AMÉRIQUE LATINE
Le XIVème sommet ibéro-américain, qui s’est conclu
samedi 20 novembre à San José, la capitale du Costa Rica, a ratifié
la création d’un Secrétariat général ibéro-américain
(SGI). Le secrétariat entrera en fonction en mars ou avril 2005 si le
projet est ratifié par les parlements des 7 pays pour lesquels les statuts
des réunions au sommet exigent une ratification postérieure. Il
s’agit de créer une continuité institutionnelle entre les
réunions qui ont lieu chaque mois de novembre et de fournir un support
exécutif et administratif aux déclarations annuelles du sommet.
Le projet date du XIIIème sommet, réalisé en 2003 en Bolivie.
L’Organisation
mondiale du commerce (OMC) a autorisé, fin novembre, l’application
de sanctions commerciales d’une valeur de 150 millions de dollars par
an contre les Etats-Unis. La décision, qui bénéficiera
notamment au Brésil, au Mexique et aux pays de l’Union européenne,
applique la sanction la plus dure prévue si aucun accord n’est
trouvé entre les parties. Le refus de la part des Etats-Unis de déroger
l’amendement Byrd, voté en 2000 et qui prévoit la redistribution
des ressources obtenues grâce aux sanctions antidumping sous forme de
subventions aux entreprises exportatrices, a motivé l’adoption
de la sanction maximale, qui n’a été appliquée que
8 fois depuis la création du tribunal de l’OMC en 1995.
AMÉRIQUE CENTRALE
Le Congrès états-unien devrait ratifier dans les mois qui
viennent le Traité de libre-échange d’Amérique centrale
et de République dominicaine (DR-CAFTA pour son sigle en anglais) avec
le Costa Rica, El Salvador, le Guatemala, l’Honduras, le Nicaragua et
la République dominicaine, qui s’est jointe à l’accord
en août. Selon un rapport publié en novembre par l’ONG humanitaire
britannique Oxfam, qui s’appuie sur l’expérience de libéralisation
commerciale du Honduras dans les années 1990, les conséquences
pour les producteurs de riz des pays associés risquent d’être
dramatiques : l’accord prévoit l’élimination des barrières
douanières, mais les Etats-Unis maintiendront leur politique de subventions
agricoles, ce qui provoquera très certainement l’effondrement de
la production nationale des pays centroaméricains, comme ce fut le cas
au Honduras où la production a chuté de 86% en 10 ans alors que
le nombre de producteurs passait de 25 000 à 2 000. En 2003, les producteurs
de riz états-uniens ont reçu 1 300 millions de dollars d’aides,
soit beaucoup plus que la valeur totale de leur production, estimée en
2002 à 844 millions de dollars.
ARGENTINE
Avant de se rendre à Santiago du Chili pour le Sommet de la Coopération
économique Asie-Pacifique (APEC pour son sigle anglais), Hu Jintao, le
président chinois, a effectué une visite éclair à
Buenos Aires, à la mi-novembre. La visite a été l’occasion
de la signature de lettres d’intention entre les 2 gouvernements, qui
prévoient notamment le développement d’investissements chinois
en Argentine.
Les tribunaux
de la province de Buenos Aires ont condamné à 22 ans et 19 ans
de prison, respectivement, deux policiers accusés du meurtre (en 2000)
de José Rios, âgé alors de 16 ans. L’enquête
a prouvé que les policiers avaient déguisé leur crime.
Les juges ont ordonné aussi de prolonger l’enquête sur les
deux policiers et sur 30 autres agents et civils dans le but de prouver l’existence
d’une association illicite qui, sous le couvert de l’Agence de sécurité
d’un des deux policiers, agirait comme escadron de la mort en échange
du paiement d’une cotisation mensuelle de la part des habitants de quartiers
résidentiels.
BRÉSIL
Vendredi 12 novembre, lors de la visite du président chinois, Hu Jintao,
Luiz Inácio da Silva, son homologue brésilien, a finalement reconnu
la Chine comme une « économie de marché ».
