et à
circuler comme avant. La mesure a été présentée
comme la réponse cubaine aux actions du gouvernement états-unien
visant à faire obstacle à l’accès du dollar sur l’île
et à l’usage des devises états-uniennes récupérées
par le gouvernement cubain.
HAÏTI
Le 30 septembre, date anniversaire du premier coup d’Etat contre Aristide,
des centaines de personnes manifestèrent pour réclamer son retour
et furent réprimées par la police. Les affrontements causèrent
la mort de 3 ou 4 policiers et de quelques civils. Le lendemain, apparaissaient
les corps décapités de 3 policiers et des partisans d’Aristide
déclaraient qu’avait commencé « l’opération
Bagdad » – en référence aux décapitations
réalisées par des groupes armés en Irak – et qu’elle
continuerait jusqu’au retour de l’ancien président au pouvoir.
Depuis lors, les rues de Port-au-Prince, la capitale, sont le théâtre
d’affrontements récurrents, qui ont déjà provoqué
plus de 60 morts, dont 9 policiers. Les forces de l’ONU s’affrontent
désormais directement avec les rebelles, souvent très bien armés.
L’ambiance tendue et les combats font craindre une guerre civile.
MEXIQUE
María Sánchez sera la première femme indigène à
prendre la tête, en décembre, d’un municipe au Chiapas, Etat
du sud-est mexicain. La dirigeante a réussi à vaincre, lors des
élections de juin puis d’octobre, les « usages et coutumes
indigènes » du municipe d’Oxchuc, et d’une grande
partie du Chiapas, selon lesquelles les femmes ne sont pas aptes à tenir
le bâton du commandement.
URUGUAY
La Cour suprême a confirmé, lundi 1er novembre, la victoire du
candidat de gauche, Tabaré Vázquez, lors des élections
présidentielles du dimanche 31. L’alliance de partis de gauche
Encuentro Progressista-Frente Amplio-Nueva Mayoría (Groupement progressiste-Front
élargi-Nouvelle majorité, EP-FA-NM pour ses sigles en espagnol),
a obtenu plus de 50% des voix, contre environ 30% pour le Parti national et
10% pour le Parti Colorado actuellement au pouvoir. Il n’y aura donc pas
de second tour. Le gouvernement du médecin socialiste Tabaré Vázquez
sera le premier gouvernement de gauche depuis l’indépendance du
pays, en 1825, et le seul à disposer d’une majorité parlementaire
depuis 1966.
Dimanche
31 octobre, les Uruguayens devaient aussi se prononcer par référendum
sur la réforme constitutionnelle qui ajoute à la Constitution
un article déclarant que « l’eau est une ressource naturelle
essentielle à la vie » et que l’accès à
cette dernière et à tous les services de traitement des eaux sont
des « droits humains fondamentaux ». La proposition a
été approuvée par 60% des voix.
VENEZUELA
Le vice-président vénézuélien, José Vicente
Rangel, en visite à Moscou, a conclu une série d’accords
de coopération économique et technologique et acheté 40
hélicoptères russes qui devraient être livré dans
les mois qui viennent à l’armée vénézuélienne.
Des compagnies russes ont fait part de leur projet d’investir 500 millions
de dollars dans une usine d’alumine au sud-est du Venezuela et de participer
par des apports de capitaux et de technologie à divers projets concernant
notamment le pétrole et le gaz. L’initiative participe de la politique
d’ « alliances stratégiques » avec la Russie
et la Chine qu’entend développer le président Chávez.
Dimanche 31 octobre
était organisée l’élection des gouverneurs des 22
Etats (sur 23) et de 333 mairies. Les résultats définitifs seront
connus jeudi 4 novembre. Selon les résultats partiels communiqués
par le CNE (Conseil national électoral), lundi 1er novembre, 20 des 22
gouverneurs élus seraient chavistes. En ce qui concerne les mairies,
il n’y a pas encore de chiffres déterminés, mais diverses
sources reconnaissent que sur les plus de 200 mairies détenues par l’opposition,
un bon nombre va passer aux mains des chavistes. Dans le district de la capitale,
Freddy Bernal, un proche d’Hugo Chávez, a été réélu,
et la mairie principale de la ville est passée des mains de l’opposition
aux mains des chavistes. Après une participation massive lors du référendum
d’août, c’est l’abstention cette fois qui a été
massive – plus de 55% des électeurs ne sont pas allés voter.
Rédaction : Nicolas Pinet.
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