AOÛT-SEPTEMBRE
2002
La Cour suprême
a décidé vendredi 6 septembre de ne pas donner suite aux poursuites
engagées par plusieurs États et municipalités ayant un
large pourcentage de population indigène contre les réformes constitutionnelles
approuvées en avril par le Congrès législatif. Ces réformes
reconnaissent des droits aux ethnies indigènes mais limitent leurs aspirations
à l'autonomie complète et au contrôle de leurs terres qui
avaient pourtant été reconnues en 1996 par le gouvernement d'Ernesto
Zedillo (1994-2000), dans un accord signé avec les zapatistes. Selon
la Cour suprême, il n'est pas de son ressort de se prononcer sur les réformes
puisque celles-ci ont été votées par le parlement dans
l'exercice légitime des pouvoirs qui lui sont conférés
par la constitution. Ces réformes, qui ont le soutien du président
Vicente Fox et de la majorité des assemblées législatives
des États mexicains, restent donc en vigueur. Plus de 100 représentants
de groupes indigènes et humanitaires et plusieurs personnalités
du monde intellectuel ont déclaré dans un communiqué que
« le chemin légal est obstrué » et
que la paix avec l'EZLN (Ejército Zapatista de Liberación Nacional)
s'éloigne puisque de manière « raciste » et
« colonialiste » la Cour suprême a fermé
toutes les portes qui restaient aux peuples indigènes pour conquérir
leurs droits.
OCTOBRE
2002
La justice
mexicaine enquête actuellement sur l'assassinat de centaines d'opposants
politiques dans les années 1960, 1970 et 1980, alors que le PRI (Parti
révolutionnaire institutionnel) était au pouvoir. La Cour suprême
de justice s'est prononcée en faveur de l'enquête sur la répression
passée. Vicente Fox, l'actuel président de la république
- premier président depuis 70 ans à être issu d'un autre
parti que le PRI - a nommé un procureur spécial en charge de l'enquête.
NOVEMBRE 2002
Les autorités mexicaines
et les groupes indigènes ont indiqué qu'ils continueront à
réclamer, comme ils l'ont fait depuis 15 ans déjà, que
l'Autriche rende au Mexique la coiffe de plumes du dernier empereur aztèque,
Moctezuma Xocoyotzin (1466-1520), malgré leur nouveau refus, mardi 19
novembre.
Un tribunal militaire a initié fin octobre le procès de deux généraux
accusés de l'assassinat de 143 opposants politiques dans les années
1970. Les familles des victimes craignent que ce soit une façon de protéger
les accusés, jugés ici par d'anciens compagnons d'armes et amis,
de l'action de la justice civile.
DÉCEMBRE
2002
Plus de 2 000
agriculteurs mexicains ont manifesté début décembre dans
la capitale pour protester contre l'entrée en vigueur en janvier 2003
de la seconde phase d'ouverture aux importations agricoles prévues par
le Traité de libre commerce de l'Amérique du Nord (TLCAN). Cette
nouvelle étape consiste en l'élimination totale des taxes sur
21 produits du Canada et des États-Unis, les deux autres partenaires
de l'accord (pomme de terre, blé, pomme, oignon, café, poulet,
veau). La première phase d'ouverture a eu lieu en 1994, date de l'entrée
en vigueur du traité, la troisième devrait intervenir en 2008.
Jeudi 12
décembre, la course de relais de la « torche de Guadalupe »,
partie de Mexico 44 jours plus tôt, est arrivée à New York.
Les participants se sont relayés pour parcourir quelque 5 000 kilomètres,
portant une torche et une image de la Vierge de Guadalupe, figure religieuse
importante du Mexique que le Vatican a déclaré patronne de l'Amérique.
Ils revendiquaient la légalisation des quatre millions de mexicains sans
papiers qui résident aux États-Unis.
JANVIER 2003
Luis
Ernesto Derbez, qui était jusqu'au 10 janvier, ministre de l'Économie
du président Fox a été désigné par ce dernier
pour remplacer Jorge Castañeda, démissionnaire, au poste de ministre
des Relations extérieures. Ce changement devrait accroître le poids,
dans la politique extérieure mexicaine, des questions économiques.
