Selon les défenseurs de lenvironnement,
le montant dû par les pays industrialisés aux pays latino-américains
pour dommages causés à l'environnement et pour l'usage
des ressources naturelles font plus que compenser la dette extérieure
que leur doit la région. Dans ce bref article paru dans Noticias
Aliadas du 4 novembre 2002, Barbara Fraser présente les justifications
avancées pour légitimer lidée dune
dette écologique.
Face à la contamination de l'environnement
causée par des éboulements de mines et par les écoulements
de pétrole dans la nature, les défenseurs de l'environnement
de toute la région promeuvent des solutions consistant à
faire un échange entre « dette et nature ».
Ils disent que les pays industrialisés ont une dette écologique
envers ces mêmes pays qui supportent le poids des énormes
dettes extérieures. En effet, disent-ils, le montant dû
aux pays latino-américains pour dommages causés à
l'environnement et pour l'usage des ressources naturelles font plus
que compenser la dette extérieure de la région. Bien que
les comptes n'existent dans aucun livre d'aucune entreprise ou nation,
les auteurs de cette proposition disent quon devrait les y trouver,
car on montrerait ainsi que la détérioration environnementale
a un coût réel.
L'idée d'une dette écologique est liée au débat
croissant sur « qui doit payer le passif » en matière
d'environnement, tels les détritus abandonnés quand on
ferme une mine ou quand une compagnie est en faillite, tel le pétrole
déversé dans les forêts tropicales pendant les opérations
dextraction. Le phénomène s'étend aussi à
l'émission de gaz à effets de serre, à la destruction
des forêts tropicales, aux déversements de pétrole,
aux ressources biologiques qui pourraient avoir une valeur médicinale.
La litanie des désastres environnementaux en Amérique
latine inclut des cas comme celui qui s'est produit en Guyane en 1995,
quand des avaries dans une digue de retenue de la mine d'or OMAI, de
la société canadienne Cambior Inc., ont causé une
fuite de cyanure dans la rivière Omai, tuant les poissons qui
faisaient intégralement partie de la nourriture de la population
indigène locale. Un fait semblable en Bolivie a empoisonné
en 1991 le fleuve Pilcomayo.
En Équateur, des groupes indigènes luttent pour poursuivre
un procès contre Texaco [grand groupe pétrolier] devant
les tribunaux des États-Unis. Dans cette affaire, un échec
a été subi par les plaignants au début du mois
daoût lorsque fut rejeté lappel quils
avaient fait. Ceux-ci recherchent une indemnisation pour les milliers
de millions de litres de pétrole et d'eaux usées répandus
dans la forêt.
La coupe illégale et la déforestation ont un coût
en raison de la perte de diversité biologique perdue et de la
moindre capacité pour les forêts tropicales à absorber
des gaz à effets de serre. Et la bioprospection - que les critiques
appellent « biopiraterie » - peut être la source
de profits pour des entreprises pharmaceutiques étrangères
qui ne donnent pas de compensation aux communautés indigènes
pour le partage de leurs connaissances des plantes médicinales.
[cf Dial D 2487, 2444,
2419, 2303,
2136, 2045]. Il est difficile de mettre
un prix sur une telle détérioration. « Comment
pourrions-nous fixer un prix à la vie, aux cultures, à
une langue qui a disparu, à toute une série de choses
auxquelles simplement on ne peut pas donner de prix ? » dit
Yvonne Yánez du bureau de Oilwatch International à Quito,
Équateur.
Toutefois, les économistes disent que la tâche n'est pas
impossible. « On ne peut pas chiffrer exactement les dettes
écologiques, mais cela ne signifie pas que ces estimations ne
peuvent pas exister » , dit l'espagnol Joan Martínez,
professeur de l'Université autonome de Barcelone. Par exemple,
récolter, pour dommages à l'environnement, 1,5 dollar
le baril sur les 1,5 milliard de barils de pétrole que Texaco
et le gouvernement équatorien ont extrait au cours des deux décennies,
représenterait un montant équivalent à la dette
extérieure du pays, de 11 milliards dollars.
" Au Brésil, des chercheurs ont estimé que 100
ha de forêts fournissent des services en matière d'environnement
pour une valeur de 28 000 dollars chacun " dit Martínez
: 15 000 dollars pour l'absorption de dioxyde de carbone, 8 000 pour
la diversité biologique et 5 000 pour leur contribution à
d'autres processus, tel le cycle hydrologique de pluie et dévaporation.
En comparaison, l'élevage fait un usage pauvre des ressources
naturelles. Comme le sol des forêts tropicales est pauvre en substances
nutritives, la coupe de ces forêts donne lieu à des pâturages
qui ne peuvent nourrir approximativement qu'une tête de bovin
par hectare.
" Comme pour la dette extérieure " , dit Martínez,
" il y a aussi une dette écologique publique et privée
". Selon son opinion, la dette privée est celle qui
est accumulée par les entreprises en raison des dommages consécutifs
à des activités telles que les mines, l'extraction pétrolière
ou la taille des forêts.
" La dette publique relèverait de notre responsabilité
comme consommateur, par exemple en raison de la consommation de crevettes
d'élevage qui détruisent les mangroves, et de la consommation
de l'or en raison de ce qui peut se produire dans les mines d' or
" dit-il. " La dette due à l'augmentation de l'effet
de serre est une dette des citoyens qui ont dépassé le
quota que nous aurions dû respecter dans la production de dioxyde
de carbone ".
Ce concept a commencé de figurer dans les politiques publiques.
Déjà, à la fin des années 70, le Costa Rica
expérimentait, avec des mesures incitatives, un usage plus durable
des forêts. En premier lieu, il y eut une déduction de
taxes pour les entreprises et les grands propriétaires terriens
qui reboiseraient leurs propriétés. Vint ensuite une incitation
directe versée aux petits agriculteurs pour la reforestation.
Actuellement, les propriétaires peuvent recevoir une compensation
pour les « services » que rendent leurs forêts
: réduire les émissions de gaz à effets de serre
et protéger l'eau et la diversité biologique ainsi que
les écosystèmes dans des buts touristiques et scientifiques.
Un tiers des impôts sur les combustibles fossiles va aux propriétaires
de forêts qui peuvent l'investir en reforestation et gestion ou
en protection des forêts. L'impôt est une manière
de s'assurer que le pollueur aide à payer les dégâts.
Quelques militants de l'environnement sont préoccupés
par le fait que « la dette écologique » soit
simplement un mot nouveau pour un vieux problème. « Notre
véritable problème avec les "passifs" en matière
d'écologie n'est pas abordé : c'est le fait que le gouvernement
ne prendra pas de mesures contre eux » dit Tomás Grados,
du Comité de défense environnementale et de développement
durable de San Mateo, Pérou, à quelque 100 km à
l'est de Lima, qui vient lutter contre les effets des infiltrations
de déchets miniers.
Mais Yánez dit que le concept de dette écologique aide
à conscientiser sur les coûts du développement et
sert comme outil politique pour faire pression sur les gouvernements
afin qu'ils changent de politique, par exemple en développant
des sources alternatives d'énergie qui réduisent la dépendance
des combustibles fossiles, lesquels s'ajoutent à la dette écologique
tant lorsqu'ils sont extraits du sol que lorsqu'ils sont brûlés.
« Cela implique un changement de mentalité radical,
un changement de paradigmes, dit-il, mais nous les écologistes
avons cet avantage dêtre optimistes. »
Traduction DIAL.
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