CUBA
troisième trimestre 2002-année 2003


AOÛT-SEPTEMBRE 2002
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OCTOBRE 2002
Le traité de proscription des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes, connu sous le nom de Traité de Tlatelolco, vient d'être ratifié (23 octobre) par le gouvernement cubain, qui l'avait signé en 1995. Entré en vigueur en 1969, ce traité prévoit, entre autres choses, l'interdiction d'expérimenter, d'utiliser, de fabriquer ou de stocker des armes nucléaires dans le sous-continent ; il s'applique désormais à l'ensemble des pays de la zone.

Fin septembre s'est tenue à La Havane une « foire agro-alimentaire des États-Unis » où étaient présentes quelque 288 entreprises du pays voisin. La vente des produits agro-alimentaires des États-Unis a repris en novembre 2001, au vu des dégâts effectués par le cyclone Michelle. Pendant la foire, d'autres contrats ont été signés, et l'intérêt commercial en jeu est une pression supplémentaire en faveur de l'abolition du blocus.

Le prix Sajarov des droits humains et de la liberté de pensée a été décerné par le Parlement européen à l'opposant cubain, Oswaldo Payá, marquant ainsi l'appui européen aux revendications de libéralisation politique et de respect des droits humains dans l'île.


NOVEMBRE 2002
Le gouvernement a ordonné, fin octobre, la libération du dissident Oscar Elías Biscet González, condamné en février 2000 à trois ans de prison, pour sa participation à une manifestation de protestation contre le régime.
Les représentants de Cuba et de l'Union européenne ont affiché, après s'être réunis à Copenhague le 4 novembre, leur volonté de continuer le dialogue initié en décembre 2001 à La Havane, malgré leurs divergences en matière de droits humains et de pluralité politique.
La 57ème session de l'Assemblée générale de l'ONU a approuvé, pour la onzième fois, une motion présentée par Cuba pour la onzième année consécutive et indiquant la nécessité de mettre fin au blocus.




DÉCEMBRE 2002
L'opposition modérée met progressivement en place diverses initiatives destinées à obtenir par la voie pacifique des changements au régime en place. Le Projet Varela réclame l'organisation, comme le prévoit la Constitution, d'un référendum sur des changements à apporter au régime socialiste. Le projet a l'appui des États-Unis et de l'Union européenne. L'Assemblée pour la promotion de la société civile à Cuba se propose d'accroître le nombre des forces d'opposition et la Table de réflexion de l'opposition modérée cherche à promouvoir une déclaration des droits citoyens. Ces dernières années, une relative tolérance des autorités a permis aux différentes organisations de l'opposition de développer un peu leurs activités.



JANVIER 2003
Le gouvernement entreprend de réorganiser le système de santé du pays, une des fiertés nationales. La qualité des services offerts gratuitement (un médecin pour 167 habitants) a souffert ces dernières années des effets de la crise économique et d'une mauvaise gestion administrative.



FÉVRIER 2003
Le coût élevé de la vie, relativement aux salaires reçus, est une des préoccupations récurrentes dans la population cubaine, pour les familles qui ne reçoivent pas d'argent de l'extérieur ou qui n'ont qu'une seule activité professionnelle.



MARS 2003

Des groupes d’opposants, illégaux mais tolérés dans une certaine mesure par le gouvernement socialiste, ont interrogé quelque 35 000 personnes au sujet des articles d’une Lettre ouverte sur les droits humains. Un peu moins de 2 000 se sont opposés à l’article en faveur de la suppression de la peine de mort, et 700 environ à l’article concernant la liberté de mariage (sans égard pour le sexe des conjoints), dans un pays où le rejet de l’homosexualité reste cependant fortement ancré.

Fidel Castro, âgé de 76 ans, vient d’être réélu pour la sixième fois président des Conseils d’État et de ministres, premier secrétaire du Parti communiste et commandant en chef des Forces armées, invalidant du même coup les rumeurs évoquant la cession de la charge de président du Conseil des ministres au vice-président, Carlos Lage.

Paul Nielson, un des membres de la Commission de l’Union européenne a effectué dans l’île un voyage de 5 jours, début mars. L’objectif principal du voyage était d’inaugurer le premier bureau permanent de la Commission européenne, doté du statut diplomatique et chargé de développer les relations bilatérales. Les négociations ont achoppé jusqu’à présent sur la question de la démocratie et des droits humains.

Vendredi 14 mars, le gouvernement cubain a refusé d’autoriser la visite de la représentante du Haut Commissaire des Nations unies pour les droits humains, Christine Chanet, chargée d’évaluer la situation humanitaire du pays. Le chancelier cubain Felipe Pérez Roque a expliqué que son pays rejette depuis son origine la résolution présentée par l’Uruguay et le Pérou en 2002. Cela avait alors provoqué un accident diplomatique entre Cuba et l’Uruguay, qui finirent par rompre leurs relations.