La mobilisation
des agriculteurs contre l'entrée en vigueur de la seconde phase de l'Accord
de libre-échange nord-américain (ALENA) continue, malgré
les efforts du gouvernement pour désamorcer le conflit, bloquant des
routes et manifestant dans la capitale. Ils menacent de paralyser le pays et
de bloquer les frontières si le gouvernement n'initie pas une renégociation
de l'ALENA. Durant les dernières décennies, le Mexique a réduit
les aides apportées à l'agriculture, à la différence
des États-Unis et du Canada qui subventionnent leurs producteurs. Selon
des statistiques officielles, la quasi totalité de la population rurale
mexicaine vit aujourd'hui au dessous du seuil de pauvreté.
FÉVRIER
2003
Les
mobilisations des organisations agricoles continuent à réclamer
une action gouvernementale pour éviter la ruine du secteur, alors qu'environ
600 agriculteurs quittent chaque jour leurs terres pour fuir la pauvreté.
Début février, le Mexique a obtenu de la Cour de justice internationale qu'elle ordonne la suspension de l'exécution de trois mexicains condamnés à mort aux États-Unis. Le Mexique accusait les autorités juridiques états-uniennes de n'avoir pas respecté la Convention de Vienne, qui autorise les accusés ressortissants d'un pays tiers à bénéficier d'une assistance consulaire. Rien n'indique cependant que les États-Unis respecteront le verdict.
Le Mexique,
qui dispose jusqu'en décembre 2003 d'un siège au Conseil de sécurité
de l'ONU, est favorable à une solution pacifique en Irak et s'oppose
à une offensive unilatérale des États-Unis, malgré
les pressions de son voisin et les menaces de représailles économiques.
MARS 2003
Des conversations sont actuellement en cours entre le gouvernement et les représentants
des petits exploitants agricoles. Les deux partis espèrent arriver à
un accord vers la mi-mars. Le secrétaire à l’Agriculture,
Javier Usabiaga a déclaré que le gouvernement « répondrait
seulement aux propositions viables » et que les termes de l’Accord
de libre-échange nord-américain (ALENA), signé en 1994
entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, n’étaient
pas négociables. Les représentants des petits paysans espèrent
obtenir des mesures de protection temporaire et la mise en place de nouvelles
politiques visant à sortir les agriculteurs de la pauvreté qui
touche 90 % des 25 millions de personnes vivant en secteur rural.
Les élections
qui ont eu lieu, dimanche 9 mars, dans l’État de México,
le plus peuplé du pays, contrastèrent avec les élections
générales de l’année 2000, premières élections
multipartites depuis 72 ans. Le taux de votants n’a été
que de 37 % – contre 64 % en 2000 – et l’élection
des maires et des députés s’est effectuée dans un
climat de violence et de dénonciations de fraude. Les résultats,
au niveau de l’État, qui représente 14,2 % des 56 millions
de votants du pays, sont assez proches de ceux de l’année 2000
: Le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), allié au Parti
vert, a obtenu 34 % des voix, le Parti action nationale (PAN), du président
Vicente Fox, 28 % et le Parti de la révolution démocratique
(PRD), plus à gauche, 23 %. Le PAN a diminué son score par
rapport à 2000.
AVRIL
2003
Le gouvernement a signé, fin avril, un Accord national pour la campagne,
avec les délégués des organisations paysannes protestant
contre les conséquences négatives sur leur activité de
l’entrée en vigueur de la seconde phase de l’Accord de libre-échange
nord-américain (ALENA). Le président Fox a annoncé qu’il
proposerait au Canada et aux États-Unis d’exclure de l’ouverture
de la troisième phase les haricots et le maïs, produits sensibles
pour le Mexique. L’accord signé fixe aussi la répartition
des 30 millions de dollars du budget fédéral destinés à
la campagne.
MAI
2003
Le président
Vicente Fox a déclaré lundi 28 mai, devant plus de 1 000 invités
que la signature de l’Accord national pour la campagne marque le début
d’une nouvelle ère pour le secteur, qui concentre 75 % de la pauvreté
du pays. Mais l’Union nationale des organisations régionales agricoles
autonomes (UNORCA), qui s’est refusé à signer l’accord,
reproche à l’Accord, tout comme d’autres analystes, d’être
superficiel. L’accord, souscrit après quatre mois de dialogues
et de mobilisations des paysans, énonce les promesses du gouvernement
mais ne précise pas d’où et quand viendront les fonds.