Membre de l’OMC depuis 2001, en tant qu’économie qui n’est
pas « de marché », la Chine peut pour cela faire
plus facilement l’objet de restrictions et de mesures antidumping de la
part des autres pays. Le Brésil se joint ainsi aux plus de 20 pays qui
ont déjà reconnu à la Chine le statut d’économie
de marché, obéissant ainsi à des intérêts
commerciaux. De fait, la concession a eu comme contrepartie la signature de
10 accords destinés à développer le commerce bilatéral.
Ces accords bénéficient notamment au secteur de l’agroalimentaire
brésilien et prévoient une forte augmentation des investissements
et du tourisme chinois au Brésil.
La visite officielle du président russe, Vladimir Poutine, du 21 au 23
novembre, cherche à développer le commerce bilatéral, aujourd’hui
limité à quelques produits et à renforcer la coopération,
notamment en matière de technologie aérospatiale.
CHILI
Vendredi 5 novembre, le commandant en chef de l’armée chilienne,
Juan Emilio Cheyre, reconnaissait dans une déclaration la responsabilité
de l’armée dans les violations des droits humains qui ont suivi
le coup d’Etat du 11 septembre 1973 : « L’armée
chilienne a pris la décision difficile mais irréversible d’assumer
les responsabilités qui, en tant qu’institution, lui correspondent
dans tous les actes punissables et moralement inacceptables du passé ».
« Les violations des droits humains ne peuvent jamais avoir, pour
personne, une justification éthique. » La déclaration
a été qualifiée de geste « historique »
par le président Lagos et accueillie avec prudence par les familles des
victimes de la répression.
L’intervention de Cheyre a eu lieu la veille de la remise du rapport de la Commission sur la torture et la prison au président Lagos. La Commission, créée le 11 novembre 2003 et présidée par l’évêque catholique Sergio Valech, ancien vicaire de la solidarité, a recueilli 35 000 témoignages dans tout le pays, pour établir les degrés de participation des diverses institutions chargées de la répression ainsi que des organes militaires et policiers. Le rapport, remis le 6 novembre et maintenu secret dans un premier temps, a été rendu public dimanche 28.
La deuxième salle de la Cour suprême de justice a rejeté à l’unanimité le recours en cassation présenté par le général à la retraite, Manuel Contreras, chef de la DINA (police politique) entre 1973 et 1978 et quelques autres hauts responsables des organismes répressifs. Le recours faisait appel des condamnations prononcées contre eux en s’appuyant sur la décret-loi d’amnistie de mars 1978. La décision de la Cour suprême, prise à la mi-novembre, confirme l’interprétation de la loi qui affirme le caractère permanent du délit de séquestration, jusqu’à l’apparition de la victime, vivante ou morte.
Le premier
Forum social chilien, organisé parallèlement au sommet de la Coopération
économique Asie-Pacifique (APEC pour son sigle anglais) à Santiago
le 19, 20 et 21 décembre a été considéré
comme un succès par ses organisateurs. La manifestation initiale de rejet
du sommet de l’APEC et de la présence au Chili du président
états-unien récemment réélu, George W. Bush, a convoqué
quelque 40 000 personnes, se transformant ainsi en une des plus grandes manifestations
de ce type depuis le début des années 1990. Environ 7 500 personnes
se sont inscrites pour participer aux activités organisées par
200 organisations de la société civile durant le samedi et le
dimanche.
COLOMBIE
Le président colombien Alvaro Uribe a reçu Hugo Chávez,
président du pays voisin, début novembre à Cartagena de
Indias. La rencontre avait été organisée pour discuter
plus avant des projets de gazoducs et oléoducs transfrontaliers qui doivent
être construits dans les années à venir pour relier les
zones productrices du côté atlantique avec les zones consommatrices
du Pacifique asiatique et américain. Alors que les deux gouvernements
font montre de fortes divergences politiques, leurs intérêts convergent
pour ce qui est de la réalisation de projets touchant au transport du
pétrole et du gaz naturel.
CUBA
Le président chinois, Hu Jintao, a finalisé son premier voyage
en Amérique latine par une visite à Cuba, lundi 22 et mardi 23
novembre. Les deux pays ont conclu 6 accords de coopération et d’investissement.
La Chine, premier producteur d’acier inoxydable du monde est particulièrement
intéressée par les réserves de nickel de Cuba, considéré
actuellement comme le principal détenteur du minerai.