Les relations entre Cuba et les États-Unis traversent une période de tension, depuis que le gouvernement cubain a décidé, mardi 18 mars, de limiter les mouvements du personnel de la Section des intérêts états-uniens, un bureau diplomatique basé à La Havane. Son responsable durant les 6 derniers mois, James Cason, est accusé d’ « activités conspiratrices » et de fomenter la « subversion ». Dans les jours qui suivent, au moins 75 activistes antigouvernementaux ont été arrêtés. Cela pourrait provoquer une nouvelle condamnation au sein de la Commission des droits humains des Nations unies et ralentir les négociations avec l’Union européenne.



AVRIL 2003
Le gouvernement cubain a fait fusiller, vendredi 11 avril, les trois hommes qui avaient essayé de détourner une embarcation vers les États-Unis. Cela faisait plus de deux ans que la peine de mort n’avait pas été appliquée. Ces exécutions, jointes aux peines sévères appliquées à quelque 70 dissidents arrêtés, viennent de stopper net le rapprochement avec les États-Unis, encouragé par le secteur agricole états-unien intéressé par le marché cubain, et qui aurait pu conduire à la fin de l’embargo. Le 17 avril, la Commission des droits humains de l’ONU, réunie à Genève lors de sa période annuelle de sessions, a approuvé la résolution proposée par le Pérou, l’Uruguay et le Costa Rica, qui demande au régime cubain d’accepter la visite de Christine Chanet, représentante spéciale du Haut-Commissaire des Nations unies pour les droits humains chargée d’évaluer le respect de ces droits dans l’île. La Havane a alors réitéré son refus de la recevoir.




MAI 2003
Mardi 13 mai, le gouvernement des États-Unis a déclaré persona non grata à 7 fonctionnaires du Bureau des intérêts cubains à Washington, leur donnant 10 jours pour quitter le pays. 7 autres diplomates de la délégation cubaine devant l’ONU, qui siège à New York, devront eux aussi retourner à Cuba : ils ont été accusés, lundi 12, d’activités nuisant aux États-Unis. Le gouvernement cubain a qualifié la mesure d’« acte irrationnel de vengeance » et a déclaré qu’il « prendrait le temps nécessaire » pour répondre à la « provocation ».

Cuba a retiré de nouveau sa demande d’adhésion à l’Accord de Cotonou pour la coopération entre l’Union européenne (UE) et le Groupe de pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). En réaction aux peines sévères appliquées par le régime à 70 dissidents et à l’exécution des trois personnes qui avaient tenté de détourner une embarcation vers les États-Unis, la Commission européenne avait décidé le 30 avril de reporter sine die l’évaluation de la demande cubaine, qui aurait dû normalement être présentée au Conseil des ministres de l’UE en juin.

Le 20 mai, les cubains anticastristes exilés aux États-Unis célèbrent leur Jour de l’indépendance, en souvenir du 20 mai 1902, jour où fut proclamé la République de Cuba, après 3 ans d’intervention militaire états-unienne. Avant de se retirer, les États-Unis avaient imposé l’ajout d’un amendement à la Constitution qui les autorisaient à intervenir chaque fois que cela leur paraîtrait nécessaire. Le traditionnel message du président états-unien en ce jour s’est limité à exprimer « l’espoir que le peuple cubain puisse jouir bientôt des mêmes libertés et droits » que les états-uniens, sans annoncer de nouvelles mesures contre le gouvernement cubain. Cependant, ce même jour, un avion diffusant TV Martí, créée dans les années 1980 pour diffuser des informations anticastristes, est passé au large de la côte nord de l’île interrompant les émissions des chaînes de diverses provinces. Des coupures de courant auraient apparemment minimisé l’impact de ces transmissions.



JUIN 2003
L’Union européenne a décidé d’appliquer à partir du 5 juin des mesures pour protester contre l’exécution des trois personnes qui avaient essayé de détourner un bateau et l’emprisonnement de 75 opposants – réduction des visites gouvernementales bilatérales de haut niveau et de la participation des pays membres à des événements culturels en relation avec Cuba, réexamen de la position commune européenne sur l’île. Mercredi 11 juin, Fidel Castro exprimait son irritation dans un long discours à la télévision, et le lendemain, deux grandes manifestations, menées l’une par le chef d’état, l’autre par son frère, Raúl Castro, se dirigeaient dans la Havane vers les ambassades d’Espagne et d’Italie, pays considérés responsables des sanctions européennes.



JUILLET-AOÛT 2003
Mi-juillet, se sont éteints deux célèbres artistes cubains, Compay Segundo et Celia Cruz. La renommée de Compay devint mondiale après la sortie du film Buena Vista Social Club. Celia Cruz, « la reine de la salsa », vivait aux États-Unis depuis le début des années 60, et fut depuis lors une fervente opposante au régime castriste.