La mort
de 17 immigrants illégaux, rendue publique mercredi 14 mai dans l’État
du Texas, est pour le Mexique un témoignage de plus de l’urgence
de trouver un accord migratoire avec les États-Unis. Le président
Vicente Fox cherche depuis le début de son mandat, fin 2000, à
obtenir la légalisation des plus de 4 millions d’immigrants mexicains
sans papiers qui travaillent dans le pays voisin. Mais le gouvernement états-unien
a augmenté sa résistance traditionnelle à un accord global
sur l’immigration depuis que le Mexique, membre non permanent du Conseil
de sécurité de l’ONU, a refusé de soutenir l’invasion
de l’Irak.
JUIN
2003
Mardi 10 juin,
la Cour suprême de justice a autorisé l’extradition vers
l’Espagne de l’ancien capitaine de la marine argentine, Miguel Cavallo,
alias Sérpico, accusé d’avoir fait disparaître, d’avoir
assassiné, séquestré et torturé des dizaines de
personnes durant la dictature argentine (1976-1983) et poursuivi pour crimes
contre l’humanité. C’est le premier militaire latino-américain,
poursuivi par un juge d’un pays tiers et extradé après avoir
été détenu dans un pays où ne pesaient pas de charges
contre lui.
Jeudi 12 juin est
entrée en vigueur la nouvelle Loi de transparence et d’accès
à l’information publique – approuvée il y a un an
–, avec le début de fonctionnement de son règlement et de
l’organisme associé. Quiconque pourra désormais demander
aux pouvoirs exécutif, judiciaire et législatif de divulguer quelles
furent les conditions de licitation d’un projet, quel est le salaire d’un
fonctionnaire, ou l’usage qui a été fait du budget, par
exemple. On espère que cette transparence potentielle fera diminuer les
niveaux de corruption.
Le rapporteur spécial
de l’ONU pour les droits humains et les libertés fondamentales
des indigènes, Rodolfo Stavenhagen, a demandé à l’État
de définir vis-à-vis des indigènes une politique intégrale
qui aille au delà du simple discours, après une visite officielle
de 17 jours. Selon lui, les politiques sociales en place sont purement assistencialistes.
JUILLET-AOÛT
2003
Les élections parlementaires, dimanche 6 juillet, premières élections
générales depuis la fin des gouvernements du PRI – Parti
révolutionnaire institutionnel – (1929-2000), ont connu un taux
d’abstention sans précédent (près de 60 % de
la population en âge de voter). 36,3 % des électeurs votèrent
pour le PRI, 30,6 % pour le Parti Action national (PAN) actuellement au
pouvoir, et 17,8 % pour le Parti de la révolution démocratique
(PRD), de gauche. Aucun parti n’aura donc la majorité, et seuls
60 % des électeurs qui choisirent Vicente Fox pour président,
votèrent cette fois pour le PAN.
Digna Ochoa, avocate engagée en faveur de la défense des droits humains, se serait suicidée, après avoir monté un scénario pour laisser croire qu’elle avait été assassinée. C’est le résultat de l’enquête judiciaire menée depuis fin 2002 par un procureur spécial – les premiers enquêteurs étaient arrivés eux aussi à la même conclusion. La famille d’Ochoa a refusé les résultats de l’enquête, défendant la thèse de l’assassinat.
Le gouvernement de Mexico a finalement décidé, fin juillet, de placer sous contrôle policier fédéral Ciudad Juarez, une ville de 1,2 millions d’habitants située à la frontière nord du pays (dans l’État de Chihuahua) dans laquelle ont été assassinées depuis dix ans quelque 300 femmes, ayant toutes entre 15 et 30 ans, souvent après avoir été violées, et sans qu’une explication claire des motifs des meurtres puisse être avancée.
Le Collège de la frontière nord vient de terminer une étude sur l’émigration clandestine vers les États-Unis. Le durcissement des contrôles frontaliers états-uniens a provoqué ces dix dernières années la mort de plus de 3 000 émigrants illégaux et la détention de 12 millions d’autres, contribuant aussi au développement sans précédent du trafic de personnes.
L’Armée
zapatiste de libération nationale (EZLN), en retrait depuis 2 ans, a
annoncé début août la dissolution de ses entités
politico-culturelles nommées aguascalientes (eaux chaudes) qui
ont été ces dernières années un lieu de rencontre
entre le groupe et des organisations de la société civile. A aussi
été annoncé la création de 5 caracoles
(escargots), nom donné à la nouvelle division administrative qui
organisera les 33 municipes contrôlés par l’EZLN. Dans ces
districts seront instaurés des « juntes de bon gouvernement »,
constituées d’autorités élues par la communauté
indigène – mais sans reconnaissance officielle par l’État
mexicain –, avec une police propre et un système de collecte d’impôts.
Le sous-commandant Marcos cesse aussi d’être le porte-parole du
mouvement.
SEPTEMBRE 2003
Le président Vicente Fox, présentant au Congrès législatif,
le 1er septembre, son troisième rapport annuel, a mis de côté
son triomphalisme des années précédentes et reconnu que
le pays doit résoudre de graves problèmes sociaux et que son gouvernement
peut mieux faire. Le Parti action nationale (PAN) a perdu 55 sièges (sur
les 206 qu’il détenait) aux élections des députés
du 6 juillet, ce qui a été considéré comme l’expression
d’un mécontentement vis-à-vis de la gestion gouvernementale.
Fin septembre,
le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, a rendu
une courte visite à son homologue mexicain, avant de se rendre à
Cuba. Lors de leur troisième rencontre de l’année, les deux
présidents ont mis au point quelques mesures de coopération. Les
deux pays, qui représentent à eux seuls 61 % du PIB (Produit
intérieur brut) d’Amérique latine défendent des politiques
différentes – le Brésil se montre par exemple prudent vis-à-vis
de la ZLÉA, alors que le Mexique s’en est fait l’un des promoteurs
–, et aspirent tous deux à devenir le porte-parole du sous-continent.
OCTOBRE 2003
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NOVEMBRE 2003
Mercredi 5 novembre, la Cour suprême de justice du Mexique a émis
une résolution précisant que les enlèvements et les disparitions
forcées de personnes sont des délits imprescriptibles, comme c’est
le cas pour d’autres délits comme l’assassinat. La décision
vient annuler le verdict prononcé par un tribunal qui avait refusé
de poursuivre deux anciens chefs de la Direction fédérale de sécurité
au nom de la prescription.
Samedi 15 novembre, durant le treizième Sommet ibéro-américain de Santa Cruz de la Sierra en Bolivie, le Mexique a souscrit un nouvel accord de libre-échange avec l’Uruguay, le onzième depuis le premier du genre en 1992 avec le Chili. Mais, sachant que la moitié de ses 100 millions d’habitants vivent dans la pauvreté, et un tiers dans la misère, le doute s’installe quant à la corrélation, invoquée de nouveau par le président uruguayen Jorge Battle, entre ouverture commerciale et bien-être social.
La grâce présidentielle, octroyée jeudi 20 novembre par Vicente Fox à un jeune militaire condamné à mort pour le meurtre d’un colonel, ne résout pas le problème de fond, selon les organisations humanitaires qui luttent pour l’abolition de la peine de mort, ouvertement critiquée par le gouvernement sur la scène internationale mais toujours en vigueur dans la Constitution et le Code de justice militaire.
Adolfo Aguilar, qui représentait le Mexique au Conseil de sécurité de l’ONU, a présenté jeudi 20 novembre sa démission, considérant injuste la réaction de son gouvernement après qu’il a déclaré que « la classe politique et intellectuelle des États-Unis » perçoit le Mexique comme leur « arrière-cour » (« patio trasero »). Vicente Fox se libère ainsi du dernier élément de gauche de son gouvernement, et les États-Unis d’un diplomate décidé à établir avec eux une relation excluant la subordination – ce fut l’acteur le plus visible de l’opposition du Mexique à la guerre en Irak.
Quelque
80 000 manifestants ont défilé dans les rues de la capitale, jeudi
27 novembre, 4 jours avant que le président Fox arrive à la moitié
de son mandat, en signe de rejet des propositions de ce dernier visant à
réformer le système des impôts et à faciliter les
investissements étrangers dans le domaine de la production électrique.
Les leaders de la manifestation ont menacé d’une grève générale
si le président persiste dans ses projets. Vicente Fox arrive ainsi à
la moitié de son mandat, affaibli et sans majorité au Congrès.
DÉCEMBRE 2003
En décembre 2000, au moment de sa prise de fonctions, le nouveau président
Vicente Fox avait demandé à l’ONU de réaliser une
étude sur la situation des droits humains dans le pays, avec l’intention
de mettre en place un plan d’ampleur en la matière. Le rapport,
élaboré par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits
humains, a été présenté au président, lundi
8 décembre. Le diagnostic sur la situation des droits humains au Mexique,
de 226 pages et comprenant 32 recommandations réclame des mesures urgentes
contre la misère, l’inefficacité de la justice, les disparitions,
les tortures, les mauvais traitements, l’éducation insuffisante
et la discrimination.
Rédaction : Nicolas Pinet.
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