Lundi 28,
plusieurs dissidents cubains, appartenant au groupe des 75 condamnés
à de lourdes peines de prison en avril 2003, ont été libérés.
GUATEMALA
La Mission de vérification des Nations-Unies pour le Guatemala (MINUGUA),
installée dans le pays depuis 1994, deux avant la signature des accords
de paix entre le gouvernement d’Alvaro Arzú (1996-2000), actuel
maire de la ville de Guatemala, et la URNG (Unité révolutionnaire
nationale guatémaltèque) incorporée depuis à la
vie politique légale, a quitté le pays le 17 novembre, à
la fin de sa période de mission. Les accords de paix, signés le
29 décembre 1996, après 36 ans de guerre civile, comptaient 12
points dont la Mission était chargée de veiller à la mise
en œuvre. Divers analystes, qui soulignent le rôle important de la
MINUGUA pendant ces années, insistent cependant sur le fait que de nombreuses
questions abordées par les accords ne sont pas encore résolues,
loin s’en faut, et particulièrement en ce qui concerne la situation
des indigènes, la distribution de la terre, la sécurité
et le respect des droits humains.
MEXIQUE
Chaque année, quelque 5 000 coureurs se relaient pour porter une torche
ornée d’une image de la vierge de Guadalupe sur les 5 500 kms qui
séparent la capitale du Mexique et l’église de Saint Patrick,
à New York. La course, qui a débuté cette année
le 10 octobre et s’achèvera le 12 décembre, revendique le
droit des immigrants latino-américains à avoir accès aux
services de santé et d’éducation états-uniens, ainsi
qu’aux libertés civiles et à un travail digne.
VENEZUELA
Le juge chargé de l’enquête sur le coup d’Etat manqué
d’avril 2002, Danilo Anderson, est mort à la mi-novembre dans l’explosion
de sa voiture qui avait été piégée avec des explosifs.
Le président Hugo Chávez a alors annulé son voyage à
San José de Costa Rica où il devait participer au Sommet ibéro-américain.
Les présidents du Parlement, du pouvoir judiciaire, les autorités
électorales, les députés et les dirigeants de tous les
partis politiques, les medias, les porte-parole de l’Eglise catholique
et l’armée se sont joints au gouvernement pour condamner l’attentat
tout en demandant à la population de garder le calme.
Alí Rodriguez, qui était président de l’entreprise nationale Pétroles du Venezuela (PDVSA), a été nommé ministre des affaires étrangères. Pour le gouvernement, il s’agit de renforcer l’importance du pétrole dans la diplomatie vénézuélienne en impulsant une alliance stratégique avec l’Amérique latine et les Caraïbes, et en se préparant à un possible durcissement de la position états-unienne – Condoleezza Rice, la nouvelle secrétaire d’Etat de Washington travaillait elle aussi dans le secteur pétrolier. Le ministre de l’énergie, Rafael Ramírez, a pris la tête de PDVSA. Sa double fonction devrait favoriser un renforcement du contrôle du gouvernement sur l’entreprise, en lui permettant notamment d’utiliser certains de ses revenus pour des projets sociaux extrabudgétaires. « La nouvelle PDVSA sera un instrument au service des objectifs stratégiques que se propose l’Etat vénézuélien » a déclaré le nouveau président du groupe.
Le président
Hugo Chávez a réalisé un voyage en Espagne, avant de continuer,
mercredi 24, vers la Libye. La visite a été l’occasion de
sceller une « alliance progressiste » avec le chef du
nouveau gouvernement espagnol, le socialiste José Luis Rodríguez
Zapatero et de poser les bases d’échanges commerciaux entre les
entreprises des deux pays. Les déclarations de l’actuel ministre
espagnol des affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, reprochant
à l’ancien premier ministre José Maria Aznar, du Parti populaire,
d’avoir soutenu la tentative de coup d’Etat d’avril 2002 contre
le président vénézuelien ont déclenché une
violente polémique au sein du monde politique espagnol. Le président
Chávez a de son côté appuyé les dires du ministre.
Rédaction : Nicolas Pinet.
En cas de reproduction, mentionner la source Dial.