L’Union européenne a décidé de maintenir le dialogue avec Cuba, malgré ses critiques sur la situation humanitaire du pays.

Début août, Eloy Gutiérrez Menoyo, exilé en 1986 aux États-Unis après avoir purgé une peine de 22 ans de prison et de visite dans l’île grâce à une permission spéciale, a annoncé qu’il restait à Cuba pour lutter en faveur d’un futur pluraliste. Eloy Gutiérrez, ancien commandant durant la lutte contre Batista, avait été accusé d’insubordination armée. Leader de l’aile modérée des exilés cubains, il réclame désormais un « espace légal » pour pouvoir développer dans l’île son labeur d’opposant. Il a aussi invité le gouvernement des États-Unis à mener vis-à-vis de Cuba une politique conforme aux intérêts du Département d’État, et non d’une fraction des exilés cubains.



SEPTEMBRE 2003
Les évêques catholiques cubains publiaient lundi 8 septembre une déclaration intitulée L’amour espère tout dans laquelle ils déplorent le retour au langage et aux méthodes des premiers temps de la révolution cubaine et demandent plus de liberté publique pour l’Église.

Le 4 novembre, l’Assemblée générale de l’ONU analysera comme chaque année depuis 1992, la question du blocus états-unien. Dans une conférence de presse donnée mardi 16 septembre, le chancelier cubain Felipe Pérez Roque a rappelé que les 15 pays de l’Union européenne ont, ces dernières années, voté en faveur de résolutions demandant la levée des sanctions économiques et commerciales imposées par les États-Unis. Il a déclaré qu’il espérait qu’il en serait de même cette année, malgré les tensions diplomatiques qu’a provoqué l’exécution des 3 personnes qui avaient tenté de détourner une embarcation.

L’opposition modérée a présenté, mardi 16 septembre, une Lettre des droits et des devoirs fondamentaux des Cubains, autour de laquelle elle voudrait promouvoir un dialogue par le biais de « maisons de promotion des droits ». Le document a été présenté avant sa diffusion à plus de 35 000 Cubains vivant à l’intérieur et à l’extérieur du pays, et environ 31 000 ont accepté la proposition sans modifications.



OCTOBRE 2003

Dans un communiqué diffusé jeudi 2 octobre, le Ministère des relations extérieures a fait savoir que, à partir du 1er semestre 2004, les cubains résidant à l’extérieur et disposant d’un passeport cubain valide pourront désormais entrer à Cuba sans avoir besoin de demander un visa, simplifiant ainsi les procédures jusqu’ici nécessaires. La mesure ne s’appliquera pas à la liste noire de personnes dont les activités sont considérées contraires aux intérêts du pays.

Samedi 27 septembre, durant la visite du président brésilien Lula dans l’île fut organisé un forum d’entreprises Brésil-Cuba. Les responsables d’entreprises cubains et brésiliens signèrent en cette occasion 6 accords concernant notamment la biotechnologie, le tourisme, la production d’alcool combustible, les finances et le transport, et représentant un volume potentiel d’échanges de 200 millions de dollars.

Jeudi 23 octobre, le sénat états-unien a voté, par 59 voix contre 36, en faveur de la levée de l’interdiction de voyage à Cuba. La résolution, qui va contre les intentions déclarées du président Bush, a été votée par 19 sénateurs républicains, le parti du président, et fait suite à une résolution similaire, votée par la Chambre des représentants le 9 septembre. Reste à savoir si l’exécutif fera usage de son pouvoir de veto, comme il a menacé de le faire une fois connu le résultat de la votation.



NOVEMBRE 2003
Début novembre, les votes en faveur de la résolution sur « la nécessité de mettre fin » à l’embargo états-unien ont atteint le chiffre record de 179 votes en faveur, contre 3 votes de rejet (États-Unis, Israël, Îles Marshall), et deux abstentions (Micronésie et Maroc). La Havane a présenté sa première résolution de condamnation de l’embargo en 1992, et le vote de l’époque avait été de 59 voix pour, 3 contre, et 71 abstentions.

La commission du Sénat et de la Chambre des représentants des États-Unis a finalement décidé de maintenir l’interdiction pour les citoyens états-uniens de visiter Cuba, en vigueur depuis plus de 40 ans, après que le président Bush a menacé de mettre son veto sur l’ensemble de la loi, plus générale, si l’article correspondant n’était pas retiré. Mais cette décision ne fait que retarder une ouverture considérée comme inévitable, comme le montra le premier vote favorable du projet de loi, dans les deux chambres législatives.



DÉCEMBRE 2003

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Rédaction : Nicolas Pinet.
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