AOÛT-SEPTEMBRE
2002
La fin de la présence
de l'ancien dictateur Augusto Pinochet sur la scène politique et la superposition
du 11 septembre 1973 avec le 11 septembre 2001 à New York ont fait du
vingt-neuvième anniversaire du coup d'État un événement
contrasté. Alors qu'avaient lieu les traditionnelles manifestations de
commémoration, les chaînes de télévision ont consacré
l'essentiel de leurs émissions aux événements du 11 septembre
2001, qui divisent nettement moins le pays.
OCTOBRE
2002
C'est la
seconde fois en un mois que des membres de l'armée ou de la brigade des
stupéfiants sont impliqués dans des affaires de corruption révélant
l'existence de liens avec des narco-traficants. Ces deux cas viennent ternir
l'image d'un pays considéré traditionnellement comme le moins
corrompu d'Amérique latine.
Deux projets de loi importants sont actuellement en cours d'élaboration.
Des responsables de groupes de défense des minorités sexuelles
travaillent avec le gouvernement à un projet de réforme de la
Constitution qui permettrait une condamnation plus explicite de la discrimination
sexuelle. Les discussions parlementaires autour du projet d'une Loi de divorce
continuent et devraient aboutir dans la première moitié de l'année
prochaine, malgré l'opposition de l'Église catholique. Le Chili
est actuellement la seule démocratie occidentale où le divorce
n'existe pas légalement.
Le commandant
en chef de l'armée de l'air, le général Patricio Rios,
a présenté le 13 octobre sa démission, après que
des poursuites judiciaires ont été entamées contre lui
et qu'un groupe parlementaire a annoncé son intention d'initier un processus
d'accusation constitutionnelle. Mis en cause pour dissimulatyion d'informations,
il avait jusqu'à présent conservé ses fonctions. Cette
crise vient étayer la volonté du gouvernement de réformer
la constitution pour rendre au président de la République le pouvoir
qu'il avait - avant 1973 - de destituer les commandants en chef des corps d'armée.
NOVEMBRE 2002
Un autre cas de corruption,
dénommé caso coimas - cas des pots-de-vins -, implique 5 députés
de la Concertation (l'alliance de partis qui gouverne depuis 1990). L'affaire
met en cause la crédibilité de la coalition et menace la majorité
gouvernementale à la Chambre des députés. Si la Cour suprême
ne revient pas sur la décision, les 5 députés resteront
exclus des travaux législatifs, et la différence de sièges
avec l'opposition ne serait plus alors que d'un siège.
DÉCEMBRE
2002
Des représentants
des États-Unis et du Chili ont annoncé, mercredi 11 décembre,
la conclusion d'un traité bilatéral de libre commerce, qui devrait
entrer en vigueur au second semestre 2003. Le gouvernement chilien conclut ainsi
une année féconde en accords commerciaux : en avril, il avait
conclu un accord avec l'Union européenne et en octobre il signait un
traité avec la Corée du Sud. Le Chili a aussi passé des
traités avec le Mexique, le Canada, le Costa Rica et El Salvador. Des
organisations de la société civile américaine dénoncent
l'absence de transparence de négociations qui se déroulent à
portes fermées, sans que les citoyens états-uniens ou chiliens
puissent en être informés. En 2002, elles ont présenté
devant les tribunaux une demande d'accès aux documents de la négociation.
JANVIER 2003
Fin
décembre 2002, le Conseil régional métropolitain de l'environnement
a donné son accord à une extension des espaces constructibles
de la capitale (autorisation d'ajouter 90 000 hectares aux 52 000 actuels).
Des associations de défense de l'environnement et le collège des
architectes ont dénoncé la mesure, que l'on soupçonne d'être
dictée par les intérêts des entreprises immobilières.
Santiago est, avec Sao Paulo et Mexico, une des villes les plus polluées
d'Amérique latine.
La Cour
suprême de justice a ratifié, mardi 14 janvier, la levée
de l'immunité pénale des cinq députés de la Concertation
- la coalition de centre-gauche actuellement au pouvoir - accusés de
corruption. Les cinq parlementaires ont aussi été relevés
de leur fonction, ce qui réduit la majorité gouvernementale à
58 sièges, contre 57 à l'opposition.
L'actuel
commandant en chef des armées, le général Juan Emilio Cheyre,
a déclaré début janvier, dans un article paru dans le journal
La Tercera, que « l'armée n'est l'héritière
d'aucun événement passé, parti politique ou secteur social ».
La déclaration a été accueillie très favorablement
par le président Ricardo Lagos, qui y a vu « un bon augure
pour commencer l'année 2003 », année du trentième
anniversaire du coup d'État de 1973.
FÉVRIER
2003
Les tribunaux chiliens
ont ouvert en décembre 2002 - 28 ans après les faits - une enquête
concernant l'assassinat en 1974 à Buenos Aires du général
Carlos Prats, commandant en chef des armées sous le gouvernement de Salvador
Allende (1970-1973). Le magistrat Alejandro Solis, chargé de l'enquête,
vient d'inculper cinq anciens chefs de la DINA, la police militaire secrète
de la dictature d'Auguste Pinochet (1973-1990).
