AMERIQUE LATINE
Les ministres des affaires étrangères et les représentants
des 34 pays membres de l’Organisation des Etats américains (OEA)
étaient réunis lundi 11 avril à Washington pour élire
leur nouveau secrétaire général. Durant les 5 séries
de vote réalisées, les deux candidats, le ministre des affaires
étrangères mexicain, Luis Ernesto Derbez, qui bénéficie
du soutien des Etats-Unis, et son homologue chilien, José Miguel Insulza,
ont obtenu à chaque fois 17 voix chacun. Une nouvelle réunion
est prévue pour le 2 mai. Lors de cette nouvelle session, il se pourrait
que se présente un troisième candidat.
Le premier ministre espagnol, le socialiste José Luis Rodríguez Zapatero, a réalisé fin mars un voyage au Venezuela et en Colombie, pour des motifs commerciaux et politiques. Mardi 29, il se réunissait avec les présidents vénézuelien, Hugo Chávez, brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, et colombien, Álvaro Uribe dans une ville au sud-est de Caracas, Ciudad Guayana. Cette réunion a donné naissance au « groupe quadrilatère », pour reprendre les termes du premier ministre espagnol. Cette nouvelle instance doit permettre de prolonger la coopération et les discussions – en matière de sécurité et de commerce notamment – amorcées lors de la réunion. Celle-ci avait été décidée en janvier lors de la crise diplomatique entre la Colombie et le Venezuela provoquée par l’enlèvement à Caracas et la déportation vers la Colombie d’un guérillero des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Le lendemain, le premier ministre espagnol se rendait à Caracas, pour signer un accord de vente de matériel militaire (avions de transport et bateaux). Il se réunissait aussi avec les dirigeants de l’opposition et signait des accords commerciaux, avant de partir vers Bogotá.
Les pays latino-américains producteurs de bananes, l’Equateur – 1er producteur mondial –, le Costa Rica, la Colombie, le Guatemala, le Honduras et le Panama, ont déposé une plainte devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) contre les nouveaux tarifs douaniers européens. L’Union européenne a notifié à l’OMC en janvier qu’elle prévoie d’imposer à partir de janvier 2006 une taxe uniforme de 297 dollars par tonne de bananes, dont ses anciennes colonies (les 79 pays du groupe ACP – Afrique, Caraïbes et Pacifique) seraient exemptées. Le nouveau tarif vient remplacer le système précédent de taxation, que l’OMC a qualifié en 2000 de discriminant, et donc d’illégal, mais les pays latino-américains voient tripler la taxe sur leur production, ce qu’ils considèrent excessif.
AMERIQUE
DU SUD
Les problèmes politiques en Equateur, l’instabilité à
laquelle sont confrontés la Bolivie, le Pérou et le Venezuela
et le conflit colombien constituent autant d’obstacles au processus d’institutionnalisation
de la Communauté sud-américaine des nations. Une réunion
des ministres des affaires étrangères des pays membres, mardi
19 avril à Brasilia, n’a pas réussi à terminer la
préparation du sommet, prévu pour août, qui doit formaliser
l’existence de la Communauté.
Une neuvième réunion de négociation d’un traité de libre-échange entre les Etats-Unis et trois pays andins (Colombie, Equateur, Pérou) s’est tenue durant la semaine du 18 au 22 avril à Lima. Les questions agricoles et de propriété intellectuelle restent les principaux secteurs de divergences entre les 4 pays. La crise politique traversée par l’Equateur au même moment a là aussi rendu plus difficile l’avancée des négociations.
ARGENTINE
La première salle de la Chambre fédérale de la Cour d’appel
a affirmé début avril le caractère inconstitutionnel de
la grâce présidentielle octroyée en 1990 par Carlos Menem
aux six chefs militaires de la dictature (1976-1983). La décision qui
considére que les crimes commis dans la juridiction du 1er corps d’armée
ne peuvent pas faire l’objet de grâces ou d’amnisties, confirme
le verdict du juge fédéral Rodolfo Canicoba Corral. La résolution,
qui est une première, a été saluée par la ligne
fondatrice des Mères de la place de Mai.
Mardi 19 avril, l’Audience nationale de Madrid a rendu son verdict dans le procès d’Adolfo Scilingo, initié à la mi-janvier (voir brèves de janvier). L’ancien militaire argentin a été condamné à 640 années de prison pour des délits d’assassinats, d’arrestations illégales et de tortures commis durant la dictature. Le Code pénal espagnol limite cependant la durée de la peine, qui additionne les années de peine prévues pour chacun des délits, à 40 ans, réduite dans la pratique à 25 ans en cas de bonne conduite et de travail du prisonnier.
La reprise progressive de l’économie est l’occasion pour les travailleurs de demander une hausse des salaires pour répondre à l’érosion drastique du pouvoir d’achat pendant ces dernières années. Les fonctionnaires, organisés en syndicats, réalisent ainsi des mouvements de grève, notamment dans le secteur des hôpitaux, des écoles, des transports, des banques et de l’administration.
BRESIL
Lundi 28 mars, le gouvernement a annoncé que le Brésil ne renouvellerait
pas son accord avec le Fonds monétaire international (FMI), tout en maintenant
une politique économique fondée sur l’austérité
fiscale. La décision a été prise au vu des bons résultats
économiques du pays : hausse du 5,2% du PIB en 2004, excédent
de la balance extérieure des paiements.
Le président Luiz Inácio Lula da Silva a effectué son quatrième
voyage en Afrique à la mi-avril. Du 10 au 15 avril, il s’est rendu
successivement au Cameroun, au Nigeria, au Ghana, en Guinée-Bissau et
au Sénégal. Le voyage avait pour objectifs de renforcer la coopération,
de favoriser l’exportation de produits brésiliens vers de nouveaux
marchés et d’obtenir des soutiens à la candidature brésilienne
pour un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.
Les échanges commerciaux avec l’Afrique ont plus que doublé
depuis 2000, et augmenté de 69,7% entre 2003 et 2004, avec un déficit
de 1,927 milliard de dollars du côté brésilien, du fait
des importations pétrolières.
Le ministère de la justice a publié, vendredi 15 avril, la déclaration qui reconnaît les droits de quelque 15 000 indigènes de 5 ethnies différentes sur les 1,74 millions d’hectares de la réserve de Raposa Sierra del Sol, au nord-est de l’Etat de Roraima, au nord du Brésil. La légalisation de la réserve était attendue depuis janvier 2004, et la représentante du Conseil indigène de Roraima avait déposé une plainte devant l’OEA en mars (voir brèves de janvier et mars 2004). Les organisations indigènes ont exprimé leur satisfaction, tout en déplorant que la nouvelle délimitation exclue la ville de Uiramután, et les terrains occupés par une caserne militaire, les routes et les lignes de haute tension.
CHILI
Le président Lagos a effectué à la mi-avril un voyage au
Brésil, au Venezuela puis en Colombie. Il prévoyait aussi de se
rendre à Quito mais les troubles qui ont conduit à la destitution
du président Lucio Gutiérrez l’ont conduit à suspendre
sa visite. Le voyage avait pour but de renforcer les appuis à la candidature
de José Miguel Insulza au secrétariat général de
l’OEA (le Brésil et le Venezuela ont appuyé le candidat
chilien lors du vote du 11 avril, la Colombie a pour l’instant appuyé
le candidat mexicain). L’étape vénézuélienne,
mercredi 20, était prévue de longue date et vient consolider la
reprise de relations cordiales entre les deux pays, après la tension
provoquée par le soutien du président Chávez, fin 2003,
à la revendication bolivienne d’un accès à l’océan,
perdu après la Guerre du Pacifique qui opposa à la fin du dix-neuvième
siècle, le Chili au Pérou et à la Bolivie. La réunion
a été l’occasion de la signature d’un nouvel accord
de coopération énergétique (après celui signé
fin 2004), ainsi que d’accords de coopération scientifique et technique.
Des chefs d’entreprise chiliens et vénézuéliens se
sont aussi réunis pour deux jours de négociations commerciales.
CUBA
La Commission des droits de l’homme des Nations unies, siégeant
à Genève, a approuvé cette année encore la résolution
concernant Cuba. Présentée cette fois par les Etats-Unis, avec
le soutien de l’Union européenne, la motion demande à Christine
Chanet, représentante du Haut Commissariat des Nations unies pour les
droits de l’homme, de présenter un rapport sur le respect des libertés
et droits fondamentaux dans l’île lors de la prochaine session de
la Commission. Le gouvernement cubain, qui considère que la mesure est
discriminatoire, s’opposera, comme les années précédentes,
à la visite de la représentante. La résolution, qui ne
formule aucune critique, est adoptée chaque année depuis 1990,
à l’exception de l’année 1998, le plus souvent à
une faible majorité. Sur les 53 pays intégrant cette année
la commission, 21 ont approuvé la motion, 17 l’ont refusée
et 15 se sont abstenus. Des 11 pays latino-américains présents,
4 l’ont approuvée (Costa Rica, Guatemala, Honduras, Mexique), 6
se sont abstenus (Argentine, Brésil, Equateur, Paraguay, Pérou
et République dominicaine) et un seul s’y est opposé (Cuba).
Le projet de résolution présenté par Cuba et qui demandait
au gouvernement états-unien d’autoriser la visite à Guantanamo
d’un comité d’experts de la Commission, a obtenu seulement
8 votes favorables, 22 contraires et 23 abstentions.
COLOMBIE
La Commission des droits de l’homme des Nations unies, dans sa déclaration
annuelle depuis 9 ans sur la crise colombienne, a demandé cette année
au gouvernement colombien de présenter à la fin du 1er semestre
un calendrier d’application des recommandations de la Commission pour
mettre fin aux abus soufferts par la population civile.
EQUATEUR
Le 8 décembre 2004, une majorité parlementaire constituée
de partis proches du gouvernement de Lucio Gutiérrez destituait les magistrats
de la Cour suprême et en désignait d’autres, mesure considérée
inconstitutionnelle par les partis de l’opposition. Durant les mois qui
suivirent, et malgré les propositions du gouvernement et de l’opposition,
les parlementaires n’ont pu se mettre d’accord pour trouver une
issue à cette crise institutionnelle. Le 1er avril, la décision
du président de la Cour suprême, Guillermo Castro, d’annuler
les jugements pour corruption contre les anciens présidents Abdalá
Bucaram (1996-1997) et Gustavo Noboa (2000-2003) et contre l’ancien vice-président
Alberto Dahik (1993-1995), qui avaient fui le pays, aggravait la situation.
Le retour des trois anciens mandataires dans le pays déclenchait la colère
d’une bonne part de la population. Des manifestations de rues se développaient
à partir du mercredi 13 avril, aux cris de « Dehors Lucio »
et « Qu’ils s’en aillent tous ». Samedi 16, devant l’ampleur
des mobilisations, le président déclarait l’Etat d’urgence,
qui suspend les civils, mobilise l’armée et autorise l’exécutif
à intervenir dans les domaines législatif et judiciaire. Il décrétait
aussi la destitution de la Cour suprême. Les deux décisions sont
alors dénoncées comme dictatoriales par de nombreux secteurs.
Le Congrès, réuni en session extraordinaire le dimanche 17 avril,
destitue de nouveau à l’unanimité les magistrats de la Cour
suprême et déclare le pouvoir judiciaire « en vacance »
jusqu’à ce qu’une loi soit votée mettant en place
un mécanisme non partisan de désignation des magistrats. Mercredi
20, alors que les manifestations se poursuivaient dans Quito, l’ambassadrice
états-unienne allait rendre visite au président pour lui exprimer
sa préoccupation et solliciter une solution rapide. Quelques minutes
plus tard, le commandant en chef de la police, Jorge Poveda, présentait
sa démission. Le Congrès se réunissait alors en session
extraordinaire et approuvait une motion de destitution du président,
le vice-président, Alfredo Palacio, étant désigné
comme son successeur. La Communauté sud-américaine des nations
a décidé jeudi 21 d’envoyer une mission dans le pays pour
« dialoguer avec toutes les forces politiques » et aider à
la normalisation de la situation.
MEXIQUE
Jeudi 7 avril, le Congrès législatif mexicain retirait son immunité
au maire de la capitale, le populaire Andrés López Obrador, membre
du Parti pour la révolution démocratique (PRD) et donné
favori aux élections présidentielles de 2006, par 360 voix en
faveur, 127 contre, et 2 abstentions. Le Parti d’action national (PAN),
actuellement au pouvoir, et le Parti révolutionnaire institutionnalisé
(PRI) ont tous deux voté en faveur de la suppression de l’immunité.
Le maire pourrait donc désormais être jugé et, s’il
était considéré coupable, être emprisonné
et voir sa candidature inhabilitée. Mais le bureau du procureur général,
qui dépend du gouvernement et l’accuse d’avoir enfreint une
ordonnance judiciaire, n’a pas demandé son arrestation, se limitant,
mercredi 20, à requérir que l’accusé comparaisse
devant les juges, en soulignant qu’il s’agit d’un délit
mineur. Deux députés du PAN ont même payé la caution
pour éviter la détention du maire, sans l’accord de ce dernier.
Les adversaires politiques de López Obrador craignent que son arrestation
ne vienne renforcer sa popularité.
URUGUAY
Le président Tabaré Vázquez, en fonction depuis le 1er
mars, a effectué son premier voyage officiel en se rendant à Brasilia,
vendredi 1er avril. La déclaration conjointe des deux présidents
affirme la volonté d’approfondir l’intégration au
sein du Mercosur, en l’élargissant aux domaines politique (avec
notamment la création d’un parlement élu au suffrage universel),
social, culturel, technologique et diplomatique et fait état d’une
série d’initiatives destinées à renforcer la coopération
bilatérale et l’action concertée lors des forums internationaux.
Les présidents ont aussi signé 5 accords, prévoyant la
création d’une commission permanente de coopération dans
les domaines de l’énergie, la géologie et les minerais,
la mise en place d’une ligne haute tension et la connexion des réseaux
de gazoducs entre les deux pays.
VENEZUELA
Le gouvernement a décidé de mettre en place une armée de
réserve destinée à seconder l’armée régulière
en cas d’agression extérieure, dont l’éventualité
est évoquée par le président Chávez qui accuse les
Etats-Unis de vouloir l’assassiner et mettre la main sur les réserves
pétrolières du pays. Le président a chargé le général
Julio Quintero, ancien chef du commando unifié de l’armée,
de diriger l’organisation progressive de cette armée de réserve
qui, selon ses dires, pourrait compter jusqu’à deux millions de
membres (l’armée régulière n’en compte que
82 000).
Rédaction : Nicolas Pinet.
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