MARS 2003
Le président chilien, Ricardo Lagos, a atteint, mardi 12 mars, la moitié
de son mandat de 6 ans. Les succès au niveau international – accords
de libre échange avec les États-Unis, l’Europe… –
contraste avec la détérioration de l’image de son gouvernement
à l’intérieur du pays. La première semaine de mars
éclatait en effet un quatrième scandale financier en six mois,
l’affaire Corfo-Inverlink – détournement de fonds mettant
en cause des institutions publiques. Le président a profité de
cette date symbolique pour remanier son cabinet.
AVRIL
2003
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MAI 2003
C'est la seconde fois
en un mois que des membres de l'armée ou de la brigade des stupéfiants
sont impliqués dans des affaires de corruption révélant
l'existence de liens avec des narco-traficants. Ces deux cas viennent ternir
l'image d'un pays considéré traditionnellement comme le moins
corrompu d'Amérique latine.
JUIN
2003
L’augmentation
de l’impôt sur la valeur ajouté (IVA) de 18 à 19 %,
qui devrait rentrer en vigueur en octobre, si le Sénat approuve la mesure,
a été votée le 16 juin par la Chambre des députés.
Cette hausse d’impôts doit permettre de financer les projets sociaux
du gouvernement, mais aussi de combler le manque à gagner que représente
la baisse des droits de douane consécutive à l’entrée
en vigueur du traité de libre commerce avec l’Union européenne,
et bientôt avec la Corée du nord et les États-Unis, avec
qui l’accord a finalement été signé le 6 juin, à
Miami.
Ce dernier mois, divers
projets de solutions judiciaires aux cas des disparus, prévoyant des
indemnisations pour les familles, ont été présentés
par les différents partis de la coalition au pouvoir, la « Concertation
», et de l’opposition, ainsi que par l’Association des familles
de détenus-disparus (AFDD). Le gouvernement devrait remettre début
juillet son projet de loi au Congrès, dont il espère que l’approbation
interviendra avant le 11 septembre, jour anniversaire du coup d’État
de 1973.
JUILLET-AOÛT
2003
Le président Ricardo Lagos a présenté au pays, dans la
soirée du mardi 12 août, sa « proposition de droits
humains », un mois avant le 30ème anniversaire du coup d’État
de 1973. La proposition, sur la base de laquelle le congrès devra élaborer
une série de lois, cherche à encourager la remise d’informations
concernant les détenus-disparus, en proposant un allégement de
peine, voire l’impunité, pour les soldats n’ayant fait qu’exécuter
des ordres auxquels ils pouvaient difficilement se soustraire et qui présenteraient
à la justice de nouveaux antécédents. Elle prévoit
aussi d’augmenter les réparations octroyées aux familles
des victimes et inclut pour la première fois la remise d’une indemnisation
« austère et symbolique » aux personnes victimes
de torture ou emprisonnées.
La Centrale
unitaire de travailleurs (CUT) avait appelé à la grève
générale – la première depuis le retour de la démocratie
–, mercredi 13 août, pour protester contre ce qu’elle considère
comme les conséquences du modèle néolibéral et le
peu de respect de l’exécutif et des chefs d’entreprise pour
les droits et les revendications des travailleurs. Le bilan de la journée
diffère beaucoup selon les sources. Pour le président de la CUT,
Arturo Martínez, la mobilisation fut un succès. José Miguel
Insulza, l’actuel ministre de l’intérieur, a lui mis l’accent
sur les désordres survenus dans différentes grandes villes du
pays et sur le faible degré de mobilisation.
SEPTEMBRE 2003
Le trentième anniversaire du coup d’État du 11 septembre
1973 a marqué une évolution importante du rapport au passé
récent. Les chaînes de télévision, et dans une moindre
mesure, la presse et la radio, ont consacré de nombreux reportages en
profondeur – une trentaine – sur les événements d’avant
et d’après 1973, produisant une sorte de surexposition médiatique
– inédite. Dans le même temps, et aussi bien au Chili que
dans d’autres pays du monde, étaient organisés colloques,
commémorations et concerts. Le 10 septembre, une cérémonie
d’hommage au président défunt était organisée
par le ministre de l’intérieur, José Miguel Insulza, à
La Moneda, le palais présidentiel, bombardé trente ans plus tôt.
En présence d’Hortensia Bussi, la veuve d’Allende, de sa
fille, Isabel Allende, l’actuelle présidente de la Chambre des
députés, et de nombreux invités, fut inaugurée une
plaque commémorative à l’endroit où le président
se suicida, ainsi qu’un tableau représentant Allende au balcon
de La Moneda, après son élection le 4 septembre 1973, et une photo
montrant ce même balcon après le bombardement du 11 septembre.
Le lendemain, au cours d’une seconde cérémonie, le président
Ricardo Lagos inaugurait la nouvelle porte de Morandé 80, située
sur la façade est de La Moneda : entrée traditionnelle des présidents
avant 1973, et porte d’évacuation du corps d’Allende le 11
septembre, elle avait été supprimée lors de la reconstruction
du palais en 1980. La traditionnelle marche en direction du mémorial
des détenus-disparus, situé à l’intérieur
du Cimetière général, eut lieu le dimanche 14. Le 23 septembre
se célébrait aussi le trentième anniversaire de la mort
de Pablo Neruda.
OCTOBRE 2003
La construction de la centrale hydro-électrique de Ralco, sur le fleuve
Bío-Bío, au sud du Chili, aura été semée
d’embûches. Le barrage doit inonder des terrains pehuenches –
un des peuples mapuches – détruisant un écosystème
fluvial unique au monde. Le projet a rencontré l’opposition de
groupes écologistes, dénonçant les irrégularités
de la procédure d’autorisation et de quelques-unes des familles
pehuenches résidentes qui avaient refusé de vendre leurs terres.
Un accord a finalement été passé entre les 4 dernières
femmes qui refusaient de quitter leurs terres, le gouvernement chilien et la
multinationale électrique Endesa-España, lundi 16 septembre. Les
4 femmes recevront en compensation plus d’un million de dollars US. La
centrale, dont le projet a été initié en 1992, devrait
commencer à fonctionner en 2004.
Un autre
scandale, de pédophilie cette fois, est venu secouer une nouvelle fois
la classe politique chilienne. Claudio Spiniak, riche chef d’entreprise,
avait été arrêté en décembre 2002 après
que la police découvre de la drogue chez lui. Mais la police décida
de ne pas le poursuivre, et il fut remis en liberté. Fin septembre, Spiniak
fut de nouveau détenu, après qu’un enfant a informé
la police de recrutements d’enfants destinés à des fêtes
organisées par le chef d’entreprise, commençant ainsi à
mettre à jour un puissant réseau de pédophilie. Ont été
récemment compromis dans l’affaire deux sénateurs de la
UDI (Union démocrate indépendante), parti créé par
Jaime Guzmán, et ancien soutien politique du général Pinochet,
ce qui a provoqué une forte réaction, le président du parti
dénonçant un complot visant à discréditer la force
politique et son candidat présidentiel aux élections de décembre
2005, Joaquín Lavín.
NOVEMBRE 2003
Le 22 octobre, le parlement chilien ratifiait le Traité de libre-échange
avec les États-Unis. Ce dernier rentrera en vigueur le 1er janvier 2004.
Durant la conférence interministérielle de Miami, la ministre
chilienne des affaires étrangères, Soledad Alvear, s’est
montrée opposée à la version flexible de la ZLÉA,
impulsée par le Brésil et les États-Unis et finalement
adoptée, tout comme ses homologues mexicain et canadien, dont les pays
sont eux aussi déjà liés aux États-Unis par des
traités de libre-échange très inclusifs.
Durant le
treizième sommet ibéro-américain, Hugo Chávez avait
déclaré qu’il rêvait de « se baigner un
jour sur une plage bolivienne », faisant allusion à la revendication
de la Bolivie d’avoir un accès à la mer, perdu depuis la
guerre du Pacifique en 1879, lorsque le Pérou et la Bolivie avaient été
vaincus par le Chili. La question de l’accès à la mer a
été ravivée par le conflit provoqué par la volonté
du gouvernement bolivien de Gonzalo Sánchez de Lozada – qui finit
par démissionner le 17 octobre – d’exporter le gaz bolivien
via un port chilien (voir brèves d’octobre). Le gouvernement chilien
rappela alors son ambassadeur pour exprimer son mécontentement, et le
gouvernement vénézuélien fit de même quelques jours
plus tard. Le 25 novembre, pendant un acte officiel, Hugo Chávez reprenait
de nouveau sa fameuse phrase. Le gouvernement chilien a préféré
ne pas répondre aux déclarations du président vénézuelien
pour ne pas participer à une possible escalade verbale.
DÉCEMBRE 2003
La ministre de relations extérieures, Soledad Alvear, du Parti démocrate
chrétien, et la ministre de la défense, Michelle Bachelet, du
Parti socialiste, apparaissent actuellement comme les candidats potentiels les
plus populaires pour les élections présidentielles de décembre
2005. Dans quelques enquêtes, la popularité de la ministre de la
défense dépasse même celle du président actuel, Ricardo
Lagos, ou celle du maire de Santiago, Joaquín Lavín, leader de
l’Alliance pour le Chili, l’opposition de droite. Les élections
municipales d’octobre 2004 permettront à la Concertation pour la
démocratie, actuellement au pouvoir, et à l’Alliance pour
le Chili, de mesurer leurs forces.
Rédaction : Nicolas Pinet